Avant le tant attendu déplacement du PSG à Marseille ce vendredi, retour sur le match qui a débloqué les Parisiens au stade Vélodrome : la large victoire 0-3 en mars 2003.
Le contexte
Le 21 mai 1988, le PSG, qui lutte pour se maintenir en première division, s’impose à Marseille deux buts à un, grâce à des buts de Safet Susic et Gabriel Calderon [1]. Quinze ans plus tard, le PSG vit sous le giron de Canal+, de nombreux nouveaux supporters sont arrivés, et finalement, ce match n’évoque pour beaucoup qu’une statistique : il s’agit de la dernière victoire parisienne au Vélodrome. Entre ce mois de mai 1988 et le 9 mars 2003, il s’est tenu quinze années sans que les Parisiens ne s’imposent dans les Bouches-du-Rhône.
Coaché par Alain Perrin, l’OM est alors deuxième du championnat et invaincu à domicile depuis décembre 2001. Le PSG quant à lui est en train de vivre une saison à nouveau très pénible. Le recrutement n’a pas été porteur — André Luiz, Nyarko et Cardetti auront été de retentissants échecs —, les derniers mois ont été marqués par les conflits entre Luis Fernandez et Ronaldinho et, par ricochet, entre Luis Fernandez et sa direction. Le club est alors neuvième, et n’a plus d’objectif en championnat : le seul réel enjeu pour le PSG est la coupe de France.
Autant dire que sur le papier, les débats semblent déséquilibrés. Pourtant, les Parisiens bénéficient d’un certain ascendant psychologique : les deux équipe se sont déjà affrontées deux fois cette saison-là — en championnat et en coupe de France, au Parc des Princes — et le PSG est sorti vainqueur à chaque reprise.
Autre réminiscence de ces rencontres, le public marseillais a une rancœur tenace envers Luis Fernandez. Au match aller, la danse de Luis Fernandez après le troisième but du PSG avait été mal prise par les Phocéens. Couplé à une rumeur sur des insultes adressées par le coach parisien à Hemdani, cela fait de Luis Fernandez la victime de tous les quolibets marseillais. La pression est telle que Fernandez rentre sur la pelouse sous la protection de trois membres du GIPN, accueilli par de nombreux projectiles et une banderole : « Luis, ta place est à l’asile ! ».
Le match OM 0-3 PSG
L’ambiance est électrique, mais le PSG compte à ce moment dans ses rangs de nombreux joueurs de caractère qui se complaisent dans l’adversité. Les Parisiens ne tremblent pas et dès les premières minutes, ils montrent que le match est loin d’être sans enjeu pour eux. Le premier tournant du match a lieu à la septième minute quand, suite à un choc tête contre tête avec Heinze, Fernandao doit sortir sur blessure, victime d’une fracture du crâne. Le défenseur du PSG, lui, s’en sort sans la moindre égratignure.
Sur le plan du jeu, les débats sont d’abord équilibrés. Marseille n’est dangereux que sur coups de pied arrêtés : Abdoulaye Meïté met à l’épreuve Alonzo sur un centre de Pascal Johansen. La première occasion parisienne est quant à elle pour Paulo Cesar — seule recrue estivale qui donne un tant soit peu satisfaction — qui manque le cadre depuis l’entrée de la surface.
Et puis à la 28e minute vient un des nombreux coups de génie de la soirée au travers d’un des buts les plus improbables qui soit. Potillon joue une touche de son camp vers Cristobal qui prolonge en direction d’Ogbeche. Le jeune international nigérian dévie pour Jérôme Leroy. Celui-ci, lancé sur son côté droit, jette un coup d’œil au centre : il voit Ronaldinho pris par deux défenseurs. Après un coup d’œil vers le but, il voit que le gardien Runje s’avance pour anticiper le centre. Leroy décide alors de feinter tout son monde en adressant un dernier regard au centre, et effectue un tir à ras de terre de 30 mètres, complètement excentré. Runje ne bouge pas, les commentateurs et les supporters mettent plusieurs secondes avant de réaliser : Paris vient d’ouvrir le score. Jérôme Leroy fête son but et d’un geste sans équivoque, montrant qu’il l’a bel et bien fait intentionnellement (0-1, 27e).
Marseille est veut réagir vite, et durant le quart d’heure qui suit, la pression augmente sur les cages d’Alonzo. Les coups de pied arrêtés sont très dangereux : Johansen sur coup-franc, ou Van Buyten sur corner, manquent de peu l’égalisation. Pourtant, c’est dans ce laps de temps que Paris manque le KO. Bartholomew Ogbeche est lancé à deux reprises par Paulo Cesar, puis par Ronaldinho. Les deux fois, il tergiverse devant le but, et se fait reprendre sans même tirer, après avoir tenté des dribbles improbables. Sanction immédiate de Luis Fernandez : à la mi-temps, il laisse sa place à Fabrice Fiorèse. Bartholomew Ogbeche ne rejouera d’ailleurs plus que très épisodiquement au PSG ensuite.
La deuxième mi-temps reprend, et l’on se dit que la réaction des locaux va être difficile à supporter pour les Parisiens, et que comme d’habitude, Paris a laissé passer sa chance et va se faire rejoindre… Il n’en est rien. Les Marseillais peinent toujours à inquiéter Jérôme Alonzo, les Parisiens se contentent eux d’attendre, et de guetter la faille. Faille qui arrive à la 56e minute. Le capitaine olympien est Frank Lebœuf, un champion du monde 1998 en fin de carrière. Celui-ci, perclus de suffisance — comme tous les rescapés de France 98 —, veut faire une passe brossée vers son arrière droit. Sauf qu’il rate son geste technique, et un autre champion du monde, 2002 cette fois-ci, intercepte la balle : Ronaldinho. Celui-ci file alors au but, Lebœuf ne peut pas le rattrapper, et le Brésilien, dans son style inimitable, vient piquer son ballon au-dessus de Runje et doubler la mise (0-2, 56e).
Les Marseillais sont sonnés — en dehors des tentatives d’Ecker ou de Sychev, toutes deux sauvées par des défenseurs Parisiens qui se jettent, ils sont inoffensifs — et les Parisiens, de leur côté, sont survoltés. Jérôme Leroy, en état de grâce, se joue de deux Marseillais près de la touche avec un coup du sombrero, et reprend du gauche dans un angle fermé. Runje repousse péniblement le ballon sur la barre.
À la 74e minute, l’arbitre de touche est touché par des projectiles venus des tribunes marseillaises, et le match est temporairement interrompu. Mais puisque les dirigeants de l’OM martèlent qu’ils n’ont pas de trouble-fête en tribune, eux, personne n’en reparlera.
Le temps mort ne modifie en rien la domination parisienne, et à la 84e minute, les visiteurs jouent un merveilleux contre. Sur un corner adverse, le jeune Romain Rocchi récupère le ballon devant sa surface. Il lance Ronaldinho qui, lancé à pleine vitesse, dépasse plusieurs Olympiens, dribble Runje, humilie Hemdani en arrêtant la balle pendant que son adversaire continue de courir, et pousse la balle vers le but. Et c’est finalement Jérôme Leroy qui vient parachever son match parfait en clôturant le score (0-3, 84e). Luis Fernandez fête sa victoire encerclé par ses amis du GIPN, conséquence de ce qu’on appelle de la passion à Marseille, mais de la bêtise partout ailleurs.
PSG : Alonzo — Potillon, Pochettino, Heinze, Cristobal — J. Leroy, Déhu, Pedron (Rocchi, 79e), Paulo Cesar (Llacer, 72e) - Ronaldinho – Ogbeche (Fiorèse, 46e).
Les conséquences
Les tribunes marseillaises se vident. La légende dit que pour une des rares fois, des supporters marseillais applaudissent les joueurs parisiens de dépit, Ronaldinho en particulier. La rencontre s’achève, et cette équipe du PSG, pourtant en difficulté en championnat, capable d’encaisser trois buts à Guingamp, vient de mettre fin à quinze ans d’absence de victoire au Stade Vélodrome. Comme en 1999, le PSG sauve sa saison en mettant le grand rival en difficulté : en cas de victoire, l’OM aurait été leader du championnat.
Ce qui n’empêche pas les nombreux regrets par rapport à cette équipe truffée d’internationaux : comment une formation capable d’humilier un prétendant à la Ligue des Champions sur son terrain a-t-elle pu passer l’essentiel de sa saison en milieu de classement ? La réponse tient à l’inconstance des meneurs de l’effectif parisien : tout le monde a souligné l’excellent match de Ronaldinho, à juste titre, mais il faut bien préciser qu’il s’agissait d’une de ses rares bonnes prestations cette saison-là. Idem pour Jérôme Leroy, qui a probablement réalisé ce soir-là le meilleur match de sa carrière, en atteignant un niveau technique qu’il n’égalera que rarement, en tout cas sous le maillot du Paris Saint-Germain.
Les deux joueurs quitteront d’ailleurs le club dans les mois qui suivront. Le PSG finira sa saison en roue libre, ne parvenant pas à s’imposer en finale de la coupe de France, ce qui restait le seul autre objectif pour cette fin d’exercice.
En revanche, le grand vainqueur de cette rencontre sera bien sûr Luis Fernandez : il réussit parfaitement son coup, alors qu’il était très contesté. Se sachant de toute façon menacé, il annonce dans l’euphorie de la victoire, au moment où il est le plus intouchable, qu’il quittera de lui-même le PSG à la fin de la saison. Il donne l’impression de tout maîtriser, et de partir en grand seigneur : Luis Fernandez reste ainsi le seul entraîneur de ces dix dernières années à avoir choisi sa date de départ du club [2].
Mais l’essentiel est ailleurs pour le PSG : cette victoire met fin à une période où les Parisiens se faisaient littéralement marcher sur les pieds dès qu’ils foulaient la pelouse des Phocéens. Daniel Bravo disait récemment qu’à son époque, les Parisiens, lorsqu’ils allaient à Marseille, espéraient juste s’en sortir sans blessure. À la suite de cette rencontre, les débats seront bien plus équilibrés entre les deux équipes, et les Parisiens décomplexés iront s’imposer à plusieurs reprises : depuis 2003, le PSG reste sur trois victoires, deux matches nuls et deux défaites.