Août 2009. La période de transferts touche à sa fin quand l’inéluctable élucte enfin : le Paris Saint-Germain perd son meilleur passeur. La tradition n’est toutefois pas intégralement respectée : Kombouaré ne retourne pas vomir dans la corbeille à papiers de son bureau. Déjà parce qu’avec les trous sur le bord de la corbeille, ça a quand même tendance à ruiner les tapis, et ensuite parce que le nouvel entraîneur du PSG n’a rien fait pour retenir Jérôme Rothen.
Rothen, le mal-aimé
Rendons à Antoine ce qui lui appartient : le coach kanak s’est montré réglo avec Rothen, comme avec tous les autres joueurs sur le départ. Il l’a préparé physiquement, amené en stages, incorporé aux matches préparatoires… Le gaucher parisien a bénéficié d’un traitement de professionnel. Sauf qu’après la reprise du championnat, il n’a pas été une seule fois aligné sur la feuille de match.
Il faut dire qu’en mai, Rothen avait une fois encore ouvert sa grande bouche avant de réfléchir. Une fois de trop. On connaît le personnage : toujours prêt à s’enflammer avant même qu’une allumette ne pointe le bout de son nez rouge. Grossière erreur quand on sait combien le PSG attire les pompiers pyromanes !
Là, c’est une interview donnée à L’Équipe qui grille les mèches blondes du gaucher. Alain Roche et Sébastien Bazin en prennent pour leurs grades, sauf que pas de bol, ce sont justement les officiers les plus hauts gradés de l’armée PSG… Et le soldat Rothen de passer illico en cour martiale, en vue d’une mutation au pays des moutons, des saumons, et d’Alex Ferguson.
Avant même cette brillante sortie journalistique, Jérôme avait mis toutes les chances de son côté. Une brouille avec des supporters grévistes, causée par le jet d’un tract, un début de saison en demi-teinte, et surtout LE crime passible d’excommunication footballistique : Rothen avait osé confier dans son livre qu’il arrivait à Saint Zizou, patron protecteur des amateurs de râteaux et de coups de boule, de jurer sur les terrains de foot. Gasp…
On comprend l’indignation bien-pensante dans les médias… D’où les premiers sifflets… D’où l’effet d’entraînement auprès du quota de bovidés qui peuplent le Parc des Princes au moins autant que les vertes prairies écossaises… D’où, pour finir, un lynchage à chaque fois que Rothen touche le ballon lors du jubilé Pauleta. Le troupeau de supporters de Pauleta plus que du PSG avait condamné sa brebis galeuse.
La dernière chance
Et c’est ce joueur-là que Walter Smith, entraîneur des Rangers, voudrait nous refourguer ? Le gaucher honni du mois de mai ? N’y aurait-il vraiment aucun moyen de l’échanger contre deux barils de Kežman ?
Sauf que depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et certains siffleurs ont sans doute su sortir de ces sentiers battus. Comprendre que posséder au poste de milieu gauche un gaucher sachant centrer sans son chien, cela peut être une bonne chose… Si ces six mois de Sessegnonisme pouvaient avoir suffi à convaincre que non, Rothen ne tirait pas si mal que cela les corners, qu’il défendait finalement plutôt bien sur son côté, et surtout que lui, il savait combiner avec Armand et en tirer des occasions de centrer, alors tout n’aura pas été négatif dans cette expérience de mort imminente.
Mais un autre détail chiffonne certains supporters du PSG. Un malaise diffus en tribunes. Les Parisiens se plaisent à dépeindre un portrait précis du joueur qu’il faudrait recruter : un garçon issu de la capitale ou de sa banlieue, fan du Paris SG dans son jeune âge. Un professionnel expérimenté mais pas encore vieillissant, si possible international, et qui n’ait pas une mentalité de mercenaire. Le footballeur talentueux, qui viendrait jouer à Paris non pas pour l’argent, mais pour le club. Pour rendre service. Un homme dont la fidélité ne saurait être mise en doute lors de chaque mercato, vu que dès le départ il aura privilégié le choix du cœur au choix du porte-monnaie.
Un Parisien qui revendiquerait son amour de la capitale quoi qu’il lui en coûte sur tous les terrains de France. Celui que les tribunes auraient plaisir à soutenir malgré ses excès, tout en se marrant de voir la presse tenter de distiller ses frasques dans le but de faire blêmir les bouseux. Parce qu’ici c’est Paris, et que s’il y a un endroit en France où l’on s’amuse d’être d’insupportables prétentieux qui choquent le plouc, c’est bien là. Le deal était clair : trouvez-nous la perle rare, et on la suivra jusqu’au bout du monde.
Sauf que voilà, ce joueur idéal, supporter du PSG préférant le Parc des Princes à Stamford Bridge en 2004, cet international au plus beau pied gauche de France, nous l’avons eu. Et malgré nos promesses, nous l’avons laissé partir en le traitant comme la dernière des merdes.
Certes, Jérôme Rothen a raté sa dernière saison. Certes, il manque souvent les occasions de se taire. Certes, il roule en Ferrari, affiche un look tape-à-l’œil et sait se montrer indéfendable quand il le veut.
Mais c’est Rothen ! Cet homme a incarné le PSG pendant des années. Pas les plus belles, bien sûr, mais à qui la faute ? Et que serait-il advenu sans lui ? Il a constamment porté le club sur son dos quand l’équipe jouait la relégation. Il n’a jamais trompé qui que ce soit au club. Qu’il soit parfois passé au travers, OK, mais au niveau de l’état d’esprit, il n’y a guère de leçons à lui donner.
Comme récompense, lors de ce qui reste aujourd’hui comme son dernier match sous nos couleurs, les tribunes l’ont conspué ! Cette séparation pue. Elle est indigne, à la fois des services que Rothen a rendus au Paris Saint-Germain, mais aussi et surtout de la mentalité vers laquelle essaye de tendre le Parc. La carrière parisienne de celui qui a préféré le PSG à Chelsea s’est finie dans la honte. Par notre faute, qui plus est !
Et voilà que se profile peut-être une seconde chance…
On n’a pas toujours l’occasion de se rattraper. L’occasion de réparer une erreur, ou une injustice. Aujourd’hui, lui comme nous voyons cette possibilité tomber du ciel. Paris a besoin d’un milieu gauche. Rothen a besoin de nous prouver, et de se prouver qu’il méritait une autre sortie. Sur le terrain. En tant que supporters, beaucoup aimeraient pouvoir rattraper le comportement dégueulasse des clients ingrats qui l’ont conspué dans ce qui ne peut pas rester comme son adieu.
En tant qu’amoureux du PSG, avec ses qualités et tous ses défauts, Johnny Rothen mérite une autre sortie. Offrons-la lui. Parce qu’au milieu de ces mercenaires qui ne voient le PSG que comme un tremplin pour continuer à se remplir les poches à en crever, il serait tout de même dommage de ne pas remercier cet éternel sale gosse d’agir sans calcul, toujours. Et d’être ce qu’il est : un des nôtres. Un vrai connard de Parisien.