Rejoindre le Parc des Princes m’occasionne toujours un petit pincement au cœur. Parce qu’il n’y avait personne aujourd’hui, parce que je me suis garé juste en face du siège du club, désert, au lieu de le rejoindre à pieds depuis une place de parking chèrement acquise, parce que le silence des tribunes, l’absence d’enjeu, le manque d’adrénaline, parce que tout était si différent du Parc que je connais, le vrai Paris Saint-Germain m’est revenu en plein visage. Comme si tout ce qui manquait mettait davantage encore en valeur le plaisir habituel. C’est toujours un moment particulier que d’avoir le Parc pour soi. Pourtant je n’en ai retiré aucun plaisir aujourd’hui.
Cette promenade ne devait rien au hasard. Je suis allé au Parc pour tenter de me réabonner. Après plusieurs saisons vécues au sein du virage Auteuil, les mesures prises par les dirigeants m’ont obligé à me déplacer. Oh, même si je n’habite pas précisément à côté du siège du PSG, cela ne me posait pas trop de problèmes. Non, le truc c’est que pour la première fois depuis ma dizaine d’années d’abonnements je me suis rendu sur place sans aucune certitude : pas de courrier de réabonnement, aucune communication sur le site quant aux places encore disponibles, pas d’infos concernant la possibilité de choisir la tribune… Je naviguais à vue.
Une fois arrivé devant les guichets extérieurs, une petite pancarte, dans un coin, expliquait qu’il fallait traverser l’entrée principale du siège. J’emprunte une porte plus sécurisée que le sas de la banque de Liliane Bettencourt, et là, surprise… personne. Pas de file d’attente, pas d’hôtesse pulpeuse, rien. Juste un gars perdu derrière son bureau, visiblement ravi d’avoir enfin un client. Une demi-heure plus tard, c’était fait : aucun souci, les tarifs dénichés par PSGMAG.NET étaient bien les bons, j’avais eu le choix de ma tribune latérale — ce sera la H —, bref je repartais avec ce que j’étais venu chercher : un abonnement pour soutenir le PSG, une année de plus. Alors pourquoi ce vide ?
Découvrir sa carte, la retourner juste pour le plaisir d’en étudier le nouveau design, cela fait partie de ces incontournables qui vous lancent une saison ! Il y a la parution du calendrier, la découverte du nouveau maillot, la reprise des entraînements, le numéro de France Football qui donne les effectifs de chaque équipe, le trophée des champions, les articles de L’Équipe qui passent en revue les clubs dans la semaine précédant le premier match, et, au milieu de tout cela, l’arrivée de la carte d’abonné ! Une étape cruciale dans la montée en pression. Et là, rien. Aucune fébrilité, pas d’excitation. Pire… La gêne.
La vérité, c’est que pour la première fois depuis que je m’abonne, aujourd’hui, une part de moi avait honte de le faire. Que l’on ne se méprenne pas : j’ai toujours assumé mon amour pour le PSG, et je l’assume encore. Ma fierté d’être un supporter rouge et bleu demeure intacte. C’est le fait de m’être abonné qui me pose problème.
S’abonner, cela avait toujours été un facteur de rapprochement. D’unité. Je m’abonnais pour rejoindre une tribune, des amis, pour faire partie d’une communauté et participer à un mouvement. Là, pour la première fois, en achetant cette carte j’ai ressenti un sentiment de trahison. S’abonner aujourd’hui, c’est laisser derrière soi tous ceux qui ne veulent pas, ou ne peuvent pas rejoindre une tribune latérale. En abonnement championnat seul, à partir de septembre, et malgré toutes les réductions liées à l’ancienneté ainsi qu’aux matches non joués l’an passé — bref, le tarif le moins cher possible —, il m’a fallu débourser 400 €. Alors non, personne ne me force, et je n’ai pas à me plaindre, mais pour sortir ces 400 € je devrai consentir à quelques sacrifices l’an prochain. Et encore, ce chèque, j’ai pu le sortir. Je fais partie des chanceux qui n’auront pas à se galérer pour acheter leurs places avant chaque match, sans savoir où ils seront versés par l’ordinateur. Je vais vivre ma saison de supporter bourgeois, bien confortable. Celle que je me suis choisie… et ça me laisse un goût amer.
Rien que de penser à ceux qui sont venus au guichet, un autre jour, s’inquiéter de ce courrier de réabonnement qui ne viendra jamais, rien que d’imaginer les Parisiens qui après s’être renseignés sur le prix des nouveaux abonnements ont dû repartir, le malaise vous gagne.
De toutes manières, avec ces mesures on n’aurait pas pu être tous ensemble : nous sommes plus de quatre amis et c’est la limite pour être regroupés en virages. De toutes manières l’ambiance va changer. De toutes manières rien ne sera plus pareil. Mais de vivre ça loin de ceux auprès desquels j’ai passé ces dernières saisons, sans leurs blagues foireuses, leurs cure-dents et les séances photos ratées, ça me fait mal au cœur.
On verra bien ce que cela donnera. Combien de temps il faudra attendre avant de se réunir de nouveau. Et puis on se croisera toujours avant les rencontres, pour ceux qui continueront à venir. Et le plus important, n’est-ce pas de soutenir encore le PSG, d’être là, même si on n’est pas tous ensemble ? Petits mensonges. On se remonte le moral comme on peut.
La vérité c’est que pour la première fois, il n’aura même pas fallu attendre quelque crise que ce soit pour me dire que la saison sera difficile. J’ai la chance d’avoir mon abonnement, mais je pense aux Parisiens qui en seront privés. Pas de quoi être fier…
En fait, j’en veux à ceux qui nous ont amenés là. Et je ne vise pas seulement les dirigeants du PSG. Oui ils ont pondu ce plan. Mais assumons un minimum : les responsabilités ne viennent pas que d’en haut. Le rayon des fautifs compte aussi des supporters. Pas seulement les « autres » d’ailleurs. Vous savez, ces fameux autres, les 250 que tout le monde connaît, mais que moi je ne connais pas. Non, ceux qui ont provoqué cette situation sont bien plus nombreux. Les lanceurs de fumigènes, les insulteurs de tribune d’en face, tous ceux qui ont cherché à faire passer leur groupe avant le club, ceux qui se sont vus plus gros que le bœuf, ceux qui ont prôné la haine de l’adversaire avant l’amour de leurs couleurs, tous ils sont coupables, à leur échelle. Coupables d’avoir laissé s’instiller un climat d’agressivité, de violence latente. Coupables de ne pas avoir vu plus loin que le bout de leur nez. Coupables de s’être réjouis de leur bêtise. Coupables… comme ceux qui ont laissé faire, sans condamner. Comme moi.
On l’a tous sentie venir, cette montée de l’animosité. Cela fait si longtemps que cela couvait, et c’était si facile de faire semblant, de se dire qu’on pourrait vivre avec, que c’était le PSG, avec ses défauts.
Le verdict est tombé. Aujourd’hui, c’est l’heure de la sanction. Aujourd’hui, je suis un abonné du PSG, et j’en ai honte. Voilà ma peine : abandonner ceux qui me sont chers. Je n’ai même pas à me plaindre. Combien devront abandonner le Parc, tout court ?