Ce qu’il y a de bien avec la L2 depuis quelques années, c’est qu’une fois qu’on y a mis le pied, on ne s’en remet pas. Une petite pensée pour tous les Parisiens qui expliquaient il y a de cela quatre saisons qu’il fallait à tout prix que le PSG descende se frotter aux équipes de Laval et Châteauroux, histoire de se forger le caractère et retrouver de vraies valeurs. À cause d’un but de Diané à Sochaux, les Rouge et Bleu ont loupé le coche, et c’est Lens qui a soufflé la dernière place du train en partance pour le pays des vraies valeurs du football. D’ailleurs, ça semble leur avoir tellement plu qu’ils ont l’air ravis d’y retourner aussi vite. Sans doute l’excitation de se confronter de nouveau au BJN : le beau jeu à la nantaise.
Lille a un bon gardien ; le PSG, non
Pour ceux qui seraient trop jeunes pour avoir subi les commentaires éclairés de Pascal Praud sur TF1, qu’ils sachent qu’on les envie. Déjà parce qu’échapper à l’Attila nantais, celui après qui ni l’herbe, ni les contrôles de balle ni même les passes ne repoussent, c’est une chance. Mais surtout, on les envie parce qu’ils n’ont pas eu à subir la dictature bien-pensante du BJN. Pas une discussion de foot dans laquelle un gars ne s’extasiait tôt ou tard devant le jeu nantais. C’était devenu le point Godwin du débat sur le ballon rond.
Toutefois, parce qu’il y a une justice en ce bas monde, et qu’il s’agit quand même que chaque génération se farcisse son idée reçue, réjouissons-nous de la naissance du petit frère : le BJL. Car depuis samedi, et le nul de Lille à Paris [1] c’est désormais officiel : Lille joue bien. Ou plutôt non, il faut être précis et nuancer le propos : Lille joue mieux ! Même quand ils perdent ou gagnent sur un malentendu. Parce qu’à Lille au moins, il y a du beau jeu. Et puis c’est tout.
Prenons quelques exemples : le gardien de but. Au PSG, nous avons Edel Apoula et Grégory Coupet, venu remplacer Landreau. À Lille en revanche, ils ont… Landreau. Eh bien Landreau joue mieux. Est-ce l’air du nord, enrichi de cette fine brume d’huile de friture, ou une bonification due à l’âge, difficile à dire. Mais quand il était au PSG, Landreau était mauvais [2]. Un peu comme Edel d’ailleurs, débarqué après ce qui a été décrit comme une faute professionnelle : avoir encaissé un but casquette face à Lisbonne. Cette quiche d’Edel avait anticipé un centre portugais, alors que l’attaquant tirait au but. Samedi, face à Giuly, que fait Landreau ? Il anticipe le centre, et plonge récupérer une ou deux pâquerettes pendant que Giuly frappe tranquillement dans le but laissé vide. En voilà du beau jeu à la lilloise. Rajoutez à cela les quatre dégagements de Landreau envoyés directement en touche lors des deux derniers matches de son équipe face au PSG, et vous comprendrez mieux pourquoi Lille mérite son statut d’équipe technique. Parce qu’à Paris en revanche on est trop mauvais vu que Edel a raté un dégagement à Lyon.
Alors vous me répondrez : « Oui mais sur le tir de Giuly, Landreau n’a pas encaissé de but, lui ! » Certes. Car il faut bien reconnaître à Lille une qualité essentielle : contrairement au PSG, ils ont une chance de cocus. Veine que l’on pourra taxer gentiment de réussite, histoire de faire plaisir à ces autochtones grâce auxquels on a pu constater depuis dimanche et leurs trop fréquents passages en interview combien la vie n’est pas toujours facile en ces contrées hostiles.
De la chance ? Non : de la réussite !
Comment ? Ce site de Parisiens ose taxer le beau jeu lillois de coups de bol ? Mais la chance, sur toute une saison, ça n’est pas possible enfin ! Encore un propos d’adversaire frustré, que rien ne vient étayer. En plus il a parlé de brume huileuse, immonde référence à nos baraques à frites, symbole de notre culture locale. Vous allez voir que si ça se trouve ce gars ne s’intéresse même pas à notre trésor national, la fierté de notre gastronomie, notre secret le plus jalousement gardé : la recette de la fricadelle !
Que nos amis Lillois se rassurent : premièrement sur PSGMAG.NET, nous sommes un peu les DSK de la cuisine, et nous militons activement pour que chacun mette en avant sa saucisse le plus souvent possible. Et deuxièmement nous étayons nos propos. Oui, les Lillois bénéficient de ce qu’il faut bien appeler une monstrueuse période de chance.
Prenons leurs stats face au PSG : lors de la coupe de France, deux tirs dans le match. Un but, et un penalty repoussé. Et encore, le premier tir ne devrait pas être comptabilisé puisque Obraniak lui-même avouait qu’il essayait de centrer. Mais ça, c’était avant de voir le beau jeu à la lilloise rentrer en action, et son ballon venir frapper le poteau. Première action dangereuse du match pour le Losc, à la 89e minute, et but. Ça avait tellement chatoyé de partout jusque-là qu’en tribunes, sans doute éblouis par le jeu offensif mais où personne ne tire jamais des Lillois, on aurait pourtant juré que le Losc n’avait pas attaqué du match.
Jalousie venue d’un club en manque de réussite devant le but ? Pas sûr… Depuis que l’on a vu — ou plutôt devrait-on dire « subi » — Gervinho face à Sochaux, difficile de parler de réalisme pour Lille sans sourire. Quand on a un attaquant qui ne parvient pas à cadrer ses frappes depuis les six mètres face aux cages vides, difficile de susciter l’admiration. Dans ces cas, mieux vaut effectivement s’en remettre à la chance, chose que Lille fait désormais sans plus y penser.
Revenons par exemple au match de samedi. Le match grâce auquel le Losc a remporté son titre. Cette fois-ci, deux tirs cadrés = deux buts. De vrais progrès en terme de main-mise offensive vu qu’ils ont doublé leur taux de réussite. On comprend mieux l’extase des fins connaisseurs. Premier but, construction irréprochable. La passe décisive est de Makelele, qui tacle Sow. Obraniak, qui joue bien puisqu’il est à Lille, constate effaré que la balle lui revient dans les pieds. Si ça, ce n’est pas du bel ouvrage, c’est que vraiment, on ne s’y connaît pas. Le second but ? Là c’est autre chose. Après le centre raté qui fait poteau rentrant, et la frappe contrée qui fait passe, Lille présente le tir écrasé qui fait centre. Debuchy décapite la taupe du PSG d’un magnifique tir du droit complètement raté… qui vient finir sa course dans les pieds de Sow. Le pauvre garçon, entouré de trois défenseurs médusés, ne peut éviter de dévier la balle dans le but. À part Gervinho, personne n’aurait pu rater celui-là.
Lille : le fair-play en action
Quant à l’action qui amène ce tir de Debuchy, elle est magnifique. Elle débute à la 46e minute, quand Rami jette sa jambe en opposition à Hoarau. Même si personne n’en parle, les ralentis montrent que le défenseur lillois tend la semelle vers le mollet de Hoarau avec ses crampons. Le buteur du PSG se retrouvait face au gardien, la volonté d’annihiler une action de but sans jouer le ballon est manifeste, le rouge est donc logique. Jallet en a d’ailleurs fait les frais il y a peu. Sauf que là, c’est Hoarau qui est exclu, pour simulation. À ce niveau-là, Guillaume méritait la palme d’or : réussir à simuler la jambe levée de Rami et le coup qui s’ensuit, même Valbuena peut se rhabiller [3].
Félicitons ici les Lillois qui, en plus d’avoir tout plein de beau jeu, un milieu offensif meilleur joueur de la L1 avec ses stats cristiano ronaldesques — sept buts et neuf passes décisives en une saison, que du rêve — et des buts pas du tout chanceux mais autant dus à leur sens du placement qu’au sens du vent, montrent aussi un fair-play de tous les instants. Et pas question ici de parler de Rami, qui lorsqu’il ne passe pas son match les ongles plantés dans le short de ses adversaires a recours à ses crampons dans le mollet, mais de l’ensemble de l’équipe pour sa somptueuse prestation lors de la mi-temps au Parc.
Gageons qu’avec son expulsion, Kombouaré va prendre six mois. Pour avoir traité un quatrième arbitre de « pleurnichard », ce serait bien le minimum. Maintenant combien vont prendre tous les joueurs qui se sont rués sur Lionel Jaffredo lors de l’égalisation du PSG ? Sans même que l’on puisse dire exactement pourquoi d’ailleurs : était-ce parce que Bodmer et Erding étaient en position de hors-jeu et n’ont pas fait action de jeu, ou parce que ces messieurs avaient décidé que dans « deux minutes de temps additionnel, minimum », le mot « minimum » voulait en fait dire « maximum » ?
Comble du lamentable que cette horde de Lillois en train de vitupérer contre l’arbitre. Pouce, pouce, on avait dit pouce parce que nous on voulait que ce soit fini là… Comble du choquant que de voir Rudy Garcia perdre tout contrôle de lui-même, et hurler sur l’homme en noir. Comble de l’écœurant que d’entendre ses mots, tentés de sourdes menaces envers le corps arbitral : « Vous vous êtes mis dans la merde tous seuls. » Dans quelle situation l’arbitre s’était-il mis ? Jusque-là, il n’avait fait que respecter la règle, et l’esprit de la règle. Si Landreau n’avait pas simulé une grotesque blessure, il n’y aurait pas eu trois minutes de temps additionnel. Si les Lillois avaient eu un minimum de décence, ils ne se seraient pas comportés comme des voyous, mettant la pression sur l’arbitre jusqu’à ce qu’il craque.
Mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Sauf que depuis Lyon, ou plutôt depuis les périodes Bordeaux-Marseille des années 1980 en fait, on accepte sans sourciller que les leaders de la L1 s’autorisent à arbitrer eux-mêmes les rencontres. Tant que ça ne dérange pas les journalistes qui préfèrent s’offusquer de haies d’honneur faites ou pas faites avant et après la rencontre… Du moment que l’on peut dire Lille a un beau jeu offensif, même s’ils ne tirent pas au but, tout va bien.