Le bilan d’Antoine Kombouaré
Le renvoi d’Antoine Kombouaré est-il illogique ? Spontanément, la réponse serait bien évidemment oui. Les périodes de beau fixe sportif n’ont pas été légion durant la dernière décennie parisienne, et voir un entraîneur conduire un groupe – quelle que soit sa qualité intrinsèque – vers les premières places du championnat, c’est un luxe que le supporter parisien n’a plus l’habitude de goûter. Prendre le risque de sacrifier ce fragile équilibre a donc de quoi surprendre ou agacer. La force de Kombouaré, et probablement sa plus grande réussite, est d’avoir su fédérer ses hommes jusqu’au bout, malgré un contexte on ne peut plus complexe.
Les souvenirs ne sont peut-être plus très fiables, mais la période qui a précédé le renvoi de Bergeroo et le retour de Fernandez en 2000 semblerait presque anecdotique en comparaison du traitement médiatique concernant le sort du Kombouaré : un feuilleton de six mois presque sans interruption. Il faut revoir les deux derniers matches du Kanak – contre Lille et à Saint-Étienne – pour se rendre compte que l’entraîneur parisien avait réussi à canaliser tout son monde. Ses joueurs se battaient tous comme des chiffonniers, même les plus capricieux supposés ingérables, et même Pastore, qui a été considéré un peu vite comme le fossoyeur de son futur ex-entraîneur.
Il est possible d’adresser tous les reproches techniques imaginables à Kombouaré, et d’attendre plus sur le plan du jeu du PSG. Mais il ne faut pas croire pour autant que ce qui a été fait durant les derniers mois était simple, et qu’Ancelotti – ou un autre – réussira à maintenir tout un groupe sous pression, et suffisamment uni pour aller gratter des points importants, comme Kombouaré l’a fait pour finir l’année en tête. Changer aujourd’hui, c’est peut-être accentuer le risque de ne pas aller au bout de ce qui a été commencé. C’est ne pas poursuivre avec un homme qui avait su lancer une spirale positive au sein du club. Sauf pour les personnes qui ont envers Kombouaré des griefs extra-sportifs [1] ou toute une liste de reproches tactiques plus ou moins objectifs [2], le bilan Kombouaré au PSG est bon.
Jusqu’où Kombouaré aurait-il pu grandir avec le PSG ?
L’entraîneur parisien a certainement commis plusieurs erreurs durant son mandat. Sa première saison a été mauvaise, et il n’a pas su capitaliser sur l’héritage qualitatif laissé par Le Guen. Il a sauvé les meubles par une coupe de France (2010), et a ensuite enchaîné par une excellente saison sur le plan du jeu, ponctuée par le meilleur classement du club depuis 2004. Et ce avant l’arrivée des ressources qataries. Avec celles-ci, il a montré qu’il était capable de profiter d’un bon groupe et de gérer des stars, au moins en devenir. Et malgré un échec en coupe d’Europe, il avait jusque-là mis le PSG dans de bonnes conditions pour remplir son objectif principal. Jusqu’où aurait-il pu aller ? Chacun restera sur ses positions, avec dans un camp ceux qui pensaient qu’il n’était pas fait pour suivre la progression annoncée du club parisien, et dans l’autre ceux qui le jugeaient capable d’évoluer avec le Paris Saint-Germain.
Pour ces derniers, la dimension affective entre forcément en jeu. Kombouaré est une personne importante dans l’histoire du club. Parce qu’il y a été joueur à une période charnière (1990-1995) [3]. Parce qu’il a marqué l’un des buts les plus importants de l’histoire du PSG. Parce qu’il a entraîné la réserve (1999-2003), et bien plus tard l’équipe première (2008-2011). Au final ce sont onze années et demie [4] pour cet homme ; forcément, voir un de ces personnages-là grandir, progresser avec le club et le faire gagner, c’est une histoire toujours plus belle à vivre. Un titre avec Kombouaré aurait eu plus de saveur qu’avec Ancelotti, de même qu’un trophée soulevé par Sakho fera davantage plaisir qu’une coupe remportée par un capitaine fraîchement arrivé et dont l’histoire avec le PSG est portion congrue.
Qui plus est, si Kombouaré n’est pas à plaindre — il partira avec un matelas financier confortable [5] —, le fait de ne pas le laisser achever son travail ressemble à une légère injustice. Si son successeur arrive, et remporte le titre de champion, le palmarès de Kombouaré restera vierge à ce niveau-là, les 40 points qu’il aura amenés ne compteront pas… Malgré cela l’entraîneur parisien profitera d’une belle sortie. Il a aujourd’hui une bonne réputation, s’en va sur un titre honorifique de champion d’automne, et envoie l’image d’un homme digne, intègre et travailleur. Tout ceci est un luxe pour un entraîneur quittant le PSG quand on a en tête l’image d’anciennes gloires parisiennes devenues des moins que rien dans l’opinion au moment de leur départ – Luis Fernandez et Paul Le Guen sont les exemples les plus flagrants.
Le parallèle avec Laurent Fournier (2005/2006)
Le cas Kombouaré a plusieurs fois été comparé à celui de Laurent Fournier. Sauf que celui-ci n’a absolument rien à voir. Quand Laurent Fournier est parti — à la trêve et sixième à un point du second —, rien ne pouvait le justifier. Le PSG n’avait pas autant de moyens qu’aujourd’hui, et surtout, son remplaçant n’était « que » Guy Lacombe [6]. Aujourd’hui, il s’agit de mettre en place une véritable pointure internationale, a priori Carlo Ancelotti.
À l’opposée de la dimension affective évoquée précédemment, ce choix rentre dans l’efficacité froide, la gestion pure et dure. Il a été souvent reproché à un président comme Alain Cayzac de trop aimer ses joueurs et son staff, même si lui s’en défend. C’est justement cette volonté de ne pas s’embarrasser de sentimentalisme au moment de trancher qui pourra peut-être emmener le PSG dans la dimension souhaitée par QSi. Ce n’est un secret pour personne, l’actionnaire du PSG souhaite recruter les meilleurs joueurs ; logiquement, pour les encadrer, les propriétaires du club parisien souhaitent également avoir le meilleur staff. Le directeur sportif parisien a sûrement la volonté de mettre en place au plus vite ce nouvel entraîneur de dimension internationale, quitte à donner l’impression d’une légère incohérence au départ. Aussi, il ne faut pas se borner à analyser le choix de Leonardo en fonction des résultats actuels, mais prendre en compte qu’il rentre dans une politique à plus long-terme.
Quand Diego Lugano est arrivé au PSG fin août, alors que le PSG n’avait pas forcément besoin de défenseur central, Leonardo avait parlé d’opportunité qu’il aurait été dommage de ne pas saisir. Avec Ancelotti, peut-être sommes-nous dans la même logique. L’entraîneur italien avait exprimé publiquement son désir de travailler en Angleterre. L’idéal aurait été d’attendre juin pour mettre Ancelotti en place à Paris, mais si un poste s’était libéré outre-Manche entre-temps, aurait-il toujours été disponible à ce moment-là ? Si Leonardo pensait qu’Ancelotti était son homme à terme, s’il avait trouvé les arguments pour le convaincre à un moment donné, sans pour autant être sûr que ceux-ci allaient fonctionner ad vitam aeternam, alors il a tout simplement bien fait. Leonardo aura l’équipe technique qu’il voulait, et pourra travailler sur le projet qu’il voulait mettre en place.
Le fait de voir un entraîneur intronisé par la direction en place permettra au moins au PSG d’éviter le cirque médiatique de ces derniers mois, avec des élucubrations basées sur tout et n’importe quoi. Au moins pour quelques temps, on entendra moins parler de conflits dans l’organigramme parisien. Et repartir sur cette base-là est peut-être ce qu’il y a de mieux à faire quand on veut construire quelque chose de nouveau.
- Antoine Kombouaré (photo Éric Baledent)