Non, le PSG ne s’est pas fait voler hier soir. Pas la Ligue des champions, car même en cas de victoire face à Nancy, la défaite lyonnaise de mercredi n’assurait pas aux Parisiens l’assurance de rester sur le podium fin mai. Paris ne s’est pas non plus fait voler les trois points. Après tout on ne sait pas si à onze contre onze, ou avec le but de Nenê refusé bien que valable, Paris n’aurait pas sombré tout de même. Et ce penalty non sifflé sur Hoarau dans le temps additionnel, pourtant évident, le PSG l’aurait-il marqué ?
Reste le sentiment d’inachevé, de frustration. Parce que jamais, après la vingtième minute, nous n’avons eu l’occasion de lutter à armes égales avec Nancy. Bérenguer a beau jeu de dire que désormais, on sait ce que valent les Lorrains. Qu’ils ont du cœur… Non, on n’a rien vu du tout, puisque Olivier Thual a cru bon, en appliquant le règlement à la lettre, de priver les acteurs d’un match disputé à onze contre onze. Il y a des règlements qu’il faudrait avoir l’intelligence d’amender, pour éviter que ne se reproduise ce type de double peine, condamnant un club pour une faute grave, certes, car dans la surface, mais certainement pas méchante.
Nous voilà donc face à un arbitre qui se borne à faire son métier comme décrit dans son petit manuel, tout à fait comme il faut. Tant mieux pour lui s’il ne se pose pas plus de questions que cela pendant ou après un match. Puisqu’il suit la règle avec la bonne conscience de l’employé du mois, il doit très bien dormir la nuit. En tous cas, une chose est sûre, côté parisien, personne n’a de raison d’avoir honte de sa prestation.
Jallet ne doit pas se sentir coupable. Certes, répétons-le, il y a faute. Émoussé par la multiplication des matches cette saison, le latéral droit paraissait peu en jambes ce mardi. Débordé, il touche son vis-à-vis. Dans des circonstances analogues, ni l’arbitre de Monaco-PSG pour la faute sur Chantôme, ni Olivier Thual avec la faute sur l’action qui précède le penalty, n’ont cru bon de rendre justice au Paris Saint-Germain. Là, il s’est soudainement souvenu où il avait rangé son sifflet et a cru bon ensuite d’expulser l’ancien Lorientais… Mais vus les services rendus cette saison, vue l’insignifiance de la faute et vu le prix qu’il lui en coûte, Jallet n’a aucune raison d’avoir honte. Et tous ses coéquipiers en ont encore moins que lui.
Parce que si à la sortie du Parc des Princes c’est l’abattement qui prédominait, pas une critique n’a visé un joueur de la capitale. Que dire de Clément, parfois si décrié ? Le pauvre garçon a terminé la rencontre épuisé, incapable de faire une course de plus. Certains supporters, si possibles ventrus, se plaisent parfois à lancer des remarques bien stupides : « Si j’étais payé comme lui, je le mouillerais mon maillot. » Là, après une heure et quart de courses, de replacements, de tacles, de montées et de sprints, on aurait pu lui proposer un plein baril de pétro-dollars. Ce n’était plus la tête, et encore moins son porte-monnaie qui faisaient avancer Jérémy Clément. Depuis bien longtemps d’ailleurs… Son cœur seul lui intimait l’ordre de poursuivre encore. De dépasser les crampes, de livrer une dernière action, d’offrir un tacle… Les ressources, Clément est allé les puiser tellement loin qu’il a fini vidé de tout. De forces, de courage, de lucidité. Arrivé au stade où la tête fait mal, où l’estomac se crispe et manque vous faire vomir, où le terrain semble onduler sous les crampons, Clément a bien dû comprendre que Kombouaré le sacrifiait. S’il est resté jusqu’au bout, c’est que Jérémy Clément ne jouera pas la finale de la coupe du France. Il l’a compris, comme tout le stade l’a compris au moment de la sortie de Chantôme. Et pourtant il a continué à faire honneur à ses couleurs. Jusqu’au bout. La souffrance. La déception. Jusqu’à la fin.
Peut-être Clément ne sera-t-il même plus Parisien l’an prochain. Pourtant, quand il reviendra fouler la pelouse du Parc sous un autre maillot, nous pourrons le saluer avec respect. Ce joueur de football que certains aimeraient davantage porté vers l’avant, d’autres plus technique ou plus rugueux, plus ambitieux ou plus tricoteur, on ne pourra jamais lui reprocher d’avoir manqué de courage sur un terrain, ou de s’être caché, d’avoir fait passer son image avant celle des autres. Clément est un bon joueur de football. Et il a montré contre Nancy que c’était surtout un grand monsieur.
Comme tous ses coéquipiers. Car le sacrifice, le don de soi, tous l’ont fait. Erding, qui revenait défendre à 80 mètres du but adverse pour prêter main forte à son jeune coéquipier, Landre. Hoarau, merveilleux distributeur du jeu en pivot, qui se mue en tour de contrôle de la défense sur coups de pied arrêtés. Hoarau d’ailleurs inexplicablement privé d’un penalty évident dans le temps additionnel. Giuly, sorti dès la demi-heure de jeu sans montrer le moindre signe d’agacement. Nenê, auteur d’un coup franc admirable en fin de match, mais aussi de tant de montées rageuses. Camara et Sakho, qui montaient encore après avoir repoussé une heure de vagues en sous-nombre. Et Tiéné, effondré, en larmes peut-être, au coup de sifflet final. En un an au PSG, ces garçons ont tant vécu, tant donné… L’Ivoirien, dont on sait qu’il traverse des épreuves tellement plus douloureuses que ces histoires de cartons rouges conformes à la loi, effondré malgré ses centres, son abattage, ses courses. Prostré de n’avoir pu donner plus encore.
Il n’y a pas de honte à avoir. Ces garçons se sont battus envers et contre tout. Ils se sont montrés dignes de notre maillot. Dans l’adversité, et la déception, le Paris Saint-Germain a montré une classe remarquable. De haut en bas. Le président Leproux, le diable en personne, a d’ailleurs su composer un visage honorable. Nous l’avons suffisamment critiqué ici pour ne pas avoir le droit de le complimenter. Sa décision d’écarter les joueurs des micros était la bonne. Certains auraient dérapé. Il les a protégés, et s’est exposé à leur place. Pas facile après un tel match. D’autres auraient simulé une crampe à l’estomac et un violent mal de tête pour mieux se cacher. Leproux lui n’a fuit ni dans ses actes, ni dans ses mots. Ce qu’il fallait souligner l’a été, sans effusion, sans trémolo, sans comédie. Et surtout dans une certaine dignité.
Tout comme Kombouaré a su se montrer digne de son statut. On lui reprochait son caractère instable, certains se sont même complus à le décrire comme violent, voire incontrôlable. Pendant que son homologue nancéien se perdait en de laborieux petits comptes d’erreurs ou de contre-erreurs arbitrales, Casque d’or a inondé la conférence de presse de sa classe. Face à la mesquinerie, le premier d’entre les acteurs historiques du grand PSG a offert un magnifique reflet. Tellement plus haut…
Pourtant, tous ceux qui le connaissent savent ce qu’il pouvait ressentir. Revoyez sa conférence de presse : ses gestes le trahissent. Il écarte les bras, martèle la table. Les chocs sourds agitent le micro. La haine de la défaite, la rage de ne pas avoir pu disputer cette partie avec tout son groupe, la fureur de ce qu’il ressentait sans doute comme de l’injustice, tout est là. Mais pas une parole agressive, pas un jugement ni une plainte. Tout ce que les amoureux fous du PSG ont pu vivre lui courait sous la peau. Toute cette souffrance, cette incompréhension, Kombouaré l’avait en lui. La tension dans la voix. Le regard qui ne dit pas les mêmes mots que la bouche. Sa rage était partout. Mais contenue. Il est resté maître de lui, de son discours, rappelant les vrais objectifs. Rappelant ce qui compte désormais.
Oui, le PSG n’a pas pu gagner ce match-là. Mais il y en aura d’autres. D’autres victoires à aller chercher.
Un point d’avance si on avait battu Nancy, contre un point de retard, là… Mais Lyon n’a pas encore gagné tous ses autres matches. La fatigue d’une partie jouée à dix, la déception qui pèse plus encore sur les têtes que dans les jambes. Mais Lille n’a pas encore soulevé la coupe de France. Il reste des chances. Petites. Infimes. Mais il reste des occasions de porter le PSG au sommet. Des combats à mener, en rouge et bleu.
Comptons sur Kombouaré, et sur nos joueurs pour ne rien lâcher. Face à Nancy, ils nous ont rendus fiers. Fiers d’être Parisiens. Cela ne changera pas. Il faut battre Lille.