À l’arrivée de Nenê, Robin Leproux se félicite du transfert en évoquant la tradition brésilienne du PSG. Il n’en faut pas plus à Franck Lenfant et Romain Canuti — oui, ils s’y sont mis à deux pour faire ça — pour pondre un récapitulatif des « dix derniers paris brésiliens du PSG » — en fait, pas du tout [1] —, dont le but est de les présenter comme d’authentiques fiascos. Attention, ça pique un peu les yeux.
Le symbole du recrutement made in Alain Roche. Il fallait un concurrent sérieux à Bernard Mendy. Comme il n’y avait toujours personne au 31 août, le club ouvre ses portes à Cearà, que personne ne connaît. Sa première année se résume à une action, lorsqu’il marche sur le ballon au Parc contre Caen. Dès la fin du match, Sylvain Armand le pourrit devant les caméras parce que, bien évidemment, le PSG a perdu sur cette boulette. Même si sa deuxième année est bien meilleure, on est loin très loin de la Seleçao.
Dès le premier paragraphe, tout le savoir-faire de So Foot est mis en valeur :
d’abord une information erronée : Cearà est présenté comme un inconnu recruté à la dernière minute. En fait, Cearà avait déjà acquis une certaine notoriété huit mois plus tôt lors la finale de la coupe du monde des clubs, lorsqu’il avait muselé un dénommé Ronaldinho. Il était par ailleurs considéré alors comme l’un des meilleurs latéraux du championnat brésilien. Loin de l’illustre inconnu présenté ici.
puis de la malhonnêteté intellectuelle : Cearà a commis une boulette, une seule, lors d’un match — contre Caen. Idéal pour résumer sa première saison, et même toute sa carrière parisienne. Il suffit d’oublier donc son excellent deuxième exercice, ou même son état d’esprit exemplaire, qui fait de lui un des joueurs les plus fiables du PSG actuel.
enfin la perspective qui fausse tout : puisque Cearà n’est pas membre de la Seleção, c’est un échec. Il n’y a pas de juste milieu, pas de joueurs juste bons sans être exceptionnels. Le PSG recrute des internationaux auriverde, ou des merdes.
Toujours pareil. Dernier jour du mercato, Paul Le Guen attend un milieu droit depuis des lustres. Alain Roche, un homme de réseau, fait donc venir deux brésiliens inconnus pour 6 millions d’euros. Plus c’est gros, plus ça passe. Dans la même logique, le moins bon des deux, Everton, déclare à son arrivée : « Je joue dans un registre proche de Robinho ». Même l’effectif se fout de sa gueule. Ils l’appellent Jean-Claude Robigneau, comme le joueur de CFA du coin.
Pas grand-chose à dire, il s’agit effectivement de deux véritables fiascos. Cependant, même si la mise en page du site de So Foot nous apprend qu’Everton est un club de football basé à Liverpool, on s’interroge surtout sur la chute laissant à penser que les auteurs sont vraiment convaincus qu’il existe un joueur de CFA du nom de Jean-Claude Robigneau…
Formé au même club que Raï (São Paulo) et comparé à Roberto Carlos pour son caractère offensif, Paulo, défenseur latéral de son vrai nom Paulo César Arruda Parente, arrive au Paris Saint-Germain à l’été 2002 avec de sérieux atouts en main. Auteur d’un début de saison loin d’être dégueulasse avec notamment un doublé contre Guingamp, le futur joueur de Toulouse paiera le contre coût du jeu des chaises musicales parisiennes et passera en revue tous les sièges du banc des remplaçants. Quatre entraîneurs en cinq ans sous les couleurs de la capitale : ici, c’est Paris !
Cette fois-ci, nos deux rédacteurs se sont montrés très consciencieux. En bons journalistes d’investigation, ils se précipitent sur la fiche Wikipédia du joueur, et en recopient de larges extraits. Sans vérifier quoi que ce soit, puisque la remarque selon laquelle Paulo César a été formé dans le même club que Raí est tout bonnement fausse. Paulo César a fait ses classes au Nacional de São Paulo, tandis que Raí a fait les siennes au Botafogo de Ribeirão Preto — et non au São Paulo FC, où il a fait l’essentiel de sa carrière. Les deux joueurs ont donc en commun d’avoir été formés… dans le même État du Brésil.
Les rédacteurs ont certes pris le temps de paraphraser la fiche Wikipédia de Paulo César, mais ils ne sont pas allés jusqu’à la lire attentivement : ayant été prêté deux années complètes au Santos FC, Paulo César n’a passé en tout et pour tout que deux ans et demi au PSG, et non cinq.
Le bonus sofoot.com : au lieu de dire que Paulo César « participe au bon début de saison du club avec notamment le festival (5-0) face à l’En Avant Guingamp », le site décalé nous informe que le Brésilien est « auteur d’un début de saison loin d’être dégueulasse avec notamment un doublé contre Guingamp ». C’est tout de même beaucoup plus cool, t’as vu.
Attaquant maladroit, il a eu un bon passage, au printemps 2004. Moitié improbable d’un duo d’attaque avec Ljuboja lorsque Pauleta n’est pas là, il accroche la deuxième place. Mais ce qui est bien avec Reinaldo, c’est la légende qui entoure son arrivée : lors de la cession de Vampeta, que le club détenait en copropriété avec l’Inter, Flamengo propose deux attaquants. Paris choisit Reinaldo. L’Inter devra donc se contenter d’Adriano.
Ceux qui ont une mémoire se rappellent que Reinaldo a été bon lors de l’essentiel de la saison 2003/2004, et en particulier lors de la première partie de saison — ce qui exclue donc le printemps… Signalons également que Reinaldo a en réalité plus subi l’arrivée de Ljuboja qu’autre chose, puisque l’improbable duo d’attaque Reinaldo-Ljuboja n’a été aligné que quatre fois en un an et demi.
Enfin, on ne peut que se pâmer devant l’imagination débordante des auteurs, qui font croire que le PSG a eu le choix entre Reinaldo et Adriano. La réécriture de l’histoire est totale. En réalité l’Inter a choisi Adriano et Paris s’est contenté de Reinaldo.
Deux « classicos » PSG-OM, une chevelure de travesti et des dents de cheval auront suffi à Ronnie pour devenir le chouchou du Parc. Seul hic, Luis Fernandez lui reproche sa discipline alimentaire, son manque de rigueur tactique et son goût prononcé pour le sexe tarifé en chambre d’hôtel, si bien qu’il lui préfère Francis Llacer et Stéphane Pédron. Pour info, Ronaldinho est devenu ballon d’or en 2005 avec le FC Barcelone. Un visionnaire ce Luis.
C’est toujours un plaisir de constater la crédulité d’un rédacteur de So Foot. C’en est presque attendrissant. Un reportage de propagande de Canal+ suffit donc à faire office de vérité historique : Luis Fernandez a écarté Ronaldinho par pur sadisme. La réalité est évidemment bien différente. Nous l’avons déjà rappelé, Luis Fernandez n’a écarté Ronaldinho qu’après que le Brésilien s’est accordé une semaine de vacances supplémentaires, sans autorisation, et se trouvait hors de forme à son retour en janvier 2003. Quoi qu’il en soit, Pédron ou Llacer n’étaient pas titularisés à sa place, puisque Ronaldinho jouait alors… attaquant. Le rapprochement « Pédron-Llacer » est tentant — il fait même partie des préférés de tous les Guy Carlier en puissance —, il est juste dommage qu’il soit faux.
Le plus amusant reste tout de même la saillie sur le talent de visionnaire de Luis, puisque s’il est bien un fait qui a rétrospectivement donné raison à Luis, c’est la suite de la carrière du génie brésilien. Tout ce que l’entraîneur parisien lui reprochait — son hygiène de vie principalement — est exactement ce qui fait qu’à 29 ans, la carrière de Ronaldinho — éjecté de Barcelone, critiqué à Milan, banni en sélection — est déjà sur le déclin. Le Ballon d’Or obtenu en 2005 ne peut pas tout camoufler.
Été 2002, à l’hôtel de Ville, Bertrand Delanoë et tous ses guests dansent la samba. Ronaldinho revient de la coupe du monde avec la médaille d’or. Pour l’accueillir, le PSG a chipé André Luiz à l’OM. La meilleur recrue de l’ère Tapie II n’était que prêté par Tenerife. Tout le Parc attend de voir à l’œuvre le nouveau spécialiste des coups francs et des passes enroulées. Évidemment, ça sera un fiasco total.
Un peu de sérieux dans l’océan d’âneries que nous propose So Foot : André Luiz est effectivement un réel échec qui aura énormément coûté au PSG. Évoluant au même poste que Nenê — en moins offensif toutefois —, ce joueur est le seul pour lequel la comparaison a réellement du sens. Bravo les gars, ça fait 1 sur 10.
Été 2001, l’ASSE descend en seconde division après s’être vu enlever sept points pour avoir voulu faire passer ces deux Brésiliens pour des Portugais. Plutôt couillue comme idée. Le PSG de Luis se rue sur l’occasion et s’empresse de faire signer Aloisio pour une dizaine de millions d’euros et de se faire prêter Alex. Le premier restera deux saisons et marquera 14 buts en étant blessé la moitié de son mandat. Mouais. Le second aura à peine le temps de faire la panthère sur la pelouse du Parc qu’il repartira aussitôt l’année suivante direction la case départ. Couac.
Après une énième information bidon — Aloísio aurait été blessé pendant une année, tout en participant à 54 rencontres de championnat en deux saisons, quelle force de la nature —, la sentence de So Foot est sans appel : « mouais ». En exclusivité, voici les prochaines analyses techniques de sofoot.com : « bof », « couci-couça ».
Ce que l’on sait de lui c’est surtout qu’il a été l’un des seuls joueurs de sa génération à avouer son homosexualité. Mais ce que l’on soupçonne moins, c’est que le joueur a aussi été champion du monde 2002 avec le Brésil. Voilà pour le côté glamour. Son passage au PSG le sera beaucoup moins : 7 matches et un seul but (anthologique certes) contre l’AJA. Si c’est de cette tradition dont parle Robin Leproux, les supporters peuvent se délecter à l’avance de la future saison de Nenê.
Vous ne rêvez pas : alors que l’absence de sélection internationale de Cearà était la preuve ultime de son faible niveau de jeu, le fait que Vampeta ait remporté la coupe du monde 2002 est tout simplement anecdotique.
Pour le reste, So Foot passe une nouvelle fois à côté de l’essentiel. Si Vampeta a peu joué au PSG, ce n’est pas à cause de ses performances — globalement satisfaisantes —, mais parce qu’il est rentré très en retard de vacances à l’été 2001 et qu’il a tout de même exigé de s’entraîner avec le reste du groupe, zappant ainsi la préparation physique. Le PSG s’est alors débarrassé au plus vite de ce joueur réfractaire.
L’attaquant symbole de la bonne période de Philippe Bergeroo. Second du championnat en 2000, il claque 16 buts. Discipliné, il va au pressing et joue en équipe. Par contre, il n’est pas, non plus, capable de se transcender lors d’une finale de Coupe de la Ligue contre Gueugnon. Paris en garde un bon souvenir. Notamment parce qu’il a été vendu la saison suivante pour 80 millions de francs à Bordeaux.
L’espace d’un instant, les auteurs ont vraisemblablement oublié l’angle de leur article, puisque Christian est affublé du statut de « bon souvenir ». En revanche, ce qu’ils n’oublient pas, c’est de glisser une énième coquille : leur prose sous-entend que Christian n’est resté qu’une seule saison à Paris, alors qu’il y a en fait passé deux années — la deuxième étant nettement moins satisfaisante.
Arrivé au PSG avec le brassard de capitaine du Brésil sur le bras gauche, Raï aura mis une année entière à s’acclimater au jeu européen. Peu importe puisque le meneur de jeu raflera tout avec le PSG les saisons suivantes. Un championnat de France, deux Coupes de France, deux Coupes de la Ligue et une Coupe d’Europe. Ajoutez à ça une grosse séance de pleurnichage devant la tribune Auteuil en clôture de son dernier match et vous obtenez logiquement le plus grand joueur de l’histoire du club. « Capitaine Raï, Capitaine Raï, Où tu es, Nous sommes là, … ».
Après avoir moqué la tradition brésilienne du PSG évoquée par Leproux, sofoot.com termine donc son chef d’œuvre en nous parlant de Raí, un Brésilien considéré comme l’un des deux ou trois meilleurs joueurs de l’histoire du club. Sans remonter à Geraldao ou Edmilson, le site décalé aurait pourtant pu évoquer deux joueurs plus récents que le pleurnichard : Adaílton ou Cesar auraient certainement pu générer de nombreuses blagues faciles. Il n’y aurait ainsi pas eu besoin de parler de Raí, tout comme il n’y a pas eu besoin de parler de Ricardo, Valdo ou Leonardo, joueurs auxquels Leproux faisait certainement allusion.