Quel système tactique ?
Avant de rejoindre le Paris Saint-Germain, Antoine Kombouaré avait affirmé, dans une longue interview accordée au magazine So Foot, sa nette préférence pour le 4-4-2. Il s’agit du meilleur moyen de quadriller le terrain, estimait-il à l’époque. Ainsi son équipe a-t-elle toujours évolué de cette manière durant sa première saison à Paris — en 2009/2010 —, et ce même si le PSG ne comptait aucun spécialiste au poste de milieu gauche. L’an dernier, l’entraîneur kanak s’est en revanche adapté à la méforme d’Erding, mettant en place à partir de décembre 2010 une formation en 4-2-3-1, avec Bodmer dans le rôle du meneur de jeu. Une tactique qui a pour principal avantage de laisser une liberté bien plus grande aux trois milieux offensifs.
En 2011/2012, lors des matches de préparation, Kombouaré a oscillé entre le 4-4-2 et le 4-2-3-1, l’entraîneur semblant hésiter entre d’un côté une association Hoarau-Gameiro — un grand joueur de tête et un petit gabarit vif, à l’image du dernier duo efficace du PSG, Hoarau-Giuly —, et de l’autre l’utilisation de Bodmer en soutien d’une pointe. Paris a finalement commencé sa saison dans la première configuration, pour une défaite face à Lorient (0-1, 1re journée). Ensuite ? Pastore est arrivé, Hoarau s’est blessé, et le 4-4-2 est complètement passé à la trappe… Antoine Kombouaré a bien évoqué — fin septembre, à l’occasion d’un passage dans l’émission 100 % Foot — la possibilité de faire évoluer son équipe dans un 4-4-2 en losange, mais cela n’a encore jamais été mis en application.
- Illustration Cahiers du football — PSGMAG.NET
Le jeu du PSG, ligne par ligne
Aujourd’hui, le PSG utilise un schéma tactique fixe, dont les subtilités dépendent des joueurs alignés. Il est néanmoins possible de définir les orientations du onze parisien. Passage en revue.
La défense centrale
L’axe central du club de la capitale est composé de joueurs qui excellent dans le duel défensif. Ici, pas de couple relanceur-stoppeur — en attendant peut-être que Bisevac, blessé depuis début septembre, ne s’impose —, les joueurs les plus alignés à ce poste — Camara, Sakho et Lugano — sont avant tout des joueurs qui taclent, qui prennent les ballons de la tête et, au moins pour les deux premiers, qui sont rarement dépassés en un contre un.
Paris n’a pas encore connu de match lors duquel un attaquant axial a fait passer un sale quart d’heure à l’arrière-garde parisienne. Même au cours des rencontres les moins bien négociées, le PSG n’a jamais été confronté à une pluie d’occasions adverses, et les situations dangereuses avaient plutôt tendance à venir de phases arrêtées — qui concernent donc tout le secteur défensif — ou de milieux offensifs venant s’intercaler entre les lignes — l’exemple de Corgnet (Dijon) est le plus parlant.
Les défenseurs latéraux
Sur les côtés, le club parisien possède des joueurs qui ont énormément de coffre, avec des styles différents : Jallet et Tiéné semblent être davantage des contre-attaquants, quand Armand et Cearà peuvent se targuer d’avoir une culture défensive plus prononcée. Il ne faut toutefois pas s’attendre à voir à Paris les latéraux être la principale arme offensive, comme a pu l’être Trémoulinas ce dimanche à Bordeaux. Leurs montées sont épisodiques, et c’est peut être ce qui accentue l’impression d’une équipe coupée en deux. Mais ce n’est pas forcément la qualité des joueurs en question qui est mise en cause : peut être est-ce tout simplement une conséquence du comportement des joueurs offensifs ? Il est en effet difficile pour un latéral de monter quand il ne sait pas s’il va recevoir la balle et, surtout, quand il n’est pas sûr que quelqu’un va compenser derrière.
De façon générale, ces postes sont considérés comme les plus faibles du PSG actuel. Pourtant, si les observateurs attendent d’un latéral qu’il centre aussi précisément qu’un ailier et qu’il défende aussi proprement qu’un stoppeur, tout en enchaînant les courses de plus de 50 mètres, alors la déception sera souvent au rendez-vous, quel que soit le joueur. Mais si elle est criante au PSG, cette analyse biaisée du rôle des latéraux dépasse le cas du seul club parisien. [1]
Les milieux récupérateurs-relayeurs
Concernant le premier rideau défensif, le schéma n’est pas encore clairement défini. En grande partie car sur les quatre spécialistes du poste, trois ont passé plusieurs semaines à l’infirmerie. Le départ de Claude Makelele — et dans une moindre mesure celui de Jérémy Clément — a également pu changer les choses. L’an dernier, la situation était limpide : le PSG évoluait sur cette ligne avec un milieu purement défensif qui ratissait et relançait généralement court, et un autre — Clément Chantôme — qui jouait presque comme un cinquième joueur offensif, en montant régulièrement. Aujourd’hui, le PSG ne dispose plus du premier profil dans son effectif, même si l’inconscient collectif semble vouloir cataloguer Sissoko et Matuidi dans le stéréotype « Laurent Blanc » du grand noir numéro 6. En réalité, ces deux joueurs sont eux aussi capables de gestes offensifs et de montées énergiques balle au pied — il faut se souvenir, concernant Matuidi, du but parisien à Rennes.
Il y a donc davantage d’équilibre au sein de la paire de relayeurs ; aucun ne semble être dévoué plus que l’autre à un registre, Bodmer et Chantôme devant par ricochet descendre davantage que l’an passé. Et là encore, cela peut être un facteur qui donne l’impression d’un manque de liant entre les lignes.
Le quatuor offensif
Nous en arrivons enfin au secteur offensif, qui fait tant débat au sein du journal L’Équipe ces derniers jours [2]. Ou comment la deuxième attaque de L1 devient un problème… Il est en effet assez paradoxal de constater que le PSG possède le meilleur buteur du championnat (Gameiro, 8 buts) [3], le troisième meilleur passeur (Ménez, 4 passes) [4], que 22 de ses 26 buts en championnat aient été marqués par son quatuor offensif, et qu’il soit pourtant aussi vivement critiqué.
En parlant du manque de repli défensif de ses milieux offensifs, Antoine Kombouaré a estimé qu’il fallait accepter certains mauvais aspects du jeu de ses créateurs étant donné qu’ils étaient par ailleurs capables de faire gagner leur équipe. Et effectivement, Ménez peut énerver lorsqu’il tente son cinquième dribble improbable et infructueux, mais lorsque le sixième aboutit sur l’obtention d’un penalty, tout est oublié… De même, les permutations anarchiques entre ces joueurs peuvent donner l’impression d’un fouillis sur la ligne offensive, mais quand cela finit par libérer un espace décisif pour Gameiro, on ne peut que constater l’efficacité de ces comportements.
Antoine Kombouaré a donc pris le parti de donner énormément de liberté à ses joueurs offensifs. Il serait cependant erroné de croire que le PSG ne mise que sur des actions individuelles. Au contraire, de tous les buts marqués par Paris cette saison, celui inscrit par Pastore face à Evian TG est probablement le seul qui résulte d’un réel exploit individuel. Le reste du temps, il y a eu des déplacements intelligents, des combinaisons entre les joueurs… Rien de révolutionnaire, mais on est loin de quatre individualistes forcenés qui jouent dans leur coin.
- Ménez, Nenê et Pastore
- Photo Éric Baledent — PSGMAG.NET
Un jeu critiqué, des circonstances atténuantes
Globalement, le jeu développé par les hommes d’Antoine Kombouaré est plutôt direct — ce qui réduit de fait la possession de balle. Paris mise avant tout sur des récupérations hautes, suivies de rapides projections vers l’avant. Le corner victorieux du week-end dernier à Bordeaux a été obtenu de cette manière-là : Bodmer récupère le ballon à 40 mètres du but ; il transmet à Nenê, qui passe en profondeur à Gameiro. Paris joue d’ailleurs plutôt au sol, ce qui est dicté par deux facteurs : le fait que Nenê soit l’unique milieu offensif ayant une réelle aptitude au centre, et la présence en pointe du seul Gameiro, qui culmine à 1m72.
Ainsi le PSG ne rentre pas dans les standards du beau jeu actuel. Pas de domination en terme de possession de balle, pas d’attaque patiemment construite, mais plutôt un travail de sape, avec des tentatives répétées, des échecs réguliers, mais aussi une usure des défenseurs adverses de plus en plus prononcée au fil du match. Il n’est d’ailleurs pas surprenant dans ces conditions de constater que le PSG a inscrit l’essentiel de ses buts (65 %) en seconde période. L’exemple le plus représentatif nous vient du match à Toulouse : le milieu défensif Capoue a étouffé Pastore en première période, avant de littéralement exploser physiquement en seconde, laissant l’Argentin serein pour réaliser deux passes décisives.
Dans un avenir proche, le PSG peut espérer plusieurs améliorations. Tout d’abord, les blessés vont progressivement revenir à la disposition d’Antoine Kombouaré, lui qui n’a jamais pu compter sur la totalité de son effectif. Depuis le début de saison, Douchez, Jallet, Sakho, Bisevac, Armand, Sissoko, Chantôme, Matuidi et Hoarau ont déjà occupé l’infirmerie durant plusieurs semaines ! Le retour des trois derniers, toujours indisponibles à ce jour, offrira forcément plus de solutions au coach parisien, et donc plus de variété dans le jeu. Le seul Hoarau permettra à la fois de passer — au moins ponctuellement — à une stratégie à deux attaquants ; de faire souffler des milieux offensifs très utilisés jusque-là ; mais aussi d’autoriser l’équipe du PSG à sauter les lignes, en s’appuyant sur le jeu en pivot du Réunionnais.
Autre incitation à la patience : le manque de temps dont a disposé l’entraîneur parisien pour modeler son équipe-type. « Dans le football, je discute avec beaucoup de monde : [Kombouaré] fait l’unanimité, assure Jean Fernandez dans le Parisien. On dit que Paris ne joue pas bien. Il a certes des joueurs de qualité, mais une équipe ne se construit pas avec une baguette magique. Il faut laisser du temps à l’entraîneur et se montrer patient. Au Real Madrid, même José Mourinho a mis un an avant d’y arriver. » À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que sept des neuf recrues parisiennes n’étaient pas présentes deux semaines avant la reprise du championnat. La préparation estivale ne s’est donc pas faite avec ce qui constitue l’ossature de l’équipe actuelle. Difficile dans ces conditions d’imprégner une réelle identité de jeu en trois mois de compétition alors que, avec l’alternance des rencontres de championnat et de coupes, le PSG est sur un rythme d’un match tous les trois jours depuis le début de saison. Or durant des périodes de sept matches en trois semaines comme celle que vient de vivre le club parisien, les séances sont avant tout basées sur la récupération, ce qui écarte la possibilité de travailler quoi que ce soit à l’entraînement…
Et ce n’est pas la trêve internationale actuelle qui y change grand-chose : avec onze pros en sélection et trois à l’infirmerie, Antoine Kombouaré ne dirige présentement que neuf joueurs de champ. En ce sens, la semaine complète sans match dont disposera le PSG entre la réception de Nancy dimanche prochain et le déplacement à Marseille sera un véritable luxe : cela n’était pas arrivé depuis… début août, entre les deux premières journées de championnat.