Fini le temps où le Paris Saint-Germain vous envoyait une jolie plaquette afin de vous convaincre d’envoyer votre petit chèque de réabonnement. D’ailleurs, fini aussi le temps où le chèque était petit… Mieux vaut ne pas trop y réfléchir, on en viendrait à se demander si le temps où on se laissait encore convaincre de rempiler pour un an ne finira pas lui aussi par voir sa fin approcher.
Pour imaginer ce qui attend les abonnés du PSG dans la saison à venir, il suffit de se remémorer ce qui leur est déjà tombé dessus par le passé. Alors si vous hésitez sur le bord de la falaise, au moment de plonger ou non pour un an de Parc des Princes, demandez-vous si vous êtes prêts.
Prêts pour ces banderoles de contestation contre le nouveau maillot. Ne les avez-vous pas déjà vécus ces matches où il faudrait que chacun en tribune donne son maximum, ces matches que vous traversez en priant pour que le PSG revienne enfin au score ? Là, vous voyez dix ou vingt gars arrêter de chanter et dérouler une banderole géante insultant Colony Capital pour un maillot rayé… Pensez-y, à cette défaite dans un match charnière, à la frustration de se dire qu’il ne manquait pas grand-chose, qu’on aurait dû donner ce supplément d’âme, qu’on aurait pu alors tout changer. Au lieu de perdre son énergie à se plaindre… Revivez-là, la frustration de se voir embarqué dans un combat qui, s’il vous paraît noble aujourd’hui, vous semblera futile un soir de défaite face au Mans. Êtes-vous motivés pour encaisser cette défaite-là ?
Parce qu’un abonnement au Parc vous les offrira aussi, tous ces matches perdus contre des adversaires pourtant méprisés. Ne jouons pas aux hypocrites : recevoir Grenoble ne fait peur à personne. Face au PSG, dans son antre, avec ses Makelele, Hoarau et Sessegnon, non, on ne va pas trembler devant des pauvres Moreira et consorts. Et pourtant, Paris perdra contre ces équipes. Pas toujours. Pas même souvent… mais quand vous arrivez au stade bouffi de la certitude d’assister à une victoire facile, à un jeu brillant et que vous subissez un match fermé par dix défenseurs adverses, qui se termine par un pauvre but en contre… Il suffit d’une fois dans la saison. Quand au moment de quitter votre tribune, c’est à des joueurs qui rentrent tête basse au vestiaire que vous tournez le dos. Des gars qui n’ont même pas trouvé le courage d’adresser un merci. Des gars que ne raccompagnent qu’une poignée de sifflets écœurés tant l’écrasante majorité du Parc ne trouve pas même la force de les huer. Ce sont ces fins de soirées, celles qui voient déambuler une foule silencieuse vers les bouches de métro, celles où une pénombre salutaire vous cache le visage de vos voisins défaits, triste miroir, qu’il faudra affronter.
S’abonner en juin, c’est surtout s’abonner pour janvier. Pour ces matches de la crise hivernale que le Paris Saint-Germain aborde avec des manchettes de journaux dans le crâne. Le match le plus important de la saison. Celui qui peut voir partir Kombouaré. Les clans. Les clashs. Et le froid. Un an au Parc des Princes, ce n’est pas suivre le PSG avec un cadre autour, une télécommande ou un casque à retirer des oreilles. Les pieds vous brûlent en hiver, et le ventre aussi quand vous vous dites que malgré tous vos chants et vos cris et votre peine, vous n’avez servi à rien. On ne suit plus les échecs d’un club. Une fois abonné, on les vit. Et plus rien ne vous protège. Cet entraîneur que vous n’avez pas su sauver, celui-là même dont vous aviez pleuré le but en 1993, il faudra le voir partir. Sous les insultes de quelques pauvres types qui n’étaient sans doute même pas nés contre Madrid…
Cette carte saison 2009/2010, accès AU13 — rang 20 — place 101, elle vous promet des déceptions. Dans une saison, des matches sans gloire, sans joie et sans bon souvenir à emporter, on en a toujours vécu. Ils s’empilent. Ces matches, vous les aurez encore. Mais leur pendant, la victoire incontestée, écrasante ; le titre… Pour eux, rien n’est moins sûr.
Alors à quoi bon renvoyer ce chèque puisqu’il n’y a au fond aucune vraie bonne raison ? Aujourd’hui, 24 juin : recrutement, néant ; valeurs sûres du vestiaire certaines de rester, néant ; ambition légitime au niveau du titre, néant ; sérénité dans le club, néant. Pourquoi choisir de se lier au Paris SG quand à moins d’un petit miracle, il n’a aucune chance d’être champion… Pourquoi ?
Si ce n’est pour l’espoir de vivre ce petit miracle. Mieux, pour forcer le destin et en faire partie, de ce petit miracle.
Dans toutes ces sales promesses, au cœur de toutes les désillusions déjà vécues, gardez-vous encore la conviction que c’est peut-être possible ? Que parce qu’on n’attend pas le PSG, parce qu’il n’y a qu’une chance sur un million, alors malgré tout, ça se tente ? S’il vous reste l’envie de pouvoir dire que vous en avez soupé un an, deux, dix, quinze ans depuis 1994, mais que cette fois-là, quand Paris a repris le titre, vous y étiez. Si vous vibrez encore de l’excitation d’un éventuel trophée à aller chercher, vous, pas grand-chose, tout petit supporter, mais vous quand-même, là, dans votre tribune… alors oui, allez-y. Abonnez-vous.
Alors, un jour, Paris retrouvera sa place. Et vous, vous serez là.