Bruno Skropeta, le directeur de la communication du PSG, nous a fait savoir qu’il avait bien lu notre interview de Linda Bendali, mais que le club avait publié un droit de réponse en raison de « nombreuses inexactitudes qui nous font douter de la véracité du reportage ». Nous y répondons à notre tour.
Première ambiguïté : l’objet du reportage
Une enquête sur quoi ?
Dans son communiqué de presse, le PSG n’explique à aucun moment la nature du reportage qu’il conteste. Pas une seule fois le club n’évoque la sécurité privée dans son article, alors qu’il s’agit du seul et unique sujet de l’émission. Au contraire, le PSG laisse croire que le reportage était intitulé « La sécurité au rabais », alors que sa dénomination réelle est la suivante : « Police privée : la sécurité au rabais ». Un oubli ? Pas si sûr : le club joue sur l’ambiguïté tout au long de sa réponse, pour mieux reprocher à la réalisatrice du reportage de n’avoir pas pris connaissance de l’existence du plan Tous PSG.
L’objet de l’enquête réalisée par l’ancienne journaliste du Canard enchaîné n’est pourtant pas d’évoquer la sécurité au PSG en général, mais uniquement les conséquences de la privatisation de la sécurité. Durant le reportage, cet objectif est également explicité. Après un premier sujet sur la sécurité dans les aéroports, voici comment est introduit l’extrait consacré au PSG :
Le président du PSG s’est juré de stopper la violence et de renforcer la sécurité : « […] Il faudra des mesures exemplaires. » Au PSG, la sécurité a été confiée à des sociétés privées. Sont-elles exemplaires ?
« Le plan Tous PSG n’est même pas abordé ! »
À notre grande déception — comme à celle de Sami B., qui déplore que les raisons de son interdiction de stade n’aient pas été mentionnées —, le reportage de France 2 n’évoque effectivement pas le plan Tous PSG. Cependant, contrairement à ce que prétend le PSG pour disqualifier son auteure, il ne s’agit pas d’un manque de vérification, mais d’un choix éditorial : comme nous venons de le rappeler, l’objet du reportage concerne la sécurité privée, et non la sécurité au Parc des Princes. Pour en avoir discuté avec Linda Bendali durant son enquête, nous pouvons témoigner de ce qu’elle était parfaitement au courant du plan Tous PSG.
Le PSG regrette que Germain le lynx n’ait pas été présenté aux téléspectateurs ? Nous regrettons pour notre part que la suppression des abonnements de 13 000 supporters au nom de la lutte contre la violence, la hausse des tarifs de 24 % en tribunes latérales, les interdictions de stade abusives du 7 août, les mesures discriminatoires en déplacement et les entraves à la liberté d’expression n’aient pas été abordés.
Par ailleurs, et contrairement à ce que sous-entend le PSG, le reportage ne stigmatise pas les supporters du PSG, mais seulement l’inefficacité et le manque d’exemplarité des agents de sécurité qui officient au Parc des Princes. Difficile d’en dire autant d’un président qui a indiqué que la tribune Auteuil refusait que « des gens tout à fait blancs [rentrent] dans leur tribune » au printemps dernier.
Pourquoi le PSG répond à côté
Si la suite est moins vaseuse, elle n’est pas beaucoup plus convaincante.
Tout va très bien, madame la Marquise
La réponse laconique du PSG à ce sujet est d’autant plus courte que s’il a officiellement balayé ces accusations d’un revers de la main, elles auraient donné lieu à une toute autre réaction en interne, d’après RMC :
Grosse colère au siège du PSG aujourd’hui suite au sujet sur la sécurité du Parc des Princes diffusé hier par France Télévisions. Un sujet qui montrait certaines failles sur ce plan de sécurité « Leproux » et qui a eu le don de mettre grandement en colère Sébastien Bazin et Robin Leproux. Du coup, lors d’une réunion de crise ce vendredi, le président du PSG a fait appeler le responsable de la société qui gère la sécurité au Parc des Princes, la société MCS, pour demander des comptes.
Du PSG ou de Linda Bendali, qui ment ?
Je n’étais évidemment pas avec l’équipe d’Envoyé spécial quand ils sont rentrés — j’étais en train de pointer au commissariat… —, mais ce que je peux dire c’est que nous avons vraiment acheté ces places, je les leur ai vraiment données, c’était vraiment dans la tribune Boulogne. Je me suis inscrit à Tous PSG pour cela. Je n’ai toujours pas la carte, qui devait me parvenir par courrier, mais je ne l’attends de toutes façons pas avec une grande impatience…
« C’est complètement faux de dire que je ne suis pas rentrée avec la place d’un interdit de stade, répond par ailleurs Linda Bendali sur sports.fr, le seul média qui a pris la peine de la contacter avant de relayer aveuglément le communiqué du PSG. On le montre d’ailleurs à l’image, le billet que je présente est bien à son nom. Il y a la preuve par l’image ! » Et effectivement, on reconnaît les billets au nom de Sami B. une fois qu’elle a franchi les différents contrôles à l’entrée du stade, comme le prouvent les captures écran suivantes :
- Envoyé spécial : les billets achetés
- Envoyé spécial : les billets utilisés pour rentrer
« Si la journaliste avait pris la peine de vérifier… »
Par ailleurs, le PSG se contredit lui-même : la journaliste n’aurait pas pris la peine de vérifier… un point qui est pourtant souligné dans le reportage. Comme nous l’a indiqué Sami B., vérification avait en réalité été faite auprès d’un avocat que l’achat de place ne faisait courir aucun risque à un interdit de stade.
Dans l’interview que nous publierons cet après-midi, le témoin interrogé par Envoyé spécial minimise cependant l’intérêt de cette séquence, dans la mesure où les IDS sont avant tout éloignés des stades par l’obligation qui leur est faite de pointer au commissariat durant le match. Pour Envoyé spécial, l’intérêt était de vérifier les contrôles aux abords du stade en poussant la logique jusqu’à le faire avec des places au nom d’un IDS — et pas avec un IDS lui-même, ce qui lui ferait courir des risques d’emprisonnement :
Avec ces places au nom d’un interdit de stade, nous allons vérifier si les agents de sécurité du PSG vont nous empêcher d’entrer dans le Parc des Princes.
Si la démonstration liée à l’achat de place par un interdit de stade est donc discutable, le fait que la journaliste avait connaissance de la loi est en revanche indéniable.
(vidéo pierrooooo__ — voir Un steward PSG : « Ta gueule ou je t’en fous une »)
Au final, si Envoyé spécial n’insiste pas sur l’obligation de pointer au commissariat des interdits de stade — qui relativise la démonstration à ce sujet —, on peine à trouver les « nombreuses inexactitudes » censées émailler le reportage. La réponse du PSG prouve en revanche une chose : son agacement envers ceux qui, contrairement au Parisien ou à L’Équipe, ne se contentent pas de relayer la parole officielle sans enquêter.