Bien sûr, pour beaucoup, un PSG-OM est toujours important. Mais en 1999, même les moins anti-Marseillais des Parisiens — et il y en a — n’avaient qu’une envie en fin de saison : battre l’équipe de Rolland Courbis. Les autres rencontres n’avaient plus réellement d’importance, il s’agissait pour le PSG d’une finale.
De la nécessité de battre l’OM
Il faut dire qu’en plus de la rivalité récente entre les deux clubs, il y avait à l’époque une certaine frustration vis-à-vis du club phocéen. On a coutume de dire que Paris et Marseille sont les deux clubs sur lesquels la pression est la plus forte. C’est en partie vrai, mais il y a une nuance au niveau de l’OM puisque ce club attire plus naturellement l’empathie des supporters de foot dits neutres. Aussi, dès que Marseille se met à gagner, c’est un peu toute la France du foot qui est derrière l’équipe sudiste. Qui plus est, en 1999, nous sommes en pleine euphorie post-mondial 98, et de nombreux footix croient retrouver dans ce club les vertus qui leur avaient tant plu chez l’équipe de France championne du monde. Il faut dire que l’OM comporte en son sein Pirès, Blanc et Dugarry.
Paris végète en milieu de classement — après avoir vu passer deux présidents et trois entraîneurs —, pendant que l’OM caracole en tête du classement, et s’apprête à jouer une finale de coupe d’Europe. Tous les médias raillent donc le PSG et sa gestion calamiteuse, pendant que l’OM est adulé. Le partenaire du club, Adidas, réalise des campagnes de pubs massives autour du club phocéen, et il est quasiment impossible d’échapper aux spots télévisés de la marque aux trois bandes, mettant en avant la supposée génération dorée des joueurs marseillais. Il est annoncé qu’après le purgatoire jugé injuste en D2, l’OM va enfin reprendre le contrôle des opérations en France. Les joueurs ne craignent dégun, et l’Europe va parler marseillais.
Quelque part, le PSG se retrouve donc dans la peau du petit club qui accueille l’arrogant leader : le complexe provincial inversé. Ajoutez à cela le fait que Paris n’a plus battu l’OM en championnat depuis plus de dix ans, et que la dernière rencontre au Parc avait été le théâtre d’une erreur d’arbitrage monumentale — la simulation de Ravanelli — pourtant minimisée par Canal+, et vous avez tous les ingrédients pour réunir des supporters et joueurs parisiens à bloc.
Cela se ressent sur l’avant-match. Une heure avant le coup d’envoi, l’ambiance est déjà électrique. Le Virage Auteuil et les supporters marseillais ne cessent de se chambrer, voire plus. Et une histoire de bâche volée revient sur le tapis : les supporters sudistes décident d’envahir la pelouse. Les Tigris Mystic, présents en Auteuil rouge, font alors de même — il est alors à l’époque beaucoup plus facile de s’échapper des tribunes —, et il s’en suit des affrontements assez impressionnants au pied du terrain. Le directeur sportif de l’OM, très courageux, décide d’intervenir pour calmer ses propres supporters. Il s’approche du lieu des échauffourées, voit alors des supporters de son propre club équipés de chaînes de vélos et, un peu moins courageusement, s’éclipse très rapidement vers les vestiaires… Les CRS finissent par intervenir, et chacun regagne sa place. Les insultes continuent pendant une heure, jusqu’au coup d’envoi.
Présentation des deux équipes
L’entraîneur marseillais se nomme Rolland Courbis. À cette époque, il est en train de garnir considérablement son compte en banque, mais on ne le sait pas encore. Arrivé sur la pelouse, il annonce en toute modestie que celle-ci est dans un très mauvais état, et que c’est évidemment intentionnel : le jeu bien léché du leader du championnat ne pourra être déployé. La théorie du complot continue…
Le futur consultant de RMC, qui doit préparer une finale à venir contre Parme, aligne sur le terrain la meilleure équipe possible. Stéphane Porato est dans les buts. Ancien remplaçant à Monaco, il a vu sa cote exploser lorsqu’il a rejoint l’OM et réalisé quelques bons matches. Il a été immédiatement plébiscité pour jouer en équipe de France — ce qui fut le cas. Bien évidemment, cette fulgurance restera sans suite, et ses performances ne seront plus surévaluées par la suite : il retombera dans l’anonymat, jusqu’en deuxième division. D’aucuns verraient une ressemblance avec la carrière de l’actuel portier olympien…
L’arrière droit de l’OM se nomme Patrick Blondeau. Un joueur rugueux, finalement plus célèbre pour ses amourettes avec des starlettes de télévision. En défense central sont alignés Cyril Domoraud et le président, Laurent Blanc — qui sera chassé comme un malpropre par Courbis un mois plus tard. Le titulaire à gauche est le jeune William Gallas, fleuron de la jeunesse marseillaise. Tout comme Peter Luccin, titulaire au milieu à la place d’Éric Roy, blessé à la dernière minute. Il est épaulé du mono-sourcil Frédéric Brando. Le meneur de jeu de cette équipe s’appelle Robert Pirès. Celui-ci avait failli rejoindre le PSG l’année précédente, alors que Michel Denisot s’occupait encore du club. Avant le match, il a cru bon de dire qu’il ne regrettait pas d’avoir évité de signer dans un club aussi tourmenté que le PSG. L’année suivante, quand il jouera le maintien et que sa voiture sera saccagée par des supporters, étonnamment, il se taira.
Enfin, en attaque, Courbis aligne la triplette d’attaquants la plus détestable de France — d’un point de vue parisien —, à savoir Fabrizio Ravanelli-Florian Maurice-Christophe Dugarry. La volonté d’aligner des attaquants qui passent plus de temps le nez dans le gazon que debout sur le terrain ne date donc pas d’hier.
Face à cette équipe qui domine le championnat, Philippe Bergeroo aligne une formation qui a fait bonne figure à Rennes une semaine avant — malgré une défaite deux buts à un. Bernard Lama est évidemment dans les buts. Le chat est de retour après son exil mitigé en Angleterre. Malgré la popularité de sa doublure — Dominique Casagrande —, il est l’un des meilleurs Parisiens cette saison-là. L’arrière droit est le surprenant Aliou Cissé. Arrivé l’été précédent de Sedan, en National, il a rongé son frein pendant une bonne partie de la saison, avant qu’Artur Jorge ne le lance, puis que Philippe Bergeroo ne l’installe définitivement. Un peu fougueux, le Sénégalais s’avère finalement assez prometteur. En défense centrale, la charnière est donc composée d’Éric Rabesandratana, le vrai patron de la défense, et de Bruno Carotti, recruté par Charles Biétry, qui profite de la suspension de Wörns pour jouer un peu. L’arrière gauche se trouve être Alain Goma, déplacé sur le côté à la vue de ses performances quelconques dans l’axe.
Au milieu, Pierre Ducrocq est évidemment à la récupération. Le jeune Parisien, formé au club, fait alors sa meilleure saison, malgré une mise à l’écart temporaire d’Artur Jorge au mois de février. Ses performances sont tellement bonnes qu’il est suivi de près par la Juventus Turin. Il est épaulé au milieu par Igor Yanovski et Jimmy Algerino, deux latéraux repositionnés pour densifier l’entre-jeu. Le poste de numéro 10 est dévoué au capitaine Marco Simone. Enfin, l’attaque est composée de Mickaël Madar, recrue du mercato hivernal qui a énormément apporté par son jeu de tête et sa motivation, et Adaïlton, jeune Brésilien prêté par Parme qui vient de marquer son premier but à Rennes.
Les Parisiens jouent bien, mais rien n’y fait
D’emblée, Paris se montre très offensif. Les Rouge et Bleu monopolisent le ballon, les attaquants sont très remuants, Ducrocq et Simone se montrent redoutables dans leurs ouvertures. Peu après le quart d’heure de jeu, un tacle musclé de Simone sur Pirès entraîne le premier temps mort de la rencontre. Florian Maurice, très loin de l’action, réalise un sprint pour réprimander son ancien coéquipier. Après une échauffourée, Simone s’en sort avec un carton jaune. Le jeu est ensuite un peu plus haché, les Parisiens deviennent nerveux, et sur leur première occasion, les Marseillais ouvrent le score : sur un long ballon, Carotti peine à dégager le ballon de la tête, et remet en retrait comme il peut. Sa passe est trop courte et Florian Maurice en profite pour aller tromper Lama du gauche (0-1, 21e). Il jubile : il marque au Parc des Princes, chose qu’il était incapable de faire lorsqu’il évoluait avec le maillot parisien. Marseille profite donc de la maladresse parisienne, et le pauvre Bruno Carotti est raillé. Une semaine plus tard, ce sera au tour de Laurent Blanc de faire la même erreur, mais en finale de coupe d’Europe, face à Parme.
Après ce but marqué contre le cours du jeu, Paris est sonné. Les bonnes dispositions signalées se sont avérées inefficaces, et les Parisiens se montrent de plus en plus agressifs. Ils se créent toutefois un semblant d’occasion quand un centre de Yanovski aboutit sur le crâne de Madar. Le tir de la tête est contré par Gallas.
Dans le même temps, l’autre candidat au titre, le rival bordelais, joue à Lens. Au moment où Marseille mène, Bordeaux est en train de perdre deux buts à un. Ce qui fait que Marseille compte alors cinq points d’avance. Juste avant la mi-temps, Florian Maurice bénéficie d’un contre de Robert Pirès pour se procurer une autre occasion : une frappe enroulée à l’entrée de la surface qui passe largement au-dessus.
Lorsque la deuxième mi-temps reprend, les Parisiens sont survoltés. Sur une ouverture magistrale de Ducrocq, Adaïlton s’emmène le ballon de la poitrine et croise une frappe du gauche qui rase le poteau. Le jeune Brésilien s’était distingué en début de saison en critiquant vertement Nicolas Ouédec qui avait raté des occasions face à Lorient, ce n’est pas sur ce coup-là qu’il justifie ses attaques gratuites… Peu de temps après, un cafouillage dans la surface permet à Adaïlton de remettre de la tête pour Madar, qui reprend de volée du droit. C’est le poteau qui repousse, et le ballon passe entre Adaïlton et Yanovski, pourtant à l’affut. Enfin, toujours dans les dix minutes qui suivent la reprise, Simone centre pour Madar qui marque de la tête… mais le but est refusé pour un hors-jeu injustifié.
Après ce bon départ, les premiers changements interviennent. Côté parisien, c’est Bruno Rodriguez qui remplace Adailton. Et à Marseille, l’éphémère Brésilien Edson remplace Maurice pour un changement clairement défensif. L’inénarrable Titi Camara rentre également sur la pelouse pour suppléer Dugarry. Paris continue à se procurer des occasions : Rodriguez frappe un coup franc capté par Porato ; Algerino réalise une volée du droit que le portier phocéen peine à repousser ; enfin, sur une remise de Madar, Rodriguez frappe au-dessus alors qu’il était dans les six mètres marseillais.
Le match commence alors à baisser un peu en intensité. D’autres replacements ont lieu : Okocha et Jérôme Leroy rentrent pour animer les côtés parisiens, et Daniel Bravo foule la pelouse côté sudiste pour tenir le score. L’ancien Parisien est alors sifflé par une bonne partie du Parc qui ne pardonne rien à ceux qui portent le maillot de l’OM. Une frappe de Camara permet à Lama de s’envoler et de briller mais, à l’approche des dix dernières minutes, on sent surtout la résignation de tout le stade.
Le renversement de situation
Paris a fait un bon match jusque-là mais l’OM, en bon leader, réussit à gérer comme il faut la rencontre pour repartir avec les trois points. L’enthousiasme des tribunes se tarit plus ou moins quand l’éclair de génie arrive : Simone hérite du ballon à trente mètres. Il s’appuie sur Mickaël Madar et peut ainsi s’approcher de la surface. Encerclé par des Marseillais, il arrive à armer un de ses frappes soudaines dont il a le secret, et Porato ne voit rien venir avant de constater que le ballon est au fond de ses filets (1-1, 84e). Le Parc explose littéralement devant cette égalisation inattendue. Simone enlève son maillot, et vient charrier le coin des supporters adverses en exhibant son tatouage de Batman — il aura un blâme de la LFP suite à ce geste. Dans le même temps, Bordeaux — qui avait égalisé en fin de première période — prend l’avantage à Lens suite à une frappe chirurgicale de Sylvain Wiltord, et prennent la première place à la différence de buts.
Les supporters parisiens sont extatiques et ont à peine le temps de se remettre quand Jérôme Leroy récupère un ballon dans les pieds de Luccin. Il donne à Madar qui lance Rodriguez dans la profondeur. Celui-ci, dans un enchaînement parfaitement maîtrisé, devance la défense, dribble Porato et pousse le ballon dans le but vide (2-1, 88e). Le Parc jubile comme rarement.
Les Parisiens sont survoltés. Deux minutes plus tard, Okocha réalise son dribble spécial sur le côté et centre du gauche pour la tête de Madar, qui rase le poteau. Les Marseillais sont archi-dominés, mais se créent pourtant une dernière occasion quand Titi Camara s’échappe et se voit contré in extremis par Bernard Lama.
Le coup de sifflet final retentit. Marseille, qui a compté jusqu’à cinq points d’avance durant la rencontre, se retrouve second, un point derrière les Bordelais — retard qui ne sera jamais comblé. Philippe Bergeroo réalise son premier gros coup d’entraîneur, et les supporters parisiens sont encore estomaqués par ce final renversant. Mais moins que les Marseillais ayant fait le déplacement, qui restent muets et interloqués dans le tribune en attendant de pouvoir regagner leurs pénates.
Paris gagne donc contre l’OM pour la première fois en championnat depuis 1990. Et l’on saura deux journées plus tard que cette victoire parisienne privera le club phocéen d’un titre de champion de France. Ce n’est évidemment pas une fin en soi, et cela n’a rien changé aux affaires du PSG cette saison-là, si ce n’est que cela a acheté en quelque sorte une paix avec les supporters. Pourtant, ce match est resté gravé dans la tête de nombreux sympathisants parisiens. Il est souvent cité dans les matches historiques, les matches les plus intenses. De par son final inattendu, mais aussi de par l’attente qui avait découlé du contexte si particulier de la rencontre. Tous ceux qui étaient au stade en gardent un souvenir ému, et même ceux qui l’ont vu à la télé ont été marqués — à tel point que certains, ayant vu et revu la VHS de la rencontre, connaissent par cœur les commentaires de Thierry Gilardi et Jean-Luc Arribart…
Ce match est effectivement important à bien des égards. Pour les supporters les moins jeunes — ceux qui ont connu la naissance de la rivalité PSG-OM au début des années 1990 —, c’est une revanche sur des années de domination du club du sud de la France, et une jubilation de mettre à terre ce club au moment où il avait le plus besoin de s’imposer. Pour les autres, qui n’ont pas connu les grandes épopées européennes, c’est un match référence. Et finalement un exemple pour les années qui suivront, à tel point que c’est devenu une caractéristique du PSG : c’est de la grisaille la plus intense que surgissent les victoires les plus marquantes. Les PSG-Troyes (2002/2003), PSG-Porto (2004/2005), Lens-PSG (2006/2007), Sochaux-PSG (2007/2008) ou PSG-Twente (2008/2009), par exemple, sont intervenus à des moments où le PSG était dos au mur. Certes, le PSG n’est plus le grand club qu’il fût un temps, mais il est toujours capable de fulgurances dont l’on parlera encore dix ans après.
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OM 1-0 PSG : le match, l’historique
Première partie : Anthony Baca, le pôle médias du PSG, PSG.FR
Deuxième partie : PSG TV, NRJ Paris, l’éditorial et les archives