C’est au lendemain de la 2e journée de L1, entre une affligeante partie de football virtuel [1] et l’inévitable palette savamment décryptée par Olivier Rouyer [2] que s’est noué LE drame.
Pierre Ménès distribue les bons points
Pourtant, l’ambiance était on ne peut plus décontractée sur le plateau du Canal Football Club. C’est simple : Hervé Mathoux se serait presque cru revenu au temps béni de Téléfoot, youpi. Bon, aux gamins à casquette du club de Saint-Jourlaguin près, c’est vrai. Quant à Isabelle Moreau, elle envisageait de quitter son meilleur sourire forcé, sentant poindre une vilaine crampe dans la joue droite. Hélas, au cÅ“ur même de cette bulle de gaieté si naturelle, c’est par une obscure enquête sur les maillots que le malheur choisit de déployer ses noires ailes.
Chagriné de ne pas être apparu à l’écran lors des 17 dernières secondes, alors qu’en plus Alou Diarra avait déjà eu droit à trois plans serrés sur son visage marqué par la consternation, Pierre Ménès tente ce qu’il maîtrise le mieux : l’intervention mesquine sur un sujet auquel il ne connaît rien. Là , ça donne une remarque expliquant qu’il ne faut vraiment rien avoir à faire de sa vie pour aller manifester à propos d’une simple histoire de maillot. Le tout du fameux ton méprisant que Pierre Ménès aime employer — à condition que Thierry Henry ne soit pas présent dans la salle, bien entendu (voir Canal+, Pierre Ménès et le maillot du PSG).
Les choses auraient pu en rester là , mais pas de chance pour notre Pierrot, quelques supporters s’étant sentis visés ont décidé de venir l’attendre à la sortie des studios de la SFP, à Boulogne-Billancourt. Sans doute histoire de valider la thèse selon laquelle ils ne manquaient pas de temps libre à consacrer à d’insignifiantes tâches.
Ce qu’il y a d’amusant dans cette histoire — en dehors de la contemplation du faciès de l’invité quand il se demande à quelle moment on va lui demander de jongler en imitant l’otarie —, c’est que Ménès est tout de même assez mal placé pour dénoncer la vacuité des occupations de certains supporters. On pourrait imaginer que l’embarras de devoir sa carrière aux panégyriques consacrés à un quarteron de petits pousse-ballon londoniens, cela enseignerait la modestie. Que lorsque votre métier consiste à écrémer les plateaux de télé, sites Internet et autres radios pour gloser sur le transfert de Chamakh qui aura-t-il lieu ou pas, vous éviteriez au moins de la ramener sur le manque de crédibilité que peuvent avoir les passe-temps des autres… Mais non. Ménès continue son bonhomme de chemin en distribuant bons points (aux présents) et piques acides (aux autres). Sauf que là , pas de bol, Pierrot le Flou avait oublié que l’une des particularités du supporter parisien, c’est que justement, il est parisien. Et que certaines personnes visées par l’insultante remarque du chroniqueur n’avaient pas loin à aller pour venir lui répondre. La boulette quoi…
Les hooligans du PSG, une caution bien pratique
Mais rassurez-vous, comme le signalerait un bon rapport de police, l’intégrité physique du journaliste n’a pas été mise à mal par les hooligans désœuvrés susmentionnés. Ouf ! Pourtant, Pierre Ménès n’hésite pas à utiliser cette non-affaire pour la tourner à son avantage, et cultiver son image de journaliste au discours corrosif. Voici ce que l’on pouvait lire dans les commentaires de son blog [3].
Oh mon dieu ! Pierre Ménès attendu par une horde de supporters prêts à en découdre. Des Parisiens sans doute déterminés à agir sournoisement, recourant à la violence en toute discrétion en profitant que Ménès soit seul et sans défense. C’est vrai quoi, si vous voulez agresser un type, vous allez où vous, si ce n’est au pied de l’immeuble qui compte le plus de caméras et de vigiles au mètre carré après l’appartement de Carla Bruni ? Là au moins on peut enfreindre la loi sans risquer d’être filmé / reconnu / balancé à demi mort dans un caniveau par des gars en costard mesurant 3 mètres de haut. Sûr qu’il risquait drôlement de se faire tabasser à cet endroit-là notre journaliste garanti non-aseptisé.
Mais que voulaient-ils au juste, ces fanatiques aux yeux rougis tant par la haine que par la vacuité de leurs stériles existences de hooligans ? Rassurez-vous, Pierre Ménès le révèle sur son blog. Et dans le récit qu’il esquisse, on sent la soif du journaliste qui refusera d’abandonner son enquête tant que les motivations de ces vils personnages n’auront pas été éclaircies. Ménès fait appel à tout son talent de compteur pour dévoiler, enfin, LA vérité. Alors, que voulaient-ils au juste, ces supporters ?
Ah oui, quand même. Ça valait le coup d’être passé par L’Équipe, on sent la marque de fabrique là … Mais poursuivons dans le récit de cet audacieux repli stratégique. Et si après tout, cette affaire ne résultait que d’un malentendu ? Ménès s’explique :
Voilà , on la tient l’explication : Ménès trouvait hier que pour manifester à cause d’un maillot, il faut vraiment être un no-life, et là -dessus les gars, ils viennent « lui faire la peau » ! Conclusion, aujourd’hui, Pierre Ménès en déduit que ce sont vraiment des no-life… ces no-life. Comme quoi la nuit ne porte pas toujours conseil.
On pourrait ici s’étendre sur le fait que l’idée de départ de Ménès n’était peut-être pas la bonne, que ces supporters ayant consacré du temps au combat pour les couleurs du maillot du PSG ne sont pas forcément tous des asociaux passant leur vie à végéter devant le concours de foot virtuel du Canal Football Club. Mais ce serait oublier que Pierrot a raison. Eh oui. Toujours. C’est cruel mais c’est comme ça. Du coup, vous avez tort, et ces supporters n’ont rien d’important à faire de leur existence. Parce que c’est M. Ménès qui l’a dit, là ! Allez hop, maintenant vous circulez, y a plus rien à voir. Tas d’hystériques va.
Vous voyez : ils ont poireauté devant les studios ! La voilà , la preuve définitive que ce sont des tarés capables de recourir à la violence. Faut vraiment relever du crétinisme le plus profond pour attendre un type deux heures et lui expliquer qu’il se trompe. Le tout pour une histoire de maillot ! Des types très belliqueux de partout en plus… Ménès, il est passé à deux doigts de la mort, je vous le dis moi.
Enfin bon, avec ça notre journaliste se sera forgé une réputation de victime de la vindicte parisienne, statut enviable dans le Landerneau footballistique s’il en est. Paris vaut bien une messe, et l’exposition du Canal Football Club une fuite peu glorieuse.
Et si le crétin, c’était Ménès ?
Dans cette affaire, le crétin désœuvré n’est pas forcément celui que l’on croit. Les dernières justifications de Ménès sur son blog de collégien [5] montrent à quel point ce journaliste n’a pas travaillé son sujet.
Comment Ménès peut-il se permettre de railler les actions des Parisiens contestataires, alors même qu’il ne maîtrise visiblement en rien le dossier ? Les acteurs de ce mouvement de protestations le répètent depuis le mois de juin : ils ne remettent pas en cause l’esthétisme du maillot, mais sa représentativité ! Un maillot incarne une identité, au même titre qu’un drapeau national. À qui viendrait-il à l’esprit d’ôter le blanc du drapeau tricolore, sous prétexte que la nouvelle version serait jolie ?
Tout cela a été rabâché. Comment Pierre Ménès peut-il étaler une telle ignorance, des semaines après le début de la contestation ? Tourner gratuitement en ridicule les acteurs d’un mouvement dont on ignore tout cela interpelle. Pour un journaliste, censé se tenir un minimum au courant avant de s’exprimer, cela frôle même la faute professionnelle. Maintenant pour celui à qui il ne manque plus que le bonnet à clochettes pour achever d’incarner son rôle de bouffon, chacun se fera son idée.
Encore une fois, pour un spécialiste auto-proclamé de la chose footballistique, la méconnaissance assumée de Pierre Ménès a de quoi vous glacer les sangs. Le maillot actuel du PSG est effectivement marine et vaguement rouge. Ce qui n’a jamais été représentatif des couleurs du Paris Saint-Germain, ou en tous cas pas depuis 1973 : le blanc doit en effet être présent pour représenter la ville de Saint-Germain-en-Laye. Là , si pour Ménès « le rouge apparaît peu », il oublie de mentionner le blanc qui a carrément disparu… Rien que ça. Mais ça n’est pas bien grave puisqu’en y repensant, Pierrot n’en a « rien à carrer » du maillot.
Finalement, quand on ne connaît rien à un sujet, et qu’en plus il ne vous intéresse pas, le plus sage serait peut-être d’éviter de l’évoquer. Qui plus est en raillant ceux qui non seulement prennent cette histoire à cÅ“ur, mais en plus s’y investissent.
Et voilà , c’était la minute défense du consommateur signée Pierre Ménès. Quelle polyvalence, on le savait expert en cirages et brosses à reluire, mais notre chroniqueur maîtrise aussi le prêt-à -porter ! L’analyse du jour est donc « si ça ne vous plaît pas, ne l’achetez pas ». Ouf, merci M. Ménès pour cette sage leçon de bien-consommer. Nous voilà éclairés pour la journée, et prêts à considérer le monde des produits dérivés d’un autre Å“il…
Mais, dans une astucieuse allusion, le journaliste glisse un scoop. Seuls ses lecteurs les plus attentifs l’auront détecté tant cela s’est fait subrepticement : attention les yeux, en fait tel Guy Carlier et Daniel Riolo, Pierre Ménès a lui aussi supporté le Paris Saint-Germain ! Décidément, si ce club comptait moins de supporters, personne ne le critiquerait jamais… Quoi qu’il en soit, vu le niveau de ses interventions sur son blog, Ménès ne fait rien pour améliorer la réputation d’imbéciles intolérants que se traînent les supporters parisiens.
Enfin là , ces années de supportérisme doivent remonter à des temps très anciens. Parce qu’en plus des couleurs de son propre club, Ménès a oublié pas mal d’autres choses. Le fait que la passion a son importance quand on soutient une équipe. Le fait que si les joueurs défilent, le maillot lui est un symbole qui ne devrait pas varier. Que le marketing et le merchandising sont des carcans que les supporters n’ont pas forcément envie de revêtir. Tout comme le fait que chez certains supporters, le football est davantage qu’un loisir, ou même un gagne-pain, comme pour lui. C’est une flamme qui les anime. Et le fait que non, on n’est pas obligé de bêler à l’unisson des autres moutons, qu’on peut avoir envie d’exprimer son mécontentement, de défendre des valeurs qu’on croit justes, même si un journaliste les déclare ineptes, et grotesques.
Alors faut-il ne pas avoir de problèmes dans la vie pour se consacrer à la défense de ce qui n’est après tout qu’un bout de tissu ? Un symbole. Une idée de son club et de l’amour qu’on lui porte. Nombreux sont ceux qui ont consacré du temps au combat contre ce maillot. D’autres le feront encore, plus tard. Tous ne sont pas les crétins hystériques réduits à l’oisiveté par leur bêtise et leur violence que dépeint le chroniqueur de Canal+. Beaucoup ont un travail, une famille, poursuivent des études et ne connaissent pas que le PSG, même s’il colore une grande partie de leur vie. N’ont-ils aucun problème ? Ne traversent-ils pas d’autres épreuves que la lutte pour ce maillot ? Difficile de se montrer aussi affirmatif que Pierre Ménès… Quoi qu’il en soit, on peut se demander en retour si pour traiter ces personnes comme le chroniqueur de Canal Football Club l’a fait, avec tant de mépris et de dédain, il ne faut pas en avoir soi-même, des problèmes.