À l’automne se dénudent les marronniers. Et au PSG, le marronnier de la saison, c’est la fameuse crise d’octobre. Ne cherchez plus, la prochaine rencontre sera « décisive ». Voire « capitale », ce qui permet de placer un bon mot, pas cher. Les jours se raccourcissant, les joueurs ne vont plus disputer que des « matches couperets », durant lesquels la défaite sera « interdite »… Comme si elle était autorisée le reste de l’année. Les supporters rencontrés sur les forums auront le moral en pente douce, et l’ambiance générale et les températures vont fraîchir lentement. Le club parisien serait-il victime d’une inexplicable série de rhumes annuels ?
Combien de PSG - Nancy à vivre cet hiver ?
Déjà face à Nancy, les temps avaient changé. Avez-vous regardé autour de vous, dans les travées de notre vaisseau bétonné ? Les avez-vous comptées, ces ombres, qui déjà gagnaient du terrain ?
Où se cachent-ils, nos maillots bleu et rouge ? Et l’espoir ? Et la joie simple des retrouvailles aoutiennes ? Pas disparus, certes. Mais déjà ternis, un peu. Le processus commence à peine. Le poids du vent, de la pluie et de la réalité affaisse déjà certaines épaules.
La vérité est cruelle, et plus qu’un peu mesquine. Regardez la en face un instant, et avouez que vous le saviez déjà, que vous vous mentiez. Ça va commencer à être dur. Pour les supporters, pour le PSG, pour tout le monde. Parce que c’est un championnat, parce que c’est Paris, et qu’une saison entière à survivre aux côtés de ce monstre a toujours été dur. Des PSG - Nancy, avec onze défenseurs qui ne sortent de leur moitié de terrain que pour réussir leur contre de l’année, il faudra en vivre d’autres. Tant d’autres… Mais qui en doutait, finalement ?
Des matches froids, où la nuit nous accompagnera dès le coup d’envoi, pour nous transpercer les os à mesure que s’égrèneront quatre vingt-dix trop longues minutes. De ces rencontres que l’on traverse en espérant un éclair, une joie, un cadeau avec lequel repartir une semaine dans l’attente du prochain match ; et qui vous laissent écrasé, ruiné de lassitude et d’incompréhension. Combien à venir ?
Il va falloir y aller au Parc. Y retourner quand cela fait un an, cinq, douze, quinze ans que vous donnez en espérant que le titre de Champion reviendra enfin. En attendant que le titre revienne. En vous demandant si, un jour…
Y retourner quand vous n’y croirez plus vraiment, parce qu’y croire, tant de fois, en rêver tant de fois, ça a été souffrir chaque fois. Pourtant il va falloir. Y retourner pour chanter encore et honorer ces couleurs. Pour être ce que vous êtes : supporter.
Souvenez-vous de Nancy. Vous les voyiez ce soir-là ? Les ombres ont pris la place de ceux qui, déjà, ont abandonné. Le championnat s’étend si loin en avant, encore. Qui peut leur en vouloir ? Les blessures érodent encore un effectif déjà frêle. Les promesses de titre s’éloignent sans que l’on n’ose se l’avouer. Alors bien sûr qu’il faut encore y croire, bien sûr que tant qu’il reste du souffle, une seconde et la possibilité mathématique de revenir, il faut poursuivre. N’empêche que certains ne sont déjà plus là. Déjà ! Et n’empêche que la fuite n’ira pas en s’arrangeant.
Ceux qui tiendront jusqu’au petit jour…
C’était si facile cet été, alors que tout le monde partait à égalité. Personne n’aime se battre du côté de ceux qui ne gagnent pas. Alors quand une hypothétique victoire ne peut que vous ramener à quatre points derrière le premier, encore et toujours derrière, difficile de trouver la motivation. En août, vous n’aviez pas besoin d’échafauder un plan avec une série de succès enchaînés sur tout un mois pour rêver le PSG en tête de la L1.
C’était plus facile aussi, quand on pouvait croire encore que cette fois, oui, les recrues allaient vraiment tout changer. Que peut-être les dirigeants nous sortiraient encore de leur chapeau un milieu gauche, au dernier jour du mercato. Plus facile quand penser aux joueurs c’était imaginer : les dribbles, les matches pleins, les buts qui s’enchaînent, les arrêts réflexes ; et pas déjà se souvenir. Des tirs misérables, des placements hasardeux ou des sorties cacochymes, de ce que tous les joueurs de tous les clubs offrent de temps à autres : des ratés. De ces réalités qui finissent par se réunir en une masse impossible à gérer.
Pourtant, le Parc est là. La nuit tombe sur le PSG mais le Parc demeure. Pas de victoire en septembre, la menace de huis-clos, des attaques absurdes pour trois fumigènes inoffensifs, un vaudeville lorientais pour une paire de claques promise et jamais donnée. Et Paris Saint-Germain vit encore.
Il reste de la chaleur. Malgré tout. Les tribunes luttent encore. Malgré tous.
Pourquoi condamner ceux qui ont abandonné, dès le crépuscule ? Les premières difficultés étaient de trop pour eux, c’est ainsi. D’autres tiennent encore qui lâcheront plus loin. Il faudra être encore là en janvier, dans un stade creux pour une rencontre de la coupe de la Ligue disputée face à un improbable adversaire pour les en blâmer. Les derniers, eux… ils verront le soleil se lever de nouveau sur la Tour Eiffel.
Ils auront partagé un nouvel hiver parisien, et alors ils pourront se retourner avec fierté. Paris aura tenu, parce que Paris tient toujours. Le PSG sera vivant, parce que son histoire deviendra légende. Et la victoire, peut-être, leur tendra de nouveau les bras. Qui sait ? Seuls ceux qui auront traversé le noir, vécu le froid et habillé le Parc en retireront alors la pleine récompense.
Parce qu’au cœur de l’hiver, quand il est déjà trop tard pour se bercer d’illusions, et bien trop tôt pour entrevoir avec certitude une quelconque promesse, on ne vient pas se battre pour soi. Il n’y a rien à retirer dans la nuit. Il n’y a qu’à donner. Et les anciens, qui ont vécu ces hivernages, vous diront combien le PSG est vorace de tout ce qu’on peut lui laisser. Alors ceux qui tiendront jusqu’au bout, c’est qu’ils seront parvenus à s’oublier, pour tout offrir au Paris Saint-Germain. Ils mériteront le plus grand respect.
Maurice Béjart ne parlait pas d’eux quand il a écrit : « il n’y a qu’un seul public : celui qui vient pour aimer. Si les gens viennent pour s’aimer eux-mêmes ou pour chercher le reflet d’anciennes amours, le contact n’a pas lieu. » Pourtant, il peint le juste portrait de ceux qui lutteront cet hiver aux côtés de Kombouaré et de ses joueurs. Ce sont eux, les supporters du Paris SG : ils viennent pour aimer.
Où alors, au contraire, Béjart avait pressenti que son discours servirait à d’autres. Le titre du livre dont est extraite cette citation ? Un instant dans la vie d’autrui…