Dimanche 16 août, dans son deuxième numéro de la saison, la séquence « La grande surface » revient sur l’actualité de la semaine. Que s’est-il passé « vendredi » ? Réponse : « les joueurs parisiens ont présenté leur nouveau maillot ». Et Canal+ de diffuser avec à peine trois mois de retard (sic) une vidéo publicitaire de Nike.
Mais le plus intéressant arrive plus tard dans l’émission : la rubrique « hors-jeu » propose une enquête sur « les maillots de la discorde ». Hervé Mathoux lance le sujet :
Une enquête fourre-tout
Ainsi posé, le sujet s’annonce intéressant. Las, l’enquête, bâclée, ne tarde pas à mélanger tout et n’importe quoi. On commence avec une banale histoire de maillots refusés par l’arbitre, car dans des coloris trop proches de ceux de l’équipe adverse :
Dès cette courte parenthèse refermée, Guillaume Pivot rentre dans le vif du sujet : les images montrent la manifestation du 24 juin, devant la boutique PSG des Champs-Élysées, pour contre-carrer l’opération promotionnelle du club.
Mais revenons à 2009, et écoutons donc ces supporters « grogner » — car un supporter ne proteste pas, il n’explique pas un point de vue, ne défend pas une position… il se contente de grogner. Julien, le président des Supras :
Fin de l’épisode parisien. On passe au reste du monde :
[…] Le maillot extérieur et le maillot Europe, c’est le terrain d’expression des marques. La cible : les jeunes. Et dans le rayon, le choix est vite fait.
Et le reportage de donner la parole à deux supporters lyonnais au sujet du nouveau maillot extérieur de l’OL, rouge et noir. On voit ainsi un adulte qui estime que « pour des gros matches, à la limite, ça fait vendre et ça nous fait acheter des joueurs », puis un très jeune supporter qui le trouve « pas mal, hein ? »
C’est ensuite Emmanuelle Gaye, porte-parole d’Adidas France, qui explique la démarche des équipementiers :
Après avoir commencé avec un simple problème de jeu de maillot, le sujet aborde donc la question des couleurs sur le deuxième maillot de Lyon, le deuxième maillot de Saint-Étienne et enfin le troisième maillot de Marseille. Or le problème parisien tient précisément au fait que le maillot domicile du PSG ne respecte pas non plus l’identité du club. « Pas touche au maillot domicile, pas touche à l’identité du club », explique la voix off. « Le maillot extérieur, c’est le terrain d’expression des marques », rappelle-t-elle encore. Mais c’est bien sur le maillot domicile du PSG que Nike a décidé de s’exprimer cette saison. Et c’est là tout le problème : depuis des années, Nike s’exprime sur les deuxièmes et troisièmes maillots du PSG, tour à tour beige et rouge, gris, blanc à rayures, noir, chocolat… Sans manifestation d’aucune sorte des supporters parisiens. Ce qui justifie le mouvement de protestation de cet été, c’est que si le deuxième maillot continue d’innover, le maillot domicile est désormais lui aussi un simple tissu tendance, qui ne représente en rien le Paris Saint-Germain et ses couleurs, bleu-blanc-rouge-blanc-bleu. Était-ce si difficile de l’expliquer clairement ?
L’enquête se poursuit avec l’interview parfaitement dispensable d’un joueur :
— Sidney Govou : « Personnellement on ne m’a rien demandé. La plupart des clubs innovent, en trouvant des couleurs un peu flashy, un peu spéciales. Il faut tenter. Des fois ça réussit, des fois ça réussit moins bien. »
Tous les acteurs ayant eu la parole, tous les sujets concernant plus ou moins vaguement le maillot ayant été abordés, il est temps de conclure l’enquête, façon Bisounours :
En prime d’un scoop éventé — le Parisien du 20 juin annonçait déjà un maillot rouge pour 2010/2011 —, Canal+ nous offre donc la conclusion de l’histoire : cher téléspectateur, tout-va-bien. Certes, contrairement à tous les autres clubs évoqués dans le sujet — OL, ASSE, OM —, le PSG jouera cette saison à domicile avec un bout de tissu sans rapport avec ses couleurs, mais rassurez-vous : « tout est question de goût ». Le président des Supras a-t-il parlé en tamoul ?
Pierre Ménès enfonce le clou
Au terme de ce condensé de n’importe quoi, les téléspectateurs n’avaient aucune chance de comprendre les motivations des protestataires. Et cela ne va pas s’arranger : après l’enquête, débat en plateau. L’occasion d’entendre des choses plus intéressantes ? Bien au contraire.
— Pierre Ménès : Oui, t’as vu ça, hein.
— Hervé Mathoux : Pas mal, pas mal. Il est beau ce maillot, ou il est honteux ?
— (brouhaha dans le public)
— Pierre Ménès : (au public) Mais taisez-vous bon sang ! (au présentateur) Moi, par goût, je le trouve plutôt joli. Ce que je trouve quand même incroyable, c’est… Faut quand même vraiment rien avoir à foutre de sa vie pour aller faire une manif pour un maillot de foot, dans la rue. C’est débile. (rires et applaudissements du public) La vacuité… ! Et puis surtout, il faut que ces gens-là se disent aussi qu’ils ont vraiment une grande chance, c’est qu’ils n’ont pas de problème dans la vie. Parce que s’ils en sont juste à aller chialer parce qu’y a pas la bande et que c’est pas le maillot Hechter, argh !
Une énième fois, Hervé Mathoux puis Pierre Ménès s’empressent donc de replacer le débat sur la question de l’esthétisme, alors que c’est absolument hors de propos : répétons-le une nouvelle fois, seule la représentativité du maillot pose problème, il ne s’agit pas de considérations esthétiques (lire Maillots PSG 2009/2010 : les supporters répondent).
Résumons ces trois minutes et quelques d’enquête : pas touche au maillot domicile, mais les deuxièmes maillots inédits, c’est tendance, c’est sympa, ça plait aux jeunes, en plus ils sont jolis ; il faut vraiment être un débile asocial pour ne pas s’en rendre compte. À peine le temps de se demander pourquoi ces fanatiques du PSG continuent encore à s’agiter que Ménès donne la réponse : ils n’ont rien d’autre à foutre dans la vie. Fermez le ban !
Sur son site, Canal+ présente le CFC comme « une émission émaillée d’images, de débats et de divertissement sur chaque journée de championnat avec compétence, humour et dans la bonne humeur ». Pour ce qui est de l’humour et de la bonne humeur, on ne discute pas les goûts personnels. En revanche, question compétence, il reste bien des progrès à accomplir pour ne pas souffrir la comparaison avec un vulgaire France 2 Foot.