« Virer son président en cours de saison, virer son entraîneur en fin de contrat à huit matches de la fin, tergiverser pour lui trouver un remplaçant, lui ôter tout pouvoir en désignant le capitaine comme interlocuteur des joueurs, et foirer complètement une fin de championnat qui s’annonçait pourtant prometteuse : Sébastien Bazin semble avoir déjà pris la mesure du PSG. » En quelques phrases, les Cahiers du Football résument la situation. Durant les dernières semaines, le PSG a sombré, et dilapidé l’avance qu’il avait sur ses concurrents dans la lutte pour une qualification européenne. Retour sur une fin de saison pourrie.
Un départ annoncé trop tôt ?
Alors que Paul Le Guen répète depuis fin 2008 qu’il n’y a aucune urgence à décider de son avenir, et qu’il est préférable d’attendre la fin de saison pour évoquer ce sujet, la presse s’impatiente dès les premières semaines de l’année 2009. L’Équipe et le Parisien multiplient les articles et les unes sur « la tendance du moment » chez Le Guen et Bazin, les « dernières indiscrétions » et autres rumeurs fantaisistes — Le Guen à l’OM, par exemple —, pour reprendre les termes utilisés par le journal le Parisien. Malgré cette impatience médiatique, tout semble bien parti pour rester en l’état… jusqu’au 3 mai. Ce jour-là, Sébastien Bazin annonce à Paul Le Guen que son contrat, qui prend fin en juin, ne sera pas prolongé. Il ne faudra qu’un peu plus de vingt-quatre heures à L’Équipe pour publier cette nouvelle en une, mardi 5 mai. Le Parisien embraye dès le lendemain, comme toute la presse sportive.
Jusqu’au dernier match de la saison, le grand déballage sera dès lors effectué chaque matin dans la presse spécialisée. Le 13 mai, dans le Parisien, Dominique Sévérac prend soin de se démarquer des propos qu’il relaie. Mais la charge contre Le Guen est violente :
Lors de ces discussions avec Bazin, les joueurs ont joué le jeu et dit ce qu’ils pensent de Paul Le Guen. Pêle-mêle, ils ont stigmatisé ses entraînements, pas assez variés selon eux ; le travail musculaire, trop léger à leurs yeux ; les séances tactiques, trop sommaires à leur goût ; son coaching de match, inefficace pour eux ; sa psychologie des hommes, limitée à leur avis. L’un des éléments consultés par Bazin lui a même livré cet aveu, en conclusion de la liste de tous les entraîneurs qu’il avait fréquentés dans sa carrière (une demi-douzaine) : « Le Guen, c’est le plus mauvais et le moins imaginatif que j’ai connu. » Interrogé hier pour savoir si l’annonce de son départ l’avait changé, l’entraîneur a répondu « non » puis ajouté : « Au quotidien, les séances ont de la tenue. On prépare bien les matches, ça a de l’allure », comme une réponse à distance aux détracteurs de sa méthode. A aucun moment, les joueurs avec qui Bazin s’est entretenu ne lui ont dit : « Ce sera Le Guen ou moi la saison prochaine. » Mais le propriétaire du club a vite compris que, s’il ne changeait pas d’entraîneur, ces éléments clés rechigneraient à continuer sous le même commandement. Dès lors, son remplacement devenait inéluctable. Et ce n’est pas un hasard si le PSG a fait d’Antoine Kombouaré sa piste prioritaire. Des proches de Sébastien Bazin présentent ainsi le technicien de Valenciennes : « C’est un dur. Il fait bosser ses joueurs et il est courageux. » Toute l’antithèse de Le Guen, à en croire le club.
Et tout ça pour quoi ? En officialisant le départ de Le Guen le 5 mai, après la révélation faite par L’Équipe, le PSG a précisé dans un communiqué que « cette décision intervient à ce stade de la saison car le Paris Saint-Germain entame la préparation de la saison prochaine ». Le 1er juin, Sébastien Bazin affirmera n’avoir « aucun regret sur le timing » : « C’était le moment de préparer la saison prochaine. Tous les joueurs partent en vacances. Ils voulaient être certains de savoir qui serait leur prochain entraîneur. C’est une décision qui était réfléchie. » Pourtant, le nouvel entraîneur parisien ne sera intronisé que le 2 juin, soit après le terme de la saison 2008/2009. Avant cette date, Kombouaré n’était qu’un prétendant — avec qui les contacts semblaient bien avancés, le club confirmant le 19 mai avoir engagé des discussions à son sujet —, qui ne pouvait évidemment pas contacter les joueurs du Paris SG. Quel bénéfice cette annonce anticipée a-t-elle donc permis ? S’il s’agissait d’annoncer un nom avant la reprise, le départ de Le Guen aurait pu être annoncé une fois la saison finie. Quant aux joueurs qui veulent partir sereinement en vacances, le nom de leur prochain entraîneur ne fait pas tout, encore faut-il que celui-ci annonce son intention de compter sur eux. L’épisode du vrai-faux départ de Sakho en est la dernière illustration.
Du côté des joueurs parisiens, le bénéfice ne semble pas flagrant. Certains sont au contraire présentés comme troublés : d’après L’Équipe du 20 mai, Sessegnon était ainsi « très affecté par le départ de Paul Le Guen, qui avait beaucoup oeuvré pour son arrivée l’été dernier » et attendait « avec une certaine impatience l’identité du nouveau technicien ». Dans l’une des interviews accompagnant la promotion de son livre, Claude Makelele lui-même a affirmé : « Ce qui s’est passé entre l’entraîneur et le président a un peu déstabilisé le groupe. Ces décisions, ça se prépare. » On attend toujours le rappel à l’ordre de Bazin pour cette critique qui lui est directement adressée… Toutes les autres réactions sont à l’avenant : toujours selon le quotidien sportif, dans son édition du 6 mai cette fois, Walter Butler, dont le groupe Butler Capital est actionnaire à hauteur d’environ 5 %, « aurait confié à son entourage sa totale incompréhension et redouterait que le timing de cette décision nuise dans la dernière ligne droite ». Sur RMC, Raì semble dubitatif : « Je n’ai pas compris que son départ soit annoncé avant la fin de la saison. Ça a sans doute touché un peu l’ambiance parmi les joueurs même si ce n’est pas la seule explication. » Dès le 13 mai, Sylvain Armand exprimait ses regrets, relayés par Reuters :
Le latéral gauche du PSG a développé ces propos sur Europe 1 :
On peut également s’interroger sur un éventuel excès de naïveté de Sébastien Bazin. Bien qu’il affirme assumer le timing, il se serait également plaint de voir fuiter des informations dans la presse : « Il y a quelqu’un qui tuyaute les journalistes dans le club et on va le trouver », aurait-il déclaré… d’après le Parisien du 6 mai. Entre l’annonce de son départ et le déballage — anonyme — dans les journaux, de joueurs se plaignant de leur coach, l’autorité de Paul Le Guen fut clairement amoindrie durant les dernières semaines. Le 19 mai, quelques jours avant le match Valenciennes-PSG, Antoine Kombouaré envisageait dans le Parisien les nuisances que peut entraîner cette situation dans le vestiaire parisien : « Pour Paul Le Guen aussi, ça doit être difficile de maintenir les garçons sous pression. Tout ceci n’est pas sain. » Dans L’Équipe du 23 mai, Degorre raconte :
Le 11 juin, Fabrice Pancrate le confirmera sur RMC :
Autres histoires de fin de saison
« Passez par Claude… »
Après la célèbre sortie de Laurent Perpère dans Le Monde en novembre 2002, c’est au tour de Sébastien Bazin de mettre dans l’embarras son propre entraîneur en cours de saison. D’après L’Équipe, en confirmant le départ de Le Guen auprès des joueurs au Camp des Loges, le président du Paris SG aurait lancé : « Sur ces quatre dernières semaines, si vous avez des demandes ou des problèmes à faire remonter, vous pouvez le faire par le biais de Claude [Makelele], qui se chargera de me les transmettre. » S’il s’agissait de mettre l’entraîneur en porte-à-faux dans son vestiaire, il était difficile de faire mieux. Dans les colonnes de son journal, Damien Degorre commente ainsi cette sortie présidentielle le 25 mai :
Trois jours plus tôt, Degorre racontait la réaction présumée de Makelele :
Le PSG s’est-il autogéré ?
Une thèse ardemment défendue par les anti-Le Guen voudrait que les bons résultats du Paris SG jusqu’en mars 2009 résultent d’une auto-gestion du groupe parisien. Dans son édition du 9 avril, jour de PSG - Dynamo Kiev, L’Équipe distille une précision qui va dans ce sens :
Pourtant, le même jour, le Parisien affirmait le contraire :
Dans sa chronique hebdomadaire sur Les dessous du sport, Giuly confirmait les informations du journal le Parisien :
De même, le 22 mai, Damien Degorre expliquait dans les colonnes de L’Équipe que l’arrivée de Makelele en début de saison « a fédéré et cimenté un groupe en manque de patron, où les clans sont vite apparus ». Mais si seul le numéro 4 du PSG — et non Le Guen — fédérait l’effectif parisien, quelle raison expliquerait alors la déliquescence martelée par le quotidien sportif en fin de saison ? Et pour quelle raison Makelele aurait-il été embarrassé de voir son rôle évoqué par le président dans le vestiaire ?
Les relations orageuses entre Le Guen et Makelele
Très maladroitement, Claude Makelele a publié un livre début mai, dans lequel il égratigne entre autres son entraîneur actuel, Paul Le Guen : « J’ai connu meilleur que lui. […] C’est un entraîneur correct. » Dès lors, la presse multipliera les articles sur la mauvaise ambiance dans le vestiaire, et notamment les mauvaises relations qu’entretiennent Makelele et Le Guen. À en croire les deux hommes, elles n’étaient pourtant pas si terribles.
Le 26 mai, L’Équipe et le Parisien rapportent les propos de Makelele à l’occasion de la promotion de son livre :
Le 29 mai, c’est au tour de Paul Le Guen de dire sa vérité sur les rapports qu’il entretenait avec son capitaine :
— Parce que vous aviez peur ?
— (Il s’agace.) Mais peur de quoi ? Je ne suis pas là pour protéger ma place. Et si j’avais voulu la protéger, comme il était en relation avec Sébastien Bazin, j’aurais dit plutôt bravo, quelle que soit la durée. Sauf qu’il était de mon devoir de faire valoir ce que je pensais. Mais je savais qu’en exprimant un certain scepticisme sur les quatre ans de contrat, cela ne me rendrait pas populaire auprès de certains. […] On lui a menti [à Claude Makelele]. On lui a dit que je ne le voulais pas. C’est faux, et je veux qu’il sache aussi que je suis d’accord avec lui sur tous ses propos. Il a dit que nous avions une relation respectueuse et cordiale. Je suis d’accord. Il m’a toujours rendu la confiance que je lui ai accordée, il me relayait parfaitement dans le vestiaire car nous nous connaissons depuis longtemps. Je l’ai désigné capitaine, nos discussions en tête à tête étaient franches. Ensuite, il a dit que je n’étais pas le meilleur entraîneur qu’il ait connu. Il a raison. Et il a rajouté aussi qu’il n’était pas le meilleur joueur que j’ai entraîné. Il a raison aussi.
Enfin Sébastien Bazin a donné son sentiment le 3 juin, en apportant « une précision qui n’engage que lui », comme tient à le souligner de manière très hypocrite Jérôme Touboul dans L’Équipe :
Bazin répond à Le Guen
Dans son interview de fin de saison, Le Guen a critiqué l’annonce de son départ et cette fameuse phrase de Bazin au sujet de Makelele :
Tardivement — trop tardivement, une fois la saison terminée — Sébastien Bazin est revenu sur ces épisodes Makelele (retranscription Football 365) :
Cette phrase [« Passez par Claude… »] a été totalement sortie de son contexte. Et Paul Le Guen le sait très bien. J’avais demandé aux joueurs de garder du respect envers Paul Le Guen jusqu’à la fin de saison. Parce qu’il le méritait et parce que le club avait besoin de son autorité pour avoir des résultats. Et à la fin, j’ai dit que pour les cas personnels quant à la saison prochaine, les joueurs qui voulaient me joindre pouvaient passer par Claude Makelele. C’est tout. C’était en vue de la saison prochaine et par rapport aux cas personnels. Cela n’avait rien à voir sur l’encadrement de l’équipe et les résultats sportifs. Je suis d’accord pour dire que cette phrase était maladroite, sortie de son contexte. Mais les trois quarts de la discussion étaient au contraire pour laisser à Paul son autorité.
Quand Makelele veut « nettoyer les saletés »
Autre « fait divers » qui a alimenté la chronique pendant de longues journées, une deuxième phrase tirée du livre Claude Makélélé : « Il faut nettoyer les saletés qui restent, que ce soit au niveau des joueurs, du staff technique ou de la direction. Si le PSG veut revenir au top, il doit se débarrasser de tout ce qui est superflu. »
« Depuis qu’elle a pris connaissance de ces propos, une partie du vestiaire parle de plus en plus des « saletés » que le capitaine vise, écrit Damien Degorre dans L’Équipe le 25 mai. Et de moins en moins d’une place en Ligue Europa la saison prochaine. » Multipliant les interviews, le joueur revient sur ses propos, mais de manière tellement confuse que la polémique continue d’enfler au lieu de s’éteindre. Exemple avec le Parisien du 26 mai :
Reste évidemment que le PSG se serait bien passé de ces polémiques à quelques journées de la fin du championnat. D’autant plus que si Makelele a multiplié les déclarations pour promouvoir son livre, il a longtemps été incapable de donner une réponse claire et définitive sur son avenir.
Le Guen est un salaud ;
La communication de Paul Le Guen ;
Le Guen en questions : ses défauts, ses qualités ;
La gestion des coupes en 2008/2009 ;
La tempête de mai 2009 ;
Peut-on critiquer la presse ? ;
Bilan final : Paul Le Guen 2007-2009.