Cinq questions pour tenter de comprendre ce débat qui oppose les supporters du Paris Saint-Germain, entre d’une part le manifeste Tous PSG, initié par le club, et d’autre part la pétition Tous abonnés, une réplique lancée par des supporters parisiens.
Ces supporters refusent-ils la violence ?
OUI. La présentation des supporters luttant contre les dernières mesures prises par le PSG est souvent très maladroite, voire malhonnête. Lorsque les médias décrivent ces opposants, ils donnent parfois l’impression que les supporters signataires de la charte Tous abonnés sont contre la pacification du Parc des Princes. Voici par exemple un extrait d’une dépêche AFP datée du 15 mai :
Trois groupes de supporteurs du virage Auteuil (Kriek Paris 1999, Karsud et Lutèce Falco 1991) avaient appelé à cette « marche pacifique » contre le « plan antiviolence » sur lequel planche actuellement la direction du PSG.
Voilà une position plutôt étrange ! Présenter des supporters en écrivant qu’ils organisent une action pacifique pour lutter contre un plan anti-violence, cela ne peut pas sembler sérieux. Or, il suffit de lire la pétition Tous abonnés pour comprendre la position de ces supporters :
Si les intentions annoncées dans les journaux sont tout à fait légitimes, nous ne comprenons que trop bien les tenants et les aboutissants des réformes qui vont être appliquées à nos tribunes. Nous, supporters du PSG et abonnés au Parc des Princes depuis tant d’années, allons être mis à la porte de notre seconde maison à cause d’une minorité de fauteurs de troubles.
Le problème n’est évidemment pas de refuser la lutte contre la violence, mais bien de s’élever contre les moyens employés par le club pour y parvenir ! Ce n’est donc pas contre un plan anti-violence que s’insurgent ces supporters, mais contre le plan Leproux. Nuance.
Le prix des places va-t-il augmenter ?
OUI. C’est l’une des principales critiques émises par les supporters opposés au plan Leproux : une hausse tarifaire qui signerait la fin d’un foot populaire à Paris. Remarque légitime vu qu’un abonné du Kop de Boulogne qui souhaiterait réserver une place à l’année ne pourra plus le faire que dans des tribunes haut de gamme… ce qui aura pour conséquence de multiplier par deux le montant de la facture.
Alors certes, à ce prix notre supporter du PSG sera mieux placé dans le stade. Mais retirer un produit du marché pour obliger les consommateurs à en acheter un autre, supposé de meilleure qualité mais deux fois plus cher, cela ressemble fort à une arnaque. C’est pourtant le traitement que le PSG va infliger à ses supporters.
Le club, qui répond pourtant à la question de la hausse tarifaire par la négative, trompe son monde : selon les dirigeants du PSG, notre supporter pourrait aussi réussir à passer une saison au Parc des Princes au même prix que l’année dernière, voire réaliser des économies s’il venait avec un enfant, ou son épouse. Pour cela, il lui suffirait d’acheter les fameux tickets à 12 € : des billets en nombre limité, et au placement aléatoire.
Sauf que pour un abonné de longue date, les 228 € dépensés sur une saison représenteraient une hausse de +34 % par rapport à l’ancien tarif fidélité ! Pour un supporter demandant un simple réabonnement, sans remise particulière, la hausse correspondrait à +14 % ! La seule possibilité pour un ancien abonné de gagner de l’argent serait de venir avec femme et enfants. Sauf que les abonnés des tribunes populaires sont souvent des étudiants qui, justement, n’ont ni femme, ni enfant…
Empêche-t-on les supporters d’aller au Parc ?
NON. C’est bien là toute la finesse du plan de Robin Leproux… ou toute sa perversité selon que l’on soit pour ou contre. Ce plan en lui-même n’interdira à personne de se rendre au Parc des Princes. Les interdictions de stade, prononcées par la préfecture de police, ne sont pas le fait des dirigeants du PSG.
Même pour ceux qui tiendraient vraiment à ne pas quitter leur petite amie, ne serait-ce que le temps d’un match, et donc à suivre la saison en tribune dite familiale, ce système présente de nombreux inconvénients : obligation de se rendre aux guichets pour chaque nouvelle rencontre, avec aucune garantie de pouvoir assister à tous les matches, puisque ces fameux tickets seront en nombre très réduit, et surtout l’impossibilité de suivre le match côte à côte avec plus de trois amis vu que les places seront vendues par quatre maximum, nominatives et fixées.
Le manifeste Tous PSG stipule : « Nous voulons pouvoir venir au Parc en famille, en couple, entre copains, assister au match dans une ambiance apaisée pour soutenir notre équipe et nos couleurs. » Les habitués qui se retrouvaient tous les week-ends en tribune après un simple réabonnement, mais qui se verront désormais placés à deux extrémités du stade, après avoir fait la queue, quand ils auront eu le bonheur de se dégotter une place, trouveront peut-être que les places à 12 € n’ont pas que des avantages.
Plutôt que d’interdire, il s’agit donc davantage de décourager les anciens abonnés des tribunes populaires : pour des supporters qui vivaient dans la confortable habitude de profiter des rencontres aux tarifs les moins élevés du Parc [1], avec un groupe d’amis, sans avoir à s’occuper d’acheter leur billet une fois l’abonnement payé, le revirement est complet. Et sans doute intolérable. De la multiplication des contraintes jusqu’à la quasi certitude de ne plus connaître qu’un ersatz de ce qu’a pu être l’ambiance du Kop de Boulogne ou du Virage Auteuil, combien d’anciens abonnés pourront encaisser cette mutation ?
Non, on n’empêche pas les anciens abonnés du PSG de venir au Parc des Princes. On les en dégoûte.
Le plan Leproux va-t-il tuer l’ambiance ?
NON. La réponse peut choquer mais soyons honnêtes : la première des conditions pour tuer l’ambiance serait que cette fameuse ambiance soit encore en vie. Or il suffit d’avoir mis les pieds au Parc des Princes après le décès de Yann Lorence pour comprendre qu’il n’y avait pas besoin d’un plan pour anéantir l’atmosphère du Parc des Princes. C’était déjà fait.
Depuis le mois de mars, le Virage Auteuil s’est souvent contenté d’entrecouper de longues plages de silences par des bordées d’insultes. Les dirigeants, l’actionnaire, les pouvoirs publics, les joueurs : tout le monde y est passé, les buts ou les rares bonnes actions parisiennes devenant des prétextes pour crier à plusieurs une irrépressible envie de sodomiser tout ce qui bouge.
Même le Kop de Boulogne, à chaque fois qu’il lançait un des chants qui étaient autrefois repris d’une tribune à l’autre, recevait son lot d’insanités. Kop de Boulogne qui ne s’est pas signalé non plus par une ambiance de feu durant ces dernières semaines, et qui répondait comme il se doit aux insultes, qu’elles soient réelles ou imaginées.
Bref, un climat délétère, un soutien plus qu’intermittent, des échanges d’insultes ou de provocations entre tribunes populaires… Tout ce qui rendait l’ambiance du PSG exceptionnelle était déjà enterré bien avant que n’apparaissent les premières rumeurs de plans anti-violence.
Peut-on être à la fois Tous abonnés et Tous PSG ?
OUI, mais… Là encore, cette question illustre toute l’habileté du plan des dirigeants du PSG : les sept points de la charte du club — Tous PSG — sont écrits de manière à ce qu’on ne puisse s’y opposer sans passer pour la pire des brutes. Le souhait d’un amour éternel dans un monde où le ciel serait toujours bleu. Il est donc quasiment impossible de s’élever contre la pétition Tous PSG. Sauf qu’une nouvelle fois, le plan Leproux, c’est autre chose !
Le véritable problème n’est pas de savoir si l’on souhaite ou non adhérer à cette déclaration d’intention qui ne dépareillerait pas dans un épisode de Oui-Oui. Le problème n’est pas non plus de se demander s’il fallait agir : que ce soit la famille de Julien Quemener, ou les différents leaders de groupes de supporters, tout le monde peignait une situation critique, nécessitant une réaction immédiate, et forte. Les signataires de Tous abonnés l’écrivent eux-mêmes : ces intentions sont légitimes.
Il est troublant de voir que les signataires de Tous PSG serviront de caution, et seront mis en avant par le club comme des personnes acceptant les mesures mises en œuvre pour pacifier le Parc. Parce que de ces mesures, la pétition organisée par le club n’en parle absolument pas ! Les dirigeants du PSG proposent une charte avec laquelle on ne peut qu’être d’accord, mais cette charte n’est que la partie émergée d’un iceberg sur lequel en revanche il y aurait peut-être à redire… sauf qu’on ne vous demande plus votre avis.
Pour la paix dans le monde ? Oui ? OK… mais pour y arriver, il faudra en passer par une petite privation de vos libertés. Vous n’êtes plus d’accord ? Tant pis : là on ne vous demandait rien.
Maintenant, l’honnêteté voudrait que les personnes critiquant ce fameux plan des dirigeants du PSG apportent d’autres solutions. Or Tous abonnés n’en fait malheureusement rien. Parmi les détracteurs du plan Leproux, seul David Ginola avance quelques pistes, qui ressemblent d’ailleurs à autant de tentatives d’enfoncement de portes ouvertes :
Il faut mettre les gens face à leurs responsabilités. Pour ça, je réunis tout le monde, les présidents d’Auteuil et Boulogne, pour les prendre entre quatre yeux. Et je leur propose de changer les attitudes. Et premièrement la mienne. Je leur dis : « Le club va avoir une attitude différente vis-à-vis de vous. Si vous êtes prêts à me suivre, je vous demanderez une chose, c’est tous de vous prendre en charge afin que l’on puisse se fixer un objectif commun, vous intégrer dans l’organigramme du club. » À un moment donné, il faut savoir où tu veux aller, sans tomber dans l’excès, d’un côté comme de l’autre. Mais il faut se mouiller, sans avoir peur de rencontrer les gens. Si tu veux que le public soit vraiment ton douzième homme, il faut savoir l’intégrer.
Discuter avec les supporters, réunir des groupes de différentes tribunes, ça se faisait chaque année. Écrire noir sur blanc les droits et devoirs de chacun, cela s’est fait, après le départ de Larrue. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au vu de la situation actuelle, cela n’a pas suffi.
Entre un Tous PSG qui donne la part belle aux bons sentiments, et un Tous abonnés qui dresse le constat irréfutable d’une hausse des prix et d’une terrible privation des libertés des supporters, on ne peut qu’acquiescer. Mais entre un plan Leproux qui gomme l’histoire des tribunes populaires et un Tous abonnés qui ne propose rien, on ne peut surtout que rester insatisfait.
PSG : vers la mort des tribunes ?
Manifestations des supporters du PSG (vidéos)
[Supporters] Tous PSG ou tous abonnés ?