Certaines équipes nous réussissent mieux que d’autres. Parmi elles, Saint-Étienne s’est patiemment tricoté une panoplie de super-héros de la lose. C’est contre ces Verts que Paris a remporté son premier titre, en 1982. Après avoir mis plus de trente ans à gagner un match de championnat au Parc face au PSG, les Stéphanois ont depuis renoncé à rééditer l’expérience. Il y a trois saisons, ils ont laissé Clément égaliser, alors qu’ils auraient pu nous envoyer en L2. Bref, en terme de bon voisinage, on a du mal à faire mieux que les footballeurs foréziens. Toujours prêts à rendre service au PSG. Mais là, tout de même… ils ont poussé loin la politesse ! C’en serait presque louche.
Parce que s’il est de tradition pour les Stéphanois de ne jamais gagner à Paris, sur le dernier match, quelques détails mettent la puce à l’oreille. Nous aussi on a nos constantes, ces petites règles auxquelles on aime à se raccrocher. Enfin normalement. Comme le tir improbable de 35 mètres en fin de match, seul tir cadré de l’adversaire depuis le début de la partie, et qui va se ficher en pleine lucarne. Ça, en théorie, le PSG s’en est fait sa spécialité. Alors quand Landrin arme sa frappe à un quart d’heure de la fin, on gère sereinement. En plus un ancien Parisien, pas difficile d’imaginer les discussions du lendemain… Et le ballon qui s’envole avant de finir sa course dans les bras d’un steward perché tout en haut d’Auteuil. Bizarre, non ?
Déjà, le fait que l’on ait marqué tôt dans la partie m’avait un peu inquiété. Et ce d’autant plus que c’est Erding qui ouvrait le score. Un buteur parisien qui marque dès la 5e minute de la première journée ? Et les articles sur la solitude du goleador resté muet depuis la reprise ? Les super analyses psychologiques de spécialistes en préparation mentale ? Ça on a l’habitude de gérer, mais là…
Pire : ce premier but, Erding l’a inscrit… sur une passe de Hoarau. Et ce alors même que dans L’Équipe du jour, un article posait la question de la complicité technique entre les deux hommes ! En théorie, si Kombouaré déclare à la presse que ses deux attaquants peuvent s’avérer complémentaires, alors l’un des deux doit se blesser dans la seconde, ou alors les matches suivants ne peuvent que virer à la cacophonie. À la lecture du quotidien sportif, je voyais déjà Erding oubliant Hoarau sur une passe en retrait, Hoarau donnant la balle à droite quand Erding partait à gauche, ou les deux se télescoper sur un corner. Non, là, dès l’entame Hoarau trouvait son coéquipier dans l’intervalle, contrôle, tir, et but. Aïe…
Mais bon, petit motif d’espoir, je me suis dit que ça laissait encore la place au bon vieux match bien fermé, que le PSG domine sans réussir à distancer son adversaire. Je m’imaginais le scénario : un ou deux poteaux, des occases énormes bêtement gâchées, un arbitrage désastreux plus loin, et on attendait l’égalisation foireuse de la 89e minute sur une glissade d’un défenseur. Ou un contre son camp. Classique quoi. Sauf que samedi, Saint-Étienne est revenu au score dès la première mi-temps… Où va le monde si on ne respecte plus les traditions ? Pire, le score ne restait nul qu’une poignée de secondes seulement. Alors même qu’ils dominaient les débats, les Verts se sont fait clouer juste avant la mi-temps. Le truc qui ne nous arrive jamais.
Touche longue de Cearà. Très jolie sur la carte postale, mais pas souvent payante la touche longue. Le Brésilien prend la balle et, au moment où il arme, toujours bien inspiré dans mes réflexions, je me demande depuis quand je n’ai pas vu un but sur une de ses touches longues. En mode « il ferait mieux de les jouer courtes avant de centrer, ça peut pas être pire ». Là, en plus, à cause de la pluie, la balle lui échappe à moitié des mains. Et au lieu de donner une vieille balle moisie qui file en sortie de but pour faire la joie de Christophe Dechavanne et de ses bêtisiers de Noël pour les six ans à venir, le ballon rebondit sur la tête d’un Parisien, puis d’un Stéphanois, avant que Sessegnon ne tente une volée acrobatique.
Déjà, peu crédible. Mais attendez la suite : non seulement le Béninois touche le ballon, mais en plus il l’envoie violemment vers le cadre ! Parce que l’on parle tout de même de Sessegnon, l’homme qui nous avait habitué aux tirs tueurs de taupe, qui roulent vers le poteau de corner au ralenti, comme dans un mauvais rêve. Samedi, c’est la frappe sèche, qui s’écrase sur le cadre… et ressort. Ah bah oui, quand même ! Sauf que le cerveau envoie à peine un ouf, elle sort, à un moment j’ai bien cru qu’on allait avoir de la réussite, et Janot la remettait tout seul dans son but !
Alors OK, on sait bien que ce genre d’actions, ça arrive aussi à tous les gardiens [1], mais au Parc, d’habitude, c’est quand même plutôt sur nous que ça tombe les buts improbables. Du coup, ça fait un peu bizarre. Je ne sais pas ce que se sont dits les gars à la mi-temps, mais moi j’avais perdu mes repères. Le but de Payet, qui ne marque jamais, son contrôle moisi sur lequel Camara et Coupet se jettent, sa frappe dans le but laissé vide, ça, je maîtrise. Mais l’égalisation heureuse dans la foulée… Ça déstabilise, forcément.
C’est comme la rentrée de Batlles : ce gars, il ne marque que contre nous. Il en existe plusieurs des comme ça : Leroy et Moreira font partie de la bande, avant on avait aussi Traoré, ou Govou. À chaque match face au PSG, tu peux être sûr qu’ils en mettent une petite, juste pour déconner. Alors quand Galtier fait rentrer l’ancien Marseillais, forcément tu prévois déjà le petit verre de digestif pour faire passer la pilule… Et rien ne se passe. Bon, Sessegnon retrouve sa frappe de balle de l’an dernier, Nenê loupe le cadre sur une merveille de contre-attaque, je déplie-replie le journal télé pour la cinquantième fois de la partie en mode stressage intensif, mais Batlles ne marque toujours pas. Rien. L’inconnu et le doute.
Jusqu’au débordement de Giuly. Centre millimétré, Erding un peu court. Contrôle de la poitrine de Nenê [2], reprise, et but. Paris mène par trois à un, la rencontre est pliée, et le PSG prend la place de leader.
Merde.
Parce qu’avec notre manque de pot habituel, de commencer le championnat sur la plus haute marche du podium, ça augure rien de bon. Il va bien falloir que notre chat noir se retrousse la fourrure dès son retour de vacances, histoire de remettre de l’ordre. D’ici à ce que ce soit à notre tour de voir les poteaux sortants devenir des Coupet rentrants, ou que les touches longues glissées se muent en autant de passes décisives, il n’y a qu’un pas. Vivement qu’on perde un match bêtement, que ce soit enfin la crise. Parce que là, ce début de saison, ça en serait presque flippant…