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F2 : nos réponses au communiqué du PSG

Envoyé spécial : le PSG conteste, mais répond à côté

lundi 10 janvier 2011, par Vivien B.

Envoyé spécial : le PSG conteste, mais répond à côté

Au lendemain de la diffusion sur France 2 d’une enquête sur la sécurité privée [1], le PSG s’est empressé de publier un communiqué de presse, estimant qu’il « ne peut laisser passer la partialité et les erreurs » du reportage. De nombreux médias spécialisés — citons par exemple leparisien.fr ou francefootball.fr — ont alors relayé la parole du club, alors qu’ils n’avaient pas évoqué l’émission de la chaîne publique. Un seul a pris la peine de contacter l’auteure du reportage : sports.fr.

Bruno Skropeta, le directeur de la communication du PSG, nous a fait savoir qu’il avait bien lu notre interview de Linda Bendali, mais que le club avait publié un droit de réponse en raison de « nombreuses inexactitudes qui nous font douter de la véracité du reportage ». Nous y répondons à notre tour.

Première ambiguïté : l’objet du reportage

Une enquête sur quoi ?

Dans son communiqué de presse, le PSG n’explique à aucun moment la nature du reportage qu’il conteste. Pas une seule fois le club n’évoque la sécurité privée dans son article, alors qu’il s’agit du seul et unique sujet de l’émission. Au contraire, le PSG laisse croire que le reportage était intitulé « La sécurité au rabais », alors que sa dénomination réelle est la suivante : «  Police privée : la sécurité au rabais ». Un oubli ? Pas si sûr : le club joue sur l’ambiguïté tout au long de sa réponse, pour mieux reprocher à la réalisatrice du reportage de n’avoir pas pris connaissance de l’existence du plan Tous PSG.

L’objet de l’enquête réalisée par l’ancienne journaliste du Canard enchaîné n’est pourtant pas d’évoquer la sécurité au PSG en général, mais uniquement les conséquences de la privatisation de la sécurité. Durant le reportage, cet objectif est également explicité. Après un premier sujet sur la sécurité dans les aéroports, voici comment est introduit l’extrait consacré au PSG :

Le président du PSG s’est juré de stopper la violence et de renforcer la sécurité : « […] Il faudra des mesures exemplaires. » Au PSG, la sécurité a été confiée à des sociétés privées. Sont-elles exemplaires ?

« Le plan Tous PSG n’est même pas abordé ! »

Le PSG regrette que la journaliste n’ait pas pris la peine de vérifier […] que le plan Tous PSG comprend d’autres volets qui n’ont pas été évoqués dans le reportage et qu’il a permis depuis le début de la saison une pacification dans et aux abords du Parc des Princes. Le PSG rejette la stigmatisation de ses supporters et tient avant tout à assurer leur sécurité, le progrès est tangible.

À notre grande déception — comme à celle de Sami B., qui déplore que les raisons de son interdiction de stade n’aient pas été mentionnées —, le reportage de France 2 n’évoque effectivement pas le plan Tous PSG. Cependant, contrairement à ce que prétend le PSG pour disqualifier son auteure, il ne s’agit pas d’un manque de vérification, mais d’un choix éditorial : comme nous venons de le rappeler, l’objet du reportage concerne la sécurité privée, et non la sécurité au Parc des Princes. Pour en avoir discuté avec Linda Bendali durant son enquête, nous pouvons témoigner de ce qu’elle était parfaitement au courant du plan Tous PSG.

Le PSG regrette que Germain le lynx n’ait pas été présenté aux téléspectateurs ? Nous regrettons pour notre part que la suppression des abonnements de 13 000 supporters au nom de la lutte contre la violence, la hausse des tarifs de 24 % en tribunes latérales, les interdictions de stade abusives du 7 août, les mesures discriminatoires en déplacement et les entraves à la liberté d’expression n’aient pas été abordés.

Par ailleurs, et contrairement à ce que sous-entend le PSG, le reportage ne stigmatise pas les supporters du PSG, mais seulement l’inefficacité et le manque d’exemplarité des agents de sécurité qui officient au Parc des Princes. Difficile d’en dire autant d’un président qui a indiqué que la tribune Auteuil refusait que « des gens tout à fait blancs [rentrent] dans leur tribune » au printemps dernier.

Pourquoi le PSG répond à côté

Le PSG ne peut laisser passer la partialité et les erreurs figurant dans le reportage diffusé jeudi soir par France 2 dans le cadre de son émission Envoyé spécial intitulé « La sécurité au rabais ». Le club a bien au contraire pris des décisions fortes afin que le Parc des Princes et ses abords ne soient plus un terrain de violence, tous ceux qui le fréquentent depuis le début de la saison s’accordent à reconnaître la métamorphose opérée qui permet de dire qu’au PSG aujourd’hui « la sécurité n’est pas au rabais » !
Un argument d’autorité pour commencer : le reportage montre un défaut de formation des agents de sécurité, un recrutement parfois hasardeux, des témoignages évoquent des pratiques illégales — des stewards amateurs — et des dérapages — des violences volontaires —, une faiblesse des contrôles à l’entrée du stade, un soupçon de traitement particulier de la part du commissariat de Boulogne-Billancourt, qui refuse les plaintes à l’encontre du club. Réponses du PSG ? Tout le monde s’accorde à penser que la sécurité n’est pas au rabais.

Si la suite est moins vaseuse, elle n’est pas beaucoup plus convaincante.

Tout va très bien, madame la Marquise

Le club dépense chaque année près de 5 millions d’euros pour assurer la sécurité de plus d’1 million de supporters qui assistent aux matches tout au long de la saison.
La saison dernière, le PSG dépensait donc déjà près de 5 millions d’euros pour assurer la sécurité de ses spectateurs [2]. Bilan : un mort.
Le club emploie sur chaque match au Parc des Princes en moyenne 650 agents de sécurité qui disposent d’agréments préfectoraux et qui sont régulièrement employés par des sociétés de sécurité reconnues au niveau national et sous contrat avec le club.
Le fait que le PSG emploie en moyenne 650 agents n’est en rien une réponse aux problèmes soulevés par le reportage d’Envoyé spécial, éloquent sur le manque de formation des agents de sécurité et la problématique des agréments reconnus par l’État dans sa première partie. Les stewards du PSG disposeraient d’agréments préfectoraux ? C’est heureux : dans le cas contraire, ce serait illégal. Et précisément, un témoignage recueilli par Envoyé spécial indique que des personnes démunies d’agrément travailleraient parfois au Parc des Princes.

La réponse laconique du PSG à ce sujet est d’autant plus courte que s’il a officiellement balayé ces accusations d’un revers de la main, elles auraient donné lieu à une toute autre réaction en interne, d’après RMC :

Grosse colère au siège du PSG aujourd’hui suite au sujet sur la sécurité du Parc des Princes diffusé hier par France Télévisions. Un sujet qui montrait certaines failles sur ce plan de sécurité « Leproux » et qui a eu le don de mettre grandement en colère Sébastien Bazin et Robin Leproux. Du coup, lors d’une réunion de crise ce vendredi, le président du PSG a fait appeler le responsable de la société qui gère la sécurité au Parc des Princes, la société MCS, pour demander des comptes.

Le club tient à rappeler qu’il mène d’importantes actions de prévention en partenariat avec SOS Racisme, la Licra ou le Paris Foot Gay afin de réduire les violences et les actes à caractères racistes ou homophobes.
Que celui qui comprend en quoi le partenariat du PSG avec le Paris Foot Gay illustre « la partialité et les erreurs du reportage » nous contacte, merci.

Du PSG ou de Linda Bendali, qui ment ?

Le club s’étonne que dans le reportage, Mme Linda Bendali affirme accéder au stade avec des places acquises par un interdit de stade à l’occasion de la rencontre PSG-Auxerre alors que cette dernière a souscrit au programme d’identification Tous PSG afin obtenir quatre billets dans la même tribune. Nous nous interrogeons donc sur les places réellement utilisées par la journaliste pour entrer dans l’enceinte.
Nous avons interrogé Sami B. sur cette séquence. Très critique envers Linda Bendali pour l’avoir fait témoigner à visage découvert sans expliquer les raisons de son interdiction de stade, il pointe également du doigt les limites de la démonstration liée à la possibilité pour un IDS d’acheter des places (voir plus bas). En revanche, il confirme la véracité de la scène diffusée sur France 2 :

Je n’étais évidemment pas avec l’équipe d’Envoyé spécial quand ils sont rentrés — j’étais en train de pointer au commissariat… —, mais ce que je peux dire c’est que nous avons vraiment acheté ces places, je les leur ai vraiment données, c’était vraiment dans la tribune Boulogne. Je me suis inscrit à Tous PSG pour cela. Je n’ai toujours pas la carte, qui devait me parvenir par courrier, mais je ne l’attends de toutes façons pas avec une grande impatience…

« C’est complètement faux de dire que je ne suis pas rentrée avec la place d’un interdit de stade, répond par ailleurs Linda Bendali sur sports.fr, le seul média qui a pris la peine de la contacter avant de relayer aveuglément le communiqué du PSG. On le montre d’ailleurs à l’image, le billet que je présente est bien à son nom. Il y a la preuve par l’image ! » Et effectivement, on reconnaît les billets au nom de Sami B. une fois qu’elle a franchi les différents contrôles à l’entrée du stade, comme le prouvent les captures écran suivantes :

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Envoyé spécial : les billets achetés
JPEG - 36.5 ko
Envoyé spécial : les billets utilisés pour rentrer
Le club conteste la véracité des témoignages des deux personnes se présentant comme deux stadiers ayant déjà travaillé au Parc des Princes. Après vérification il s’avère que ces derniers n’ont jamais collaboré directement ou indirectement avec le PSG. Ils ne peuvent donc pas connaître les mesures et les procédures de sécurité mises en place par le PSG.
Toujours sur sports.fr, Linda Bendali dément la réponse du club parisien : « Sur les deux stadiers qu’on montre à l’image, le seul qui s’exprime a travaillé au Parc des Princes, alors que l’autre ne s’exprime pas. » Et la journaliste de rappeler ce qu’elle nous avait indiqué jeudi : elle a sollicité le PSG durant son enquête, mais celui-ci a refusé de lui parler, expliquant qu’il communiquait sur tous les sujets, sauf sur celui de la sécurité. Le PSG a également demandé à la préfecture de police de Paris de ne pas lui donner accès au PC sécurité du Parc des Princes — alors que le Canal Football Club y avait été autorisé en septembre dernier. Pourquoi un tel manque de transparence ?

« Si la journaliste avait pris la peine de vérifier… »

Le PSG regrette aussi que la journaliste n’ait pas pris la peine de vérifier que la loi permet à un interdit de stade d’acheter des billets librement. Cette même loi lui interdit seulement de se rendre au stade, ce qui est d’ailleurs souligné dans le reportage. Les billets nominatifs permettent principalement d’identifier les spectateurs et leur positionnement grâce aux 146 caméras de vidéo-surveillance mis à la disposition de la police au Parc des Princes.
Le PSG se tire une balle dans le pied en affirmant que « les billets nominatifs permettent principalement d’identifier les spectateurs et leur positionnement », alors que le reportage apporte précisément la preuve du contraire : n’importe qui pouvant rentrer au stade avec un billet au nom de quelqu’un d’autre — même si le nom en question correspond à celui d’un interdit de stade —, et le placement n’étant par ailleurs pas respecté dans les secteurs Tous PSG, le club n’est pas en mesure de connaître le nom des individus qui ont pris place dans le stade grâce aux billets nominatifs, qui ne font que donner l’apparence d’un contrôle [3].

Par ailleurs, le PSG se contredit lui-même : la journaliste n’aurait pas pris la peine de vérifier… un point qui est pourtant souligné dans le reportage. Comme nous l’a indiqué Sami B., vérification avait en réalité été faite auprès d’un avocat que l’achat de place ne faisait courir aucun risque à un interdit de stade.

Dans l’interview que nous publierons cet après-midi, le témoin interrogé par Envoyé spécial minimise cependant l’intérêt de cette séquence, dans la mesure où les IDS sont avant tout éloignés des stades par l’obligation qui leur est faite de pointer au commissariat durant le match. Pour Envoyé spécial, l’intérêt était de vérifier les contrôles aux abords du stade en poussant la logique jusqu’à le faire avec des places au nom d’un IDS — et pas avec un IDS lui-même, ce qui lui ferait courir des risques d’emprisonnement :

Avec ces places au nom d’un interdit de stade, nous allons vérifier si les agents de sécurité du PSG vont nous empêcher d’entrer dans le Parc des Princes.

Si la démonstration liée à l’achat de place par un interdit de stade est donc discutable, le fait que la journaliste avait connaissance de la loi est en revanche indéniable.


(vidéo pierrooooo__ — voir Un steward PSG : « Ta gueule ou je t’en fous une »)
Le PSG regrette aussi que la journaliste n’ait pas pris la peine de vérifier […] qu’en cas d’incivilités avérées en tribune, la mission des stadiers est d’assurer la sécurité des personnes présentes et d’extraire les fauteurs de trouble pour les présenter à la police comme ce fut le cas pour la personne incriminée dans le reportage.
Deux choses sont contestées par le reportage : la nécessité d’expulser des supporters qui souhaitaient simplement chanter debout ; la violence avec laquelle sont intervenus pour cela les stewards — notamment des violences volontaires commises en toute impunité dans les coursives du Parc des Princes. Faire semblant de ne pas le comprendre relève de la dernière mauvaise foi.

Au final, si Envoyé spécial n’insiste pas sur l’obligation de pointer au commissariat des interdits de stade — qui relativise la démonstration à ce sujet —, on peine à trouver les « nombreuses inexactitudes » censées émailler le reportage. La réponse du PSG prouve en revanche une chose : son agacement envers ceux qui, contrairement au Parisien ou à L’Équipe, ne se contentent pas de relayer la parole officielle sans enquêter.

Notes

[1] Envoyé spécial a réuni plus de quatre millions de téléspectateurs jeudi soir selon les chiffres communiqués par Médiamétrie.

[2] Le Parisien estimait à 250 000 € le montant dépensé pour payer les stewards et indemniser la préfecture de police de Paris dans le cadre du match PSG-OM, lors duquel les forces de l’ordre se sont révélées incapables d’empêcher les incidents ayant abouti au décès de Yann Lorence.

[3] Le fait que les incidents étaient majoritairement dus à des individus rentrés en tribune sans le moindre billet contribue au sentiment d’inutilité des billets nominatifs aux yeux des initiés. Par ailleurs, la distribution massive d’invitations — par définition absolument pas nominatives — depuis six mois vient en totale contradiction avec la contribution des billets nominatifs à la sécurité nouvelle du Parc des Princes.

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28 votes

4 commentaires ont déjà été postés par nos lecteurs

  • #1
    8 votes
    Freefan
    10 janvier 2011 12:12

    Très propre et très objectif.

  • #2
    7 votes
    Jojolafrite
    10 janvier 2011 13:30

    Personnellement, je n’ai pas appris grand chose avec le reportage à part que la sécurité est de plus confiée à des sociétés privées, entre autre au Parc, ce qui nivelle par le bas le niveau de sécurité. Point.

    Ça n’a, comme vous le dites, que très peu de rapport avec le Plan "Tous PSG" vu que ces sociétés officiaient avant sa mise en place et qu’elles officient toujours après.

    Le réponse confuse et bâclée du Club démontre par contre, elle, que le sujet reste sensible et que le problème n’est peut être pas traité avec autant de rigueur qu’il devrait.
    En gros, il leur fallait une réponse qui disait "La sécurité, c’est notre priorité" pour donner l’impression de mettre en cause le reportage, sachant que 95% des lecteurs ne chercheraient pas plus loin.

  • #3

    Ricou75
    11 janvier 2011 10:28

    Leur communiqué est quand même étrangement mal ficelé. Ils l’ont écrit à la pause café sur un coin de photocopieuse ou quoi ?

  • #4

    eskr
    26 janvier 2011 23:14

    Très bon article comme souvent sur ce site
    continuez !

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