Robin Leproux viré
Le mandat de président du directoire du PSG que détenait Robin Leproux depuis septembre 2009 a été révoqué mercredi par le conseil de surveillance de la SASP. Malgré le soutien des pouvoirs publics — le ministère de l’Intérieur et la mairie de Paris notamment —, l’ancien président du groupe RTL a été évincé pour laisser les mains libres à Leonardo dans le domaine sportif.
Selon nos informations, il n’était pas dans les intentions initiales des nouveaux propriétaires du club de se séparer de Leproux. Ce serait l’interview publiée dans le Parisien du 24 juin qui aurait scellé le sort de l’ancien administrateur des Girondins de Bordeaux : assurant qu’il resterait le patron du domaine sportif malgré l’arrivée de Leonardo, Leproux a tenté de forcer la main aux Qataris. « Moi, je dirige l’entreprise. Qui décide du recrutement des joueurs ? C’est moi, c’est toujours ma signature, je suis toujours le président », avait-il clamé alors que la presse envisageait que ses prérogatives soient diminuées au profit de Leonardo.
Ce jeudi matin, L’Équipe estime également que le départ de Leproux résulte de cette interview : « Le 24 juin, l’interview de Leproux dans le Parisien aura définitivement rompu le fil ténu qui le maintenait encore au Parc des Princes, écrit Jérôme Touboul. À la question : “Qui décide du recrutement ?”, le président du PSG avait répondu : “C’est moi.” Nasser al-Khelaifi avait alors immédiatement appelé Sébastien Bazin pour lui demander à quoi jouait Leproux… Son sort a été scellé ce jour-là, après ce qui restera probablement la seule erreur de communication de son bilan. »
Quel bilan pour le plan Leproux ?
Les médias et les politiques applaudissent
Sans surprise, à l’occasion de son départ, la presse dresse un bilan flatteur de l’action de Robin Leproux sur le dossier supporters. « Robin Leproux sera à jamais l’homme d’un plan, indique par exemple le Parisien, celui de la pacification du Parc des Princes. Le nom de l’ancien président du PSG […] restera accolé à ce projet contesté mais nécessaire. Et réussi. Lancé pendant l’été 2010, ce plan baptisé “Tous PSG” et soutenu par les pouvoirs publics, a permis d’éradiquer la violence qui gangrenait les tribunes du Parc depuis le début des années 1990. Robin Leproux a réussi là où nombre de ses prédécesseurs s’étaient cassé les dents et, pour y parvenir, il n’a pas hésité à se mettre des centaines de supporters à dos. Face aux menaces, il a même dû faire l’objet d’une protection policière pendant quelques semaines. »
De son côté, L’Équipe estime que, hormis sa dernière interview au Parisien, « Robin Leproux aura presque signé un sans-faute [durant ses deux ans au PSG]. Après un premier semestre discret, il aura pris une autre stature à la suite de la mort d’un supporter, lynché le 28 février 2010 aux abords du Parc des Princes. En portant sur ses épaules le plan de pacification qui en découlera, allant jusqu’à en imaginer l’un des rouages essentiels — le placement aléatoire dans les virages —, Leproux aura marqué l’histoire d’un club longtemps hanté par la violence. »
Les réactions politiques n’ont pas tardé non plus. « À titre personnel, je regrette le départ de Robin Leproux car il était devenu un ami », a fait savoir Jean Vuillermoz (PCF), l’adjoint aux sports de Bertrand Delanoë, dans le Parisien. « La ville tient à rendre hommage au travail conduit par Robin Leproux depuis 2009, indique par ailleurs la mairie de Paris dans un communiqué. En lançant avec courage le plan “Tous PSG” en mai 2010, il a notamment su donner au club les moyens d’éradiquer la violence au sein et autour du Parc des Princes pour que chacun puisse venir assister aux matches du Paris Saint-Germain dans une ambiance de tolérance et de partage. »
L’analyse mérite pourtant d’être largement affinée
Seule exception dans ce concert de louanges : sur sofoot.com, Nicolas Kssis-Martov et Quentin Blandin dressent un bilan bien plus précis du plan Leproux. « À y regarder de plus près, le bilan est-il si positif ? Si la réaction volontaire de Leproux à une situation de crise intolérable mérite d’être saluée, les résultats apparaissent en trompe-l’œil », analysent-ils.
Kssis-Martov et Blandin rappellent tout d’abord le contexte qui a amené les incidents du 28 février 2010, débouchant sur le décès de Yann Lorence :
Leproux prend les commandes au début d’une saison où les tensions entre les deux tribunes, mises de côté depuis quelques temps suite au conflit Boulogne-Tigris et à la mort de Julien Quemener, se remettent à monter en puissance sur fond de rivalités et de radicalisation politique […]. Pendant cette première saison, Leproux donne l’impression de naviguer à vue. Déboussolé et sincèrement atterré, il multiplie les déclarations maladroites et ne contribue en rien à clarifier l’action du département supporters qui est loin d’être sans responsabilités dans la recrudescence du conflit entre les deux tribunes. Il laisse de bonnes raisons de penser que ce qui le dérange, c’est beaucoup plus la posture contestataire d’Auteuil que le racisme de Boulogne.
À propos des mesures prises par l’ancien président du PSG en mai 2010, le site de So Foot salue ensuite un « volontarisme louable ». Mais il pointe du doigt plusieurs aspects oubliés par ses confrères :
Cette réponse énergique [le plan Tous PSG] est indiscutablement à porter au crédit de Robin Leproux, après trois décennies d’accommodements et de négociations plus ou moins douteuses avec les franges les plus dures des gradins. Cependant, son action est rendue possible par la vigoureuse réaction des pouvoirs publics qui prononcent dès le printemps la dissolution des principales associations de supporters du PSG et qui, dès la reprise, se lancent dans une politique aussi répressive que liberticide envers tous ceux qui contestent le plan Leproux. […]
Désorganisés par la dissolution des principales associations de supporters et par la rude réaction des pouvoirs publics, de nombreux anciens abonnés des virages, qui s’estiment injustement victimes d’un plan annoncé sans concertation avec les supporters, s’opposent à Robin Leproux mais de manière désorganisée, malgré les efforts de l’association Liberté pour les abonnés (LPA). Dénonçant l’impossibilité de se rassembler en tribune et un projet de Disneylandisation du Parc des Princes, LPA et les anciens responsables des virages appellent au boycott du Parc des Princes pour l’ensemble de la saison. Une décision qui a sans doute sauvé le plan Leproux. […] Il ne faut pas oublier que c’est aussi parce que de nombreux supporters ont déserté le Parc que les problèmes s’en sont éloignés. Qu’aurait donné, sans cela, le placement aléatoire ? Est-il viable d’affirmer que les anciens abonnés des deux virages doivent être capables de se côtoyer sur les gradins, sans jamais dire que pour un jeune Maghrébin ou Noir, ce sera délicat d’accepter d’être aux côtés de certains durs de Boulogne qui lui auront été hostiles pendant des années ?
[…] Pourquoi ne pas avoir tendu la main aux supporters historiques non violents ? Finalement, entre une bonne partie de la mouvance LPA et Leproux, c’est un peu l’histoire d’un rendez-vous manqué. Ils voulaient peu ou prou la même chose, de l’ambiance sans violence, mais ils n’ont jamais su s’entendre. C’est de la responsabilité des supporters, qui ne sont pas parvenus à proposer une formule alternative crédible et à prendre leurs distances avec les franges les plus dures. Mais c’est aussi de la responsabilité de Robin Leproux de n’avoir pas su créer les conditions d’un dialogue fructueux et de ne pas avoir compris qu’une bonne partie des supporters historiques méritait un autre traitement. […]
La résolution des problèmes de violence et de racisme permettrait de justifier beaucoup de dommages collatéraux. Mais si les deux tribunes accueillent désormais des supporters de toutes origines, on ne peut être que troublé par la poursuite des discussions entre la direction du PSG et la frange de Boulogne qui a contribué à en faire une tribune blanche. […] De plus, entre les franges les plus radicales, les violences se sont déplacées dans des zones éloignées du stade voire dans d’autres lieux (comme les manifestations politiques). Avant de tirer un bilan définitif du plan Leproux, il convient donc d’attendre de voir si cet apaisement des tensions va s’avérer durable.
En revanche, une conséquence évidente du plan Leproux est d’avoir brisé les faibles (relativement à la taille de l’agglomération) passions populaires qui avaient fini par se cristalliser autour du club, l’imposant petit à petit dans le décor social et culturel de Paris et de sa banlieue. Il est vraisemblable que le Parc aura de nouveau son public, des « fans », mais guère plus de supporters. Finalement, Leproux a proposé, à l’ensemble du foot français, un nouveau modèle de relation entre un club et ses « clients » des tribunes. Signant ainsi la fin d’une certaine culture ultra à Paris, peut-être demain dans tout l’hexagone.
Le bilan global de Robin Leproux
Bilan sportif
« Sur le plan sportif, Leproux — ni actionnaire ni figure connue dans le milieu avant son arrivée — n’aura jamais été un président de type Aulas, dont les discours pèsent souvent dans le vestiaire, considère L’Équipe. Mais il aura piloté la signature de Nenê, l’été dernier, quand l’entraîneur, Antoine Kombouaré, penchait plutôt vers Sylvain Marveaux, alors à Rennes. Et il aura consolidé des “actifs joueurs” en prolongeant notamment, cette année, les contrats de Mamadou Sakho (jusqu’en 2014) et Clément Chantôme (jusqu’en 2015). »
Le Parisien dresse un bilan globalement similaire : « Sur le plan sportif, l’ancien président parisien a connu des fortunes plus diverses. Après une première saison ponctuée d’une peu flatteuse 13e place, mais rehaussée d’une victoire en coupe de France, son deuxième exercice s’est révélé plus convaincant. Avec un recrutement limité — Leproux a souvent dû gérer la pénurie de moyens —, l’équipe a terminé à la 4e place avec un jeu séduisant et en s’évitant sa traditionnelle crise de novembre. En arrachant le recrutement du Brésilien Nenê et en soutenant Kombouaré même après une première année décevante, Leproux est largement responsable de cette belle saison. »
Bilan humain
Si L’Équipe s’arrête là dans son bilan des deux ans de Leproux au PSG, le Parisien évoque quant à lui l’aspect humain. « En interne, l’ancien président ne laissera pas un souvenir impérissable, assure le quotidien francilien. Ses méthodes cassantes n’ont pas fait l’unanimité. Comme dans le milieu du football, où il n’a jamais vraiment réussi à se faire accepter. En homme des médias (M6, RTL), il a souvent milité pour intégrer une commission (marketing d’abord puis le groupe de travail sur les droits télé) au sein de la LFP. Sans succès. Cet échec fait écho à celui essuyé, le 18 juin dernier, avec Fernand Duchaussoy, dont il était le colistier pour la présidence de la FFF. Là encore, Leproux n’a pas réussi à se faire une place dans les arcanes dirigeants du ballon rond et à y défendre les intérêts du PSG. Il a souvent voulu aller trop vite, manœuvrant parfois maladroitement. »
Le mois dernier, L’Équipe et le JDD expliquaient que Robin Leproux avait même fait perdre Fernand Duchaussoy, le favori de l’élection à la FFF, les présidents des clubs pros lui reprochant « un côté donneur de leçons ». « Il est extrêmement arrogant, nous a confié une source proche des instances dirigeantes du football français. Cela explique pourquoi il a été écarté de toutes les commissions ou groupes de travail auquel il prétendait… »