La saison dernière déjà, Paul Le Guen avait adopté une ligne de conduite simple : la priorité va au championnat. Loin de « balancer » les coupes pour autant, l’entraîneur profitait de toutes les compétitions pour faire tourner son effectif. Avec succès, puisque le PSG a remporté la coupe de la Ligue et ne s’est incliné en coupe de France qu’en finale, durant les prolongations. En 2008/2009, le principe est le même. Mais les journalistes spécialisés ont manifestement du mal à le comprendre. Tout au long de la saison, ils passeront leur temps à retourner leur veste, critiquant un turn-over tour à tour trop ou pas assez intensif ; conseillant à Le Guen de faire tourner ou au contraire se révoltant contre une prétendue volonté de ne pas défendre ses chances en coupe UEFA.
Jouer à fond en octobre, mais lâcher en mars
Le Guen est nul, il ne joue pas les coupes
Les critiques les plus virulentes furent énoncées à la radio ou dans les talk-shows télévisés. La presse écrite offrant plus de facilités, c’est le support que nous avons choisi pour revenir sur les divers retournements de veste qu’a occasionné le parcours du PSG en coupe UEFA.
Premier exemple avec le quotidien le Parisien :
Dernier de son groupe, avec un match en moins que ses adversaires, le PSG doit absolument s’imposer pour préserver ses chances de qualification. Le Guen a néanmoins décidé de laisser Giuly, Makelele, Camara et Hoarau sur le banc. Une preuve de plus que Paris ne nourrit pas de grandes ambitions dans cette compétition exigeante pour les organismes et nullement lucrative. […] De là à en déduire que son club fait « l’impasse » sur la coupe UEFA, il n’y a qu’un pas que ses joueurs se refusent à franchir. […] Alors, même si le PSG n’a quasiment aucune chance de la gagner, la coupe UEFA n’est pas dénuée d’intérêt. Pour l’image du club, par respect aussi pour son histoire et les 25 000 spectateurs (dont 3 000 Espagnols) qui iront au Parc ce soir, Paris ne peut pas se permettre de jouer les figurants.
Laurent Perrin, le Parisien du 27 novembre 2008
À la même période, L’Équipe dit sensiblement la même chose :
Régis Dupont, L’Équipe du 28 novembre 2008
Quelques mois plus tard, certains persisteront :
Jérôme Touboul, L’Équipe du 9 avril 2009
Le Guen est nul, il joue trop les coupes
On l’a bien compris, le PSG a tort de privilégier le championnat à la coupe d’Europe ; et c’est d’autant plus scandaleux que cela implique nécessairement une volonté délibérée de balancer l’UEFA. Et pourtant, de la fin de l’année 2008 jusqu’au printemps 2009, on entendra également un autre son de cloche :
Cette absence de vrais choix se retrouve dans la composition du soir. Si l’on se fie au huis clos d’hier, le PSG alignera au City Stadium (sic) au moins quatre joueurs ayant débuté la partie de Rennes dimanche (Landreau, Camara, Makelele, Clément). Ce constat ne pousse pas à dire que Paris ne joue pas la coupe d’Europe à fond même si la poire est coupée chaque fois en deux. A l’arrivée, c’est un casse-tête incroyable qui secoue le cerveau de Le Guen, pris entre la réalité — bien figurer dans le championnat — et la politique — l’indice UEFA et la coupe du même nom pour laquelle le PSG s’est bagarré quand il a fallu se qualifier. Il existait une solution radicale qui n’aurait fait plaisir ni aux supporteurs, ni aux télévisions qui retransmettent, ni à la Ligue : la sacrifier, en alignant deux vraies équipes, une A pour la Ligue 1, une B pour l’UEFA. En le poussant un peu, Le Guen en viendrait presque à l’avouer. En tout cas, il semble y avoir songé : « On essaie de jongler, glisse-t-il. Il n’y a pas de recette miracle. L’UEFA est très exigeante et elle rapporte peu d’argent au club… » Ne pas choisir au fond, c’est un peu renoncer. Le PSG pourrait le payer contre Manchester City et surtout face au Mans samedi. Et la vie est vraiment dure parce qu’un exploit face à City ne se goûterait à sa juste valeur que si le PSG enchaîne avec un succès sur les Manceaux. Il n’y a pas le choix.
Dominique Sévérac, le Parisien du 3 décembre
Finalement, le PSG a décroché à Manchester un point décisif pour la qualification en coupe UEFA, et a battu Le Mans (3-1) quatre jours plus tard.
La logique voudrait qu’il en fasse un, la raison l’incite peut-être à ne surtout rien sacrifier. Si l’on se fie à Paul Le Guen, dont les résultats valident la philosophie, c’est en disputant à fond toutes les compétitions qu’un club tient debout, droit sur son idée directrice. C’est la fameuse dynamique de victoires. C’est ainsi que Paris s’est sauvé la saison dernière en puisant dans les coupes nationales (deux finales au Stade de France) la confiance qui lui manquait en championnat.
Mais aujourd’hui, en Ligue 1, il y a encore mieux que Paris, avec Rennes, un point de plus et une place au-dessus (34 points, 3e). Éliminés de la coupe de la Ligue et de la coupe UEFA, avec un banc quasi similaire à celui de Paris en qualité […], Rennes n’a peut-être pas fait exprès de choisir, mais s’est facilité la tâche sur la route qui le mène à son destin.
Faut-il tout jouer ? On surveillera en fin de saison le classement de ces deux équipes pour avoir un début de réponse.
Dominique Séverac, le Parisien du 6 janvier 2009
Pour la petite histoire, Paris termine devant Rennes en championnat, après avoir été beaucoup plus loin en coupe d’Europe : quarts de finale côté parisien, élimination au premier tour contre Twente côté Breton.
Devant le fait implacable que le PSG restait début février le seul club français encore engagé dans toutes les compétitions dans lesquelles il s’était inscrit, l’opinion journalistique a complètement changé. Ne rêvez pas, ils n’ont pas avoué leur erreur de jugement initiale et n’ont pas reconnu que Paul Le Guen avait très bien géré toutes ces compétitions. Non, dorénavant, jouer toutes les compétitions à fond, c’est mal. Le summum sera atteint avec le sondage du journal L’Équipe le 1er février. La question était la suivante — faute d’orthographe comprise :
Le Paris SG doit-il continuer à jouer sur les quatres tableaux ? [2]
Finalement, on peut légitimement se demander ce que devait faire le PSG et a fortiori Paul Le Guen pour être jugé positivement. La conclusion semblant être que se faire presque éliminer en automne, ce n’est pas bien, mais gagner en hiver, ce n’est pas mieux…
L’histoire ne s’arrête pas là : jusqu’au bout, la presse spécialisée doutera de l’intérêt pour le PSG de poursuivre son aventure européenne.
Laurent Perrin, le Parisien du 12 mars 2009
- Paris doit-il sacrifier l’Europe ?
Si le parcours des Parisiens a semblé bénéfique le 12 mars, la rédaction du quotidien francilien s’interrogera tout de même quelques jours plus tard sur la suite à donner : le 18 mars, une pleine page pose la question « Paris doit-il sacrifier l’Europe ? »
Le lendemain pourtant, Sylvie de Macedo met la pression : « Une élimination ferait désordre » ! On n’ose envisager ce qui aurait été écrit en cas d’échec à Braga…
Ce n’est pas mieux ailleurs : après PSG-OM mi-mars, les commentaires d’Eugène Saccomano et de ses camarades d’On refait le match étaient simples : le PSG a perdu, c’est la faute de Le Guen :
Même topo dans L’Équipe :
Guillaume Dufy, L’Équipe du 17 mars
Damien Degorre, L’Équipe du 19 mars 2009
Plus d’infos : Le PSG doit sacrifier des compétitions !
Le PSG et l’indice UEFA
Qui a rapporté des points à la France ?
L’une des raisons avancées par certains observateurs pour tailler un costard à Paul Le Guen relevait du bien collectif : les performances de chaque club hexagonal déterminant in fine l’indice UEFA de la France, il était légitime d’exiger du Paris SG qu’il privilégie la coupe UEFA aux autres compétitions.
La saison étant maintenant terminée, faisons le bilan des points UEFA rapportés à la France en 2008/2009 : le Paris SG est tout simplement le club qui a rapporté le plus de points à la France. De quoi améliorer l’indice UEFA mis à mal par les dernières prestations des clubs français : en 2008, les meilleurs — Bordeaux, Lyon et Marseille — ne ramenaient que 12 points ; en 2007, Lyon ne faisait pas mieux que 15.
Ce qui n’empêchera pas Damien Degorre de se faire plaisir gratuitement le 31 mai, au lendemain de la fin de saison :
Coefficient UEFA par clubs
Sur les cinq dernières saisons, le Paris SG s’avère être le quatrième club le plus performant en coupe d’Europe, derrière Lyon, Marseille et Lille, mais devant Bordeaux.
C’est toujours le seul club français à avoir jamais terminé meilleur club européen sur une période de cinq saisons. Depuis la création des coupes d’Europe en 1956, seuls 13 clubs différents ont occupé cette place de leader.
Compétitions européennes | P | J | V | N | D | BP | BC | D |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ligue des Champions (C1) | 5 | 40 | 19 | 7 | 14 | 63 | 52 | +11 |
Coupe des Coupes (C2) | 6 | 38 | 24 | 6 | 8 | 66 | 27 | +39 |
Coupe UEFA (C3) | 7 | 52 | 23 | 17 | 12 | 74 | 43 | +31 |
Supercoupe d’Europe | 1 | 2 | 0 | 0 | 2 | 2 | 9 | -7 |
Coupe Intertoto | 1 | 8 | 5 | 3 | 0 | 20 | 3 | +17 |
Total coupes d’Europe | 20 | 140 | 71 | 33 | 36 | 225 | 134 | +91 |
Au total depuis 1970, de tous les clubs français, le PSG possède le meilleur ratio de victoires par matches joués en coupes d’Europe (hors coupe Intertoto et supercoupe d’Europe) : 51 % de victoires, 23 % de matches nuls et 26 % de défaites en 130 matches européens. Paris détient également la meilleure différence de buts (+81), loin devant Monaco (+66), et le cinquième plus grand nombre de matches disputés (130, contre 162 pour Bordeaux).
Qu’ont fait les adversaires du PSG cette saison ?
Afin de mettre en perspective les résultats européens du PSG, il est intéressant de regarder les classements finaux dans leur championnat respectif des différentes équipes ayant croisé la route des Parisiens.
# | Club | Points | J | V | N | D | b.p. | b.c. | Diff. |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1er | VfL Wolfsburg | 69 | 34 | 21 | 6 | 7 | 80 | 41 | +39 |
1er | Dynamo Kiev | 79 | 30 | 26 | 1 | 3 | 71 | 19 | +52 |
2e | FC Twente | 69 | 34 | 20 | 9 | 5 | 62 | 31 | +31 |
5e | SC Braga | 50 | 30 | 13 | 11 | 6 | 38 | 21 | +17 |
7e | Kayserispor | 50 | 34 | 13 | 11 | 10 | 38 | 26 | +12 |
8e | Schalke 04 | 50 | 34 | 14 | 8 | 12 | 47 | 35 | +12 |
10e | Manchester City | 50 | 38 | 15 | 5 | 18 | 58 | 50 | +8 |
12e | Racing Santander | 46 | 38 | 12 | 10 | 16 | 49 | 48 | +1 |
Wolfsburg est champion d’Allemagne 2009. Quand le PSG a affronté Wolfsburg, fin février, les Allemands étaient au coeur de plusieurs séries majeures : 15 victoires consécutives à domicile, et 10 succès de rang au total. Paris s’est imposé à l’aller (2-0 au Parc des Princes) comme au retour (1-3 en Allemagne).
Les Loups finissent invaincus à domicile en championnat : ils n’ont concédé qu’1 match nul pour 16 victoires, et 13 buts encaissés en 17 matches ! Seules deux équipes ont réussi à s’imposer sur le terrain de Wolfsburg cette saison : le Werder Brême (2-5), en quarts de finale de la coupe d’Allemagne, et le Paris SG (1-3), en 16es de finale de la coupe UEFA.
- Indice UEFA des clubs présents en quarts
Lors de la phase de groupes, Wolfsburg avait tenu en échec le Milan AC (2-2), troisième de Serie A, en Italie.
Le Dynamo Kiev est champion d’Ukraine avec 15 points d’avance sur son dauphin, le Shakhtar Donetsk. Le club de la capitale s’est imposé 14 fois sur 15 à domicile.
Twente se classe deuxième aux Pays-Bas, devant l’Ajax Amsterdam et le PSV Eindhoven.
Schalke 04 termine 3e à domicile en Bundesliga, avec 13 victoires en 19 matches.
1er tour aller : Kayserispor 1-2 Paris SG, jeudi 18 septembre
1er tour retour : Paris SG 0-0 Kayserispor, jeudi 2 octobre
1re journée de la phase de groupes : Schalke 3-1 PSG, jeudi 23 octobre
3e journée de la phase de groupes : PSG 2-2 Santander, jeudi 27 novembre
4e journée de la phase de groupes : Manchester City 0-0 PSG, mercredi 3 décembre
5e journée de la phase de groupes : PSG 4-0 Twente, jeudi 18 décembre
16es de finale aller : PSG 2-0 Wolfsburg, mercredi 18 février
16es de finale retour : Wolfsburg 1-3 PSG, jeudi 26 février
8es de finale aller : PSG 0-0 Braga, jeudi 12 mars
8es de finale retour : Braga 0-1 PSG, jeudi 19 mars
quarts de finale aller : PSG 0-0 Dynamo Kiev, jeudi 9 avril
quarts de finale retour : Dynamo Kiev 3-0 PSG, jeudi 16 avril
Nombre de matches disputés toutes compétitions confondues
De tous les clubs de Ligue 1, le Paris SG est l’équipe qui a disputé le plus grand nombre de matches en 2008/2009 :
# | Club | J | L1 | CE | CdF | CdL | TdC |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1. | Paris SG | 57 | 38 | 12 | 3 | 4 | 0 |
2. | Marseille | 55 | 38 | 14 | 2 | 1 | 0 |
3. | Rennes | 52 | 38 | 6 | 6 | 2 | 0 |
- | Bordeaux | 52 | 38 | 8 | 1 | 4 | 1 |
5. | Lyon | 51 | 38 | 8 | 3 | 1 | 1 |
- | Saint-Étienne | 51 | 38 | 10 | 2 | 1 | 0 |
Le PSG est l’équipe qui a disputé le plus de matches officiels cette saison (57), devant Marseille (55), Bordeaux et Rennes (52), Lyon et Saint-Étienne (51).
Le Guen est un salaud ;
La communication de Paul Le Guen ;
Le Guen en questions : ses défauts, ses qualités ;
La gestion des coupes en 2008/2009 ;
La tempête de mai 2009 ;
Des clans dans le vestiaire ;
Peut-on critiquer la presse ? ;
Bilan final : Paul Le Guen 2007-2009.