Peu avant la pause, l’association de supporters Grinta Paris vidait son bloc. Quelques minutes plus tard, trois supporters, masqués, déboulaient dans le Virage Auteuil avec une barrière métallique. Descente d’Auteuil rouge, la barrière Vauban était déposée en travers de la fosse, prête à servir d’échelle pour accéder à la pelouse. Mouvement de foule, intervention des stadiers, irruption massive de supporters prêts à envahir le terrain… L’arbitre sifflait la mi-temps et les joueurs regagnaient les vestiaires sans demander leur reste.
Le Virage tangue, les gars de la partie haute de la tribune regagnent les coursives. La rage est perceptible. L’humiliation aussi. La colère, surtout. Comment supporter de voir son équipe menée par trois buts à zéro en une demi-heure ? Puis les minutes passent. Et la seconde mi-temps. Et la fin du match. Statu quo. Trois à zéro. Face à Lorient. Paris brisé, Paris humilié, Paris martyrisé…
Les travées se vident. La fureur a disparu. Le bruit aussi. La seconde période s’est déroulée comme dans ces cauchemars où l’air, grumeleux, vous empêche de courir. Des joueurs au ralenti, des supporters qui reprennent ça et là quelques chants d’insultes avant de se taire définitivement. Les scores des autres équipes n’appellent aucune réaction. La douleur empêche tout. C’est fini. Le couperet est tombé depuis longtemps, chacun le savait, mais là, trois coups de sifflet, ne reste que la souffrance. Et maintenant ?
Les rivières Rouge et Bleu se croisent, à l’ombre du Parc. Chacun rentre chez soi et les premiers mots ne sont pas pour les joueurs. Tout a été dit. Ils ne sont pas pour le coach, ou l’actionnaire. À quoi bon ? Non, dans ces courants emmêlés, c’est une question qui émerge. Très simple, et surtout cruelle. Et maintenant ?
Que faire ? Parce qu’à bien y regarder, il ne reste plus beaucoup de motifs d’espoir aux amoureux du Paris SG. Certes, la première moitié de la saison fut dure. Mais grâce à son un bon départ, Paris restait à portée de tir des places européennes. L’équipe marchait cahin-caha, certes, mais les rares fois où elle s’inclinait, c’était par la plus faible des marges. Il y avait aussi Hoarau, qui allait revenir pour former le duo tant attendu avec Mevlut Erding : le Réunionnais serait la première recrue du mercato, disait-on. D’ailleurs, qui dit première appelle une seconde.
Dans le malheur ou dans la gloire…
Sauf qu’après Lorient… Fini, le mercato ! Hoarau ? Sorti à une demi-heure de la fin sans avoir vu son but validé. Et Paris s’enlise en fond de classement. Et les raisons d’y croire encore jouent les championnes du monde de cache-cache.
Alors, que leur reste-t-il aux supporters du PSG ? La joie d’une possible victoire en coupe de France ? Vue la dynamique actuelle, difficile de se la jouer confiant. L’espoir d’un sursaut des joueurs, d’un coup de fouet du coach, d’un électrochoc dans le vestiaire ? Les moins blasés eux-mêmes n’ont plus la force d’y croire, après cette défaite. Et le poids des rencontres à venir. Seize rencontres, minimum ! Daniel Riolo l’écrivait il y a plusieurs semaines : pour Paris, la saison est déjà terminée.
Sauf qu’il a tort : ces seize matches, il va bien falloir se les goinfrer. Paris est englué dans un quotidien fangeux, avec quatre mois de purge pour seule perspective ! Alors, faut-il abandonner le club ? Puisque la saison serait finie, autant rester à la maison !
Qui le peut, ça ? Non… Il faudra bien y retourner, dans ce stade. Mais pour quoi, au juste ? Puisque l’espoir, la joie et le plaisir ont fuit depuis longtemps. Quelle motivation reste-t-il aux Parisiens, en dehors d’une routine qui les amènerait porte d’Auteuil, continuer à insulter un actionnaire qui se fout de leurs promesses sodomites comme de sa première opération boursière ?
Cherchez, fouillez : devant les supporters, la fin de saison. Sombre. Dessous, le vide. Derrière ? Les regrets, les échecs, un âge d’or révolu qui ne se reconquerra pas juste parce qu’on tape du pied en enfants gâtés. Et là-haut ? Pas grand-chose… Une poussière. Oubliée, laissée dans un coin. Un vestige. Notre honneur de supporters.
Perdu, le titre. Perdue la coupe d’Europe. Perdus les rêves de beau jeu à la Kombouaré, de joueurs transcendés, d’un PSG triomphant. Évanouis les recrues du transferts, les jolis noms. Disparue la confiance, la sérénité et le plaisir. Rien. À part la fierté d’être supporters, il ne nous reste plus rien. Que nos yeux pour pleurer.
Cet honneur, ce dernier trésor préservé des temps anciens, il faudrait essayer de ne pas le détruire, lui aussi. La douleur, on la partage. Mais ne la laissons pas nous aveugler. La tristesse, elle nous accable, tous. Encore faut-il prendre garde à ne pas la voir nous entraîner trop loin. Si les tribunes populaires du Parc devaient se limiter à un océan d’insultes envers notre propre équipe, alors là, là nous aurions vraiment tout perdu.
Que nous puissions encore chanter dans le malheur ou dans la gloire, fidèles à nos couleurs tête haute. Qu’on se laisse au moins ça.