Dans son rapport aux médias, l’ancien entraîneur du PSG la jouait-il perso ? Avant de détailler les avantages et les inconvénients de sa stratégie, avec un gros plan sur le mois de mai, quelques rappels sur le fonctionnement du Breton.
Le rapport de Le Guen aux médias
Parmi les reproches qui sont faits régulièrement à Paul Le Guen, l’un des principaux relève de son comportement en matière de communication. Ce n’est un secret pour personne, l’ancien entraîneur du PSG n’est pas un grand bavard. Il parle peu à la presse, ne fait pas de grands discours, et ne passe pas son temps à expliquer ses choix. Évidemment, ce comportement entraîne une certaine dose de crispation pour les journalistes qui suivent le PSG. Et de fait, cette critique revient inlassablement, certains professionnels de l’information n’hésitant pas à utiliser la fibre démagogique en arguant que Le Guen « se coupe ainsi de ses supporters ».
- Le Guen dans {So Foot}
Précisons d’emblée que c’est en partie faux. Si, en effet, Le Guen ne paradait pas d’émission télé en émission radio et ne plaisante pas avec Paganelli sur Canal+, il assurait en revanche tous les points-presse requis par son club. La seule chose que Le Guen refusait, c’étaient les interviews individuelles. Radios, télévisions, presse écrite et Internet ont donc tous matière à remplir leurs éditions. Les insatisfaits diront que le discours est alors très formel et sans surprise, mais le fait n’est pas nouveau : la langue de bois dans le football ne date pas de la venue de Le Guen au PSG. Deux entraîneurs actuellement adulés, Laurent Blanc et Didier Deschamps, n’en usent pas moins, et personne ne leur en tient réellement rigueur — tant que les résultats sont là. Un portrait de Le Guen paru dans So Foot en avril dernier donne l’explication : trop parler dans la presse finit irrémédiablement par être nocif [1]. Les exemples ne manquent pas : de Luis Fernandez à Alain Cayzac au PSG, en passant par Raymond Domenech pour l’Équipe de France, tous ceux qui ont voulu faire les malins en dissertant face aux journalistes ont fini par le regretter amèrement. On peut évidemment préférer avoir sur le banc du PSG un coach plus exubérant que Le Guen, mais il ne s’agit pas d’être naïf : dès que les résultats iront moins bien, cette exubérance deviendra alors un défaut. Par ailleurs, quand il est arrivé au club, Le Guen a accepté une interview de Canal+. Il s’est retrouvé dans un restaurant sangermanois à écouter les idées reçues de Philippe Lucas pendant une heure. On peut aisément comprendre que, depuis, Le Guen préfère éviter ce genre de mésaventures…
De Luis Fernandez à Paul Le Guen en passant par Guy Lacombe ou Vahid Halilhodzic, tous les entraîneurs passés par le PSG depuis près de dix ans furent respectés en province, voire considérés comme des bons clients par les médias pour certains, et pourtant massacrés par la presse. Que faut-il en penser ? Peut-être que le problème entre les médias et les entraîneurs parisiens ne vient finalement pas que des entraîneurs…
D’autre part, il faut être réaliste : que Le Guen refuse de venir s’expliquer à la radio, ce n’est pas réellement ce qui vexe les supporters. Ce qui importe pour eux, c’est avant tout ce qui se passe sur le terrain. Tout le reste est plutôt anecdotique. Ceux qui en voudront au coach trouveront toujours quelque chose à redire, et vice-versa. Les conférences de presse de Le Guen sont relayées par le site officiel du club et par de nombreux médias, c’est largement suffisant. Et parfois, on a pu y lire des choses intéressantes : en septembre dernier, Le Guen expliquait pourquoi il continuait à titulariser Hoarau, jugé trop tendre par beaucoup d’observateurs ; à chaque fois qu’il intègre un jeune, il explique pourquoi ; il a vanté les retours en forme de Landreau et Céara ; il a expliqué récemment qu’en début de saison, il ne croyait pas en l’association Clément-Makélélé… Ces quelques exemples illustrent le fait que, dans ces points-presse, Le Guen donne aussi des informations — que les supporters peuvent lire sans avoir à allumer la radio ou la télévision. Certes, d’un point de vue commercial, son refus d’accorder des entretiens exclusifs constitue pour les grands médias un manque-à-gagner. De Stade 2 à 100 % Foot en passant par L’Équipe du soir, quasiment toutes les émissions de débat sur le football et leurs journalistes-consultants vedettes ont ainsi eu l’occasion de reprocher à Le Guen son « absence de communication », les journalistes qui y participent se moquant de ce « Le Guen muet », qui « refuse de parler ». Mais il convient de ne pas confondre mutisme et caprice de journalistes. En octobre dernier, dans France Football, Vincent Villa « laissait supposer » de manière très hypocrite que Le Guen « n’a rien à dire » :
Bertrand Marchand, son adjoint à Rennes, propose une explication à la discrétion de Le Guen sur son travail dans So Foot :
En fin de saison, les médias se plaindront du silence des joueurs, Giuly et Makelele compris. Ironie du sort, seul le mauvais élève Le Guen continuera d’honorer tous ses rendez-vous habituels avec la presse. Ce silence médiatique sera d’ailleurs l’objet d’un clash entre Armand et l’essentiel des médias, le défenseur parisien ayant eu l’outrecuidance de parler de sa lassitude face au traitement médiatique infligé au PSG en fin de saison (voir l’article Un joueur du PSG peut-il critiquer la presse ?, qui sera publié dans les prochains jours).
En résumé, si la communication de Le Guen ne vise effectivement pas le grand public, ce n’est pas pour autant qu’il se coupe de ses supporters. D’ailleurs, en fin de saison, le Parisien a interviewé des responsables d’associations de supporters parisiens. Si ceux-ci ne se sont pas toujours montrés toujours élogieux envers l’entraîneur du PSG, aucun des reproches n’a porté sur sa communication externe.
Analyse de ce fonctionnement
Le silence, un plan de communication personnel ?
Paradoxalement, la communication de Le Guen — son refus d’accorder des interviews individuelles et son refus d’aborder certains thèmes, ou de livrer certains secrets — est également présentée par certains de ses détracteurs… comme le signe qu’il joue sa carte personnelle, au détriment du club. Un comble, alors qu’il gardait pour lui certaines vérités qui risquaient de nuire au club, mais lui auraient été profitables…
C’est notamment le cas d’Alain Cayzac, son ancien président, dans le livre qu’il a publié après son départ du PSG :
Celui qui a donné son nom aux vestiaires du Camp des Loges renouvellera cette critique dans les interviews qui ont accompagné la sortie de son livre :
Autre illustration avec cet extrait de l’article de So Foot :
Dans L’Équipe du 13 mai, Jérôme Touboul faisait le même constat, à propos de l’insistance de Le Guen à refuser de livrer le fond de sa pensée à quatre journées de la fin du championnat :
Fin mai, dans l’interview qu’il a accordée à L’Équipe, Le Guen semblait partager en partie cette analyse :
J’ai compris, dès l’été dernier, qu’un désaccord était inéluctable. On m’a obligé à avaler quelques couleuvres. Je l’ai fait vraiment pour le PSG, car j’aime suffisamment ce club pour avoir cette pugnacité. […] Nous étions en désaccord sur des points fondamentaux, sur des hommes, des façons de voir, notamment dans la gestion du club et sa façon d’évoluer, sur les moyens de recrutement. Aujourd’hui, il faut redonner un coup d’accélérateur. Ils disent qu’ils en ont les moyens, tant mieux.
Dans la même interview, Le Guen revient sur l’affaire Mateja Kezman, un exemple de révélation qu’il aurait pu faire en cours de saison s’il avait vraiment voulu jouer sa carte personnelle :
Gros plan sur la fin de saison 2008/2009
Attaqué, Paul Le Guen ne réagit pas
Début mai, malgré la violence et la répétition des reproches qui lui sont adressés — sous couvert d’anonymat — dans la presse depuis plusieurs semaines, Paul Le Guen ne riposte pas. Alors que son départ est officialisé, il continue de répéter l’importance des derniers matches, à ses joueurs comme devant les médias.
Quelques uns des propos de Le Guen devant son groupe rapportés par les quotidiens le Parisien et L’Équipe le confirment :
« L’essentiel, désormais, pour vous comme pour moi, c’est de bien terminer la saison. Pensez aux 40 000 personnes présentes au Parc, pensez aux gens qui aiment le club. »
« Joueurs et entraîneurs, nous ne sommes que de passage, le plus fort c’est l’institution. »
Laurent Perrin, le Parisien du 13 mai
Et effectivement, si Le Guen a répondu d’emblée qu’il ne souhaitait pas s’exprimer sur son départ pour le moment, les questions qui lui furent posées portaient toutes sur ce sujet. Ses réponses, souriantes, sont savoureuses :
— Je me suis dit qu’il restait quatre matches, et qu’il fallait se concentrer sur les quatre derniers matches.
— Question inaudible sur son départ
— On verra ça plus tard. Moi je veux parler… des quatre matches.
— Question inaudible sur son départ
— J’ai envie de vous parler du match du Mans, rien que de ça. Ça peut durer deux minutes, hein…
Jérôme Touboul, L’Équipe du 13 mai
Dominique Sévérac, le Parisien du 14 mai 2009
Fin mai, Le Guen répond finalement
L’accumulation de critiques durant tout son mandat, et en particulier lors du mois de mai 2009, a finalement conduit Le Guen à exprimer son point de vue dans les colonnes de L’Équipe. La réaction, humaine, est largement compréhensible : il est difficile de se faire attaquer sans cesse sans esquisser la moindre réaction. Il n’empêche, pour la première fois, Le Guen a profité de ses derniers instants de haute exposition médiatique pour se défendre, parfois au détriment du club. Plus que le fond des propos, c’est le timing — la veille du dernier match de la saison — qui a fait bondir, à juste titre, les journalistes. Mais s’il aurait été préférable de publier cette interview une fois la saison finie, il y a tout de même de quoi rester perplexe devant des journalistes particulièrement agressifs et remontés à l’encontre du Breton.
Le Guen ayant accordé son interview finale à L’Équipe, Dominique Sévérac est obligé de reproduire dans les colonnes du Parisien les propos parus la veille. Et le reporter d’en profiter pour dresser « le vrai bilan de Paul Le Guen », comme l’indiquait pompeusement le titre. Pompeusement, car en fait de bilan, il ne s’agit que d’un rappel des relations Roche - Le Guen et de quelques piques adressées au Breton :
En ce qui concerne les conséquences de cette inhabituelle sortie médiatique, il n’est pas inutile d’insister sur le fait que les seules critiques formulées par Le Guen dans cette fameuse interview sont adressées à Skropeta, Roche et Bazin, et non à ses joueurs. Ces déclarations ne remettent absolument pas en cause le groupe parisien, que le natif de Pencran continue à protéger. Et ces reproches à l’encontre des dirigeants n’ont aucune raison de démobiliser un groupe professionnel — en tout cas, bien moins qu’une renégociation salariale, un changement d’entraîneur, une rumeur de transfert ou des propos évasifs concernant des « saletés » à nettoyer…
Le Guen est un salaud ;
La communication de Paul Le Guen ;
Le Guen en questions : ses défauts, ses qualités ;
La gestion des coupes en 2008/2009 ;
La tempête de mai 2009 ;
Des clans dans le vestiaire ;
Peut-on critiquer la presse ? ;
Bilan final : Paul Le Guen 2007-2009.