Dans son édition d’avril 2009, So Foot publiait un article intitulé « Le Guen ou le muet », qui dressait un portrait de l’ex-entraîneur du PSG. Au risque de décevoir certains de nos lecteurs — à commencer par Daniel Riolo [1] —, PSGMAG.NET se gardera bien de dire du mal de ce texte, pour la bonne et simple raison qu’il s’agit d’un travail réellement objectif sur le coach breton. Simon Capelli-Welter et Franck Annese ont en effet interrogé et retrouvé des citations de nombreuses personnes, pour obtenir in fine un avis le plus exhaustif possible sur Le Guen. Ainsi aux attaques et critiques formulées par Jean-Michel Moutier et Marcelo Gallardo répondent des témoignages bien plus élogieux de ses anciens joueurs, d’anciens coéquipiers et de collègues. En résumé, un article honnête comme on aimerait en lire plus souvent, et qui nous servira de point de départ.
Personne n’aime Le Guen
Si ses relations avec la presse sont difficiles (voir Bilan PSG 2008/2009 : Le Guen et la communication), Paul Le Guen connaît également des problèmes en ce qui concerne sa communication interne ; il a d’ailleurs plusieurs fois rencontré des difficultés dans ses précédents clubs pour cette raison. Les relations hiérarchiques ont visiblement souvent été compliquées et, vu le caractère très renfermé du Breton, qu’il ait froissé un certain nombre de personnes n’est pas si étonnant. Qu’il ne veuille pas rentrer dans des guerres d’influences et qu’il refuse d’expliquer ses choix à des personnes qui ne les comprendront de toutes façons pas est tout à son honneur, mais il faut reconnaître que ce n’est pas forcément le comportement le mieux adapté au monde du football.
Dans So Foot, Jean-Michel Moutier — « ex-directeur sportif du Stade Rennais et du PSG, entre autres » — évoquait le fonctionnement de le Guen :
Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas nouveau. Pierre-Louis Basse le racontait dès 1995 dans son livre « PSG, Histoires secrètes 1991-1995 » : dans un chapitre sur la fête suivant la victoire parisienne en coupe de France 1995 dans une boîte de nuit appelée le Niels, Basse oppose Roche le fêtard à Paul Le Guen, buteur du jour.
Le magnum de champagne, offert par Michel Denisot, faisait le bonheur des convives. Alain Roche le golfeur, casquette à l’envers, ne fut pas le dernier à l’honorer. […] Comme un éclair, Paul Le Guen est passé au Niels, préférant s’éclipser de bonne heure. Il ne changera donc jamais le Breton. Solide, attachant, silencieux, droit et dur comme cette roche qui fait de Quiberon l’une des plus émouvantes d’Europe, l’une des plus belles aussi. Vous êtes journaliste, mais vous n’avez pas le numéro de téléphone de Paul Le Guen. Ni vous, ni moi, ni personne. Insaisissable. Il marque un but, et puis s’en va. […] Merci Paulo. Et puisque Le Guen est en effet assez semblable à ces marins que l’on croise au large du Croisic, remplissant leur filet sans vous dire un mot, pourquoi voudriez-vous que Le Guen se mette à exulter au milieu d’une boîte de nuit ? Paul est venu, et c’est déjà beaucoup.
So Foot poursuit :
Au sein de son effectif, là encore, le manque de communication de Le Guen est parait-il problématique. Dans l’article de So Foot, un joueur dit le contraire : Jocelyn Gourvennec raconte qu’il suffisait d’aller trouver l’entraîneur pour obtenir des explications. Et l’on peut aussi s’étonner qu’un entraîneur supposé mal aimé de ses joueurs soit publiquement soutenu depuis l’annonce de la non-reconduction de son contrat par Armand, Sakho, Sessegnon, Rothen, Traoré — qui n’avait pourtant pas hésité à dire publiquement sa déception de ne plus être titulaire — et surtout par Ludovic Giuly (voir ci-dessous). Plus globalement, un entraîneur pourra difficilement être apprécié par les 25 joueurs de son effectif professionnel : il existera toujours des gens qui auront du mal à accepter leur statut de remplaçant — explications ou pas —, qui trouveront qu’ils ne jouent pas au poste adéquat, ou qui n’aimeront pas les séances d’entraînement. Ça s’est toujours vu, et ça se verra encore. En tout cas, la défiance supposée des joueurs à l’égard de Le Guen est loin d’être dramatique : nous sommes à des lieues de ce qu’il s’est passé en 2000 quand les joueurs du PSG avaient clairement lâché leur entraîneur Philippe Bergeroo.
En parallèle, depuis l’annonce de son départ, Paul Le Guen a pu compter sur le soutien public de nombre de ses joueurs ou anciens joueurs. Quelques extraits :
Christophe Revault (le Parisien du 19 avril) : « J’estime beaucoup Paul Le Guen. J’ai joué avec lui [au PSG], travaillé [sous ses ordres] à Rennes. Je connais toutes ses qualités humaines et tout l’investissement qu’il met dans son job. »
Sylvain Armand (AFP) : « C’est quelqu’un que j’apprécie. […] Même critiqué, il a toujours tenu le même discours et nourri des ambitions. Il a fait passer un message auquel le groupe a adhéré. »
Ludovic Giuly (Les dessous du sport, le 7 mai) : « L’équipe doit continuer à se battre pour lui rendre hommage et pour saluer le travail qu’il a accompli avec son staff pendant deux ans et demi. Un an, c’est un peu court pour se forger une opinion définitive sur quelqu’un, mais je n’ai jamais eu de problème avec Paul Le Guen. C’est un bon coach, un mec droit. »
Jérôme Rothen (RMC le 5 mai) : « Il m’a apporté humainement pendant deux ans et demi. Même si ça n’a pas été évident sportivement au début, il a fait avec le groupe qu’on lui a donné. On a vécu une saison dernière catastrophique et ce qui se passe cette année n’était pas gagné d’avance. Personnellement, il a su me redonner la confiance que j’avais perdue sous Guy Lacombe. »
Mamadou Sakho (PSG.fr, le 28 mai) : « D’un point de vue personnel, c’est un homme que je respecte beaucoup. Il a été l’entraîneur qui m’a lancé dans le milieu professionnel. Après, tout le monde a ses qualités et ses défauts, mais personnellement je l’apprécie. »
Stéphane Sessegnon (le Parisien du 14 mai) : « À mes yeux, on doit respecter l’homme et le coach qu’il est en accrochant la Ligue des Champions et en luttant jusqu’au bout. On lui doit bien ça. »
Sammy Traoré (PSG.fr, le 6 mai) : « Je voudrais rendre un hommage à Paul Le Guen pour son amour du club. […] Il a permis au PSG de retrouver le haut du championnat. Mardi, le coach nous a annoncé qu’il ne serait plus avec nous la saison prochaine. Il nous a tenu un discours digne, en amoureux de l’institution PSG, qu’il faut placer au-dessus de tout. »
Mateja Kezman (le Parisien du 16 mai) : « Même si j’ai eu des moments difficiles avec le coach, je n’avais pas de revanche à prendre. Il y a toujours eu du respect entre nous. […] Je sais que c’est une bonne personne. »
Côté supporters, la côte d’amour dont bénéficie Paul Le Guen est difficile à mesurer. Au Parc des Princes comme sur les forums Internet, il y a débat. En ce qui concerne les amateurs de football, en revanche, le soutien semble massif : le 11 avril, L’Équipe interrogeait ses lecteurs : « le PSG doit-il prolonger le contrat de Paul Le Guen ? » 70 % des 78 000 votants ont répondu oui. Le 5 mai, jour de l’annonce de son départ, le quotidien sportif repose la question : « Les dirigeants du Paris SG ont-ils raison de ne pas reconduire le contrat de Paul Le Guen la saison prochaine ? » Cette fois, ce sont 64 % des 95 000 internautes ayant voté qui affichent leur désapprobation à propos de la décision de Sébastien Bazin.
De l’austérité du Paul Le Guen
- Le Guen sourit
- Ne vous fiez pas à cette photo : Le Guen ne sourit jamais !
Souvent caricaturé comme un être froid, austère, qui ne sourit jamais, Paul Le Guen a pourtant offert cette saison en conférence de presse un visage bien différent. Les vidéos des séances de questions-réponses disponibles sur PSG TV, leparisien.com ou encore lequipe.fr sont là pour en témoigner. L’entraîneur parisien y faisait fréquemment preuve de plus d’humour et parfois de légéreté que certains ont bien voulu le raconter. Mais c’est vrai qu’il ne se baladait pas avec un gros chien au Camp des Loges, cela explique sans doute pourquoi, contrairement à d’autres, Le Guen n’est pas parti sous les applaudissements de la salle de presse après avoir pourtant menacé des journalistes…
Avant PSG-OM, Le Guen était interrogé sur le caractère particulier de ce match : « On sent l’effervescence : il y a un peu plus de demandes d’interviews, donc il y a un peu plus de refus », répondait-il dans un grand sourire, accompagné de rires dans l’assistance.
Le 27 février, après la qualification européenne acquise sur le terrain du futur champion d’Allemagne, Le Guen s’amusait des bonnes performances du club parisien, à l’époque deuxième du championnat, encore en lice en coupe UEFA et en coupe de France : « On va finir par avoir un projet de jeu », lance-t-il à l’assemblée de journalistes. Quelques mois plus tôt, le 31 octobre, Bérard et de Macedo écrivaient par exemple : « Paris manque d’un vrai fond de jeu ».
Pour autant, son refus obstiné d’évoquer des sujets qui pourraient nuire au club… finit par être néfaste. À la fois pour lui — d’une part on lui reproche son silence, d’autre part il se prive d’une occasion de justifier ses décisions — et pour le club, l’absence de réponse officielle laissant libre court aux rumeurs.
Le Guen et le recrutement
Un autre reproche régulièrement adressé à Le Guen tient à son recrutement. L’idée qui circule assez allègrement consiste à dire qu’il est un mauvais recruteur. C’est peut-être vrai, mais les exemples présentés ne sont pas réellement convaincants. Dans l’article de So Foot, Bernard Lacombe évoque le fait que Le Guen voulait faire venir Chapuis et Carotti à Lyon. Cela peut sembler effectivement étrange, mais Lacombe s’abstient de préciser les circonstances — ainsi que ses propres échecs de recrutement, très nombreux. En 2004, Le Guen voulait donc recruter Carotti, mais si c’est dans un rôle de joueur d’appoint, cela semble tout de suite moins idiot. Car cet été-là, Bernard Lacombe a recruté Lamine Diatta pour jouer les utilités. Ce joueur est-il réellement au-dessus de Carotti ? Quand bien-même, le football regorge de réussites et d’échecs improbables, il est toujours facile avec le recul de refaire l’histoire.
Récemment, le Parisien présentait en guise de bilan des recrutements de Le Guen au PSG une réussite — Jérémy Clément — et deux échecs — Bourillon et Digard —. Il faut pourtant préciser que Digard, s’il n’a pas été très bon au PSG, a au moins permis au club de réaliser une belle plus-value financière (environ 4 M€). D’autre part, l’honnêteté oblige à attribuer à Le Guen le fait d’avoir recruté Luyindula, Hoarau et Sessegnon [3] ; celui d’avoir voulu prendre Briand plutôt que Kezman ; mais aussi celui d’avoir voulu éviter de prendre les Brésiliens Éverton et Souza. Au final, Le Guen et le recrutement, ce n’est pas si atroce que ça, et il n’y a de toute façon que très peu de recruteurs qui peuvent se targuer d’avoir fait un sans-faute.
Toujours dans So Foot :
L’épisode Kezman mérite un détour. Alain Roche n’ayant pas été autorisé à répliquer, seule la version de Le Guen est connue sur ce dossier. La voilà :
Dans son livre, Cayzac évoque un autre aspect du recrutement de Le Guen : le profil des joueurs recherchés.
Le point de vue d’Alain Cayzac vis-à-vis de Le Guen
Dans son livre-témoignage sur les deux années qu’il a passées à la présidence du PSG, Alain Cayzac est revenu entre autres sur sa collaboration avec Paul Le Guen. L’entraîneur est évoqué à plusieurs reprises, au cours de récits d’événements particuliers ou de bilans qui donnent l’occasion à Cayzac de dresser un portrait du Breton. Toutes ces réflexions permettent de mieux cerner le personnage Paul Le Guen et son fonctionnement, en interne, durant près de deux saisons.
Avant de détailler les qualités et les défauts de Le Guen énumérés par Alain Cayzac dans son livre, un bref rappel des relations entre les deux hommes est nécessaire, qui contribue à mettre en perspective les reproches adressés par l’ancien président du PSG.
La déception d’Alain Cayzac vis-à-vis de Le Guen
Dans son livre, Cayzac énonce ce qui semble être le principal reproche qu’il fait à son ancien entraîneur. Après avoir cité les témoignages qu’il a reçus en mai 2008, il évoque son ancien entraîneur :
Toujours dans ce livre, à l’occasion d’un énième passage sur Le Guen, Cayzac fait le bilan de leur collaboration. Une nouvelle fois, c’est la réaction du Breton après la démission de son président qui semble avoir le plus marqué Alain Cazyac :
Autres reproches
Bien que le portrait dressé par Cayzac soit donc influencé par cette absence de relations entre les deux hommes depuis le départ de l’ancien vice-président d’Havas, les autres reproches énoncés dans « Passion impossible » méritent d’être cités.
Lenteur dans la prise de décision
Il détaille cela plus loin dans le livre :
La gestion des jeunes et des cadres de l’effectif
Remise en cause personnelle
Dans l’interview publiée le 29 mai par L’Équipe, Le Guen évoquait les certitudes qu’il avait en quittant Lyon et plus globalement faisant son auto-critique :
Autres qualités
A contrario, Cayzac rappelle également les qualités qu’il a constatées chez le natif de Pencran :
Le 3 juin 2008, Jérôme Rothen confirmait ces propos dans L’Équipe :
L’ancien PDG du club parisien poursuit :
J’admire son contrôle de soi, sa façon de ne pas accepter de concession à l’opinion publique, de rester toujours lui-même sachant qu’il va s’exposer à des critiques importantes, du style « on ne l’entend pas, il ne dit rien ». J’admire son courage et son autorité naturelle car, dans des circonstances très dures, il a su rester costaud. Je le trouve également brillant lors de ses causeries d’avant-match ou à la mi-temps d’une rencontre. Zéro faute là-dessus. Il a la même assurance vis-à-vis des jeunes joueurs que des plus expérimentés. On peut le trouver lisse, trop gentil, mais non, il n’est pas trop gentil. Il sait élever le ton. Je l’ai déjà vu s’entretenir avec des joueurs et se révéler tout à fait cinglant, mais jamais grossier. Il déteste par exemple parler à un joueur qui regarde ses chaussures au lieu de le regarder, lui. C’est un personnage très respectable à cet égard.
Concernant l’intégrité de Paul Le Guen, on peut également citer un article récent de L’Équipe :
Damien Degorre, L’Équipe du 18 mai 2009
On notera au passage que Degorre dément ainsi ce qu’il affirmait six mois plus tôt avec Jérôme Touboul, dans L’Équipe du 9 octobre :
Le Guen est un salaud ;
La communication de Paul Le Guen ;
Le Guen en questions : ses défauts, ses qualités ;
La gestion des coupes en 2008/2009 ;
La tempête de mai 2009 ;
Des clans dans le vestiaire ;
Peut-on critiquer la presse ? ;
Bilan final : Paul Le Guen 2007-2009.