Interview réalisée vendredi 16 octobre 2009.
Première partie : les Cahiers passés au crible — le journal, le site et le forum —, et leur sentiment sur la presse sportive en général.
Deuxième partie : la critique des médias, les journalistes.
Troisième partie : la médiatisation du PSG et de ses idées reçues
Quatrième partie : le Ballon de Plomb de Bernard Mendy.
Étant d’accord sur l’essentiel en ce qui concerne l’analyse du traitement médiatique du PSG, nous avons axé cette partie de l’entretien sur des pierres d’achoppement : l’utilisation dans les Cahiers de certaines idées reçues sur le Paris SG, et plus généralement les fondements de ces clichés. Compte tenu de nos partis pris, cet aspect de l’interview s’est plutôt transformé en dialogue… Certaines de nos interventions sont donc « reformulées » en questions qui permettent de saisir le sens de la discussion.
Des clichés sur le PSG jusque dans les Cahiers
L’une des raisons d’être de PSGMAG.NET est de démonter, preuves à l’appui, les idées reçues qui fleurissent jour après jour dans les médias à propos du PSG : le PSG perd souvent contre des clubs amateurs, le PSG est un nid de psychopathes, le PSG est un repaire de fachos, le PSG est protégé (Frau, Yepes, Fiorèse, le CNE, déclarations, Luis), etc.
Le numéro de septembre 2004 des Cahiers du Foot, notamment son encadré intitulé « les clichés sur le PSG » (voir plus bas), est une illustration de la banalisation de ces idées reçues, jusque dans des publications atypiques comme les CDF. La satire explique-t-elle tout ? Nous avons interrogé Jérôme Latta.
Si nous souscrivons à 95 % de vos analyses sur le PSG et son traitement médiatique, il nous semble tout de même que vous contribuez également, dans d’autres articles, à entretenir certaines idées reçues sur le club. Comment réagissez-vous à ce sentiment ?
Pour ce qui est des stéréotypes sur les clubs, chez nous, il y a tout le côté satirique qui donne naturellement dans la caricature, dans la mise en scène de ces stéréotypes-là. Ce n’est donc pas à prendre au strict premier degré, mais c’est vrai que nous allons jouer avec … Un peu comme les Guignols : on joue sur le caractère supposé de telle ou telle personnalité et on force le trait. Donc sur l’aspect humoristique-satirique, on va parfois utiliser certains stéréotypes. Après, pour « le PSG club de fachos » par exemple, je ne pense pas que nous ayons vraiment donné dans ce stéréotype-là, et en tout cas je trouve parfaitement légitime d’être ulcéré par les amalgames systématiques qui sont faits sur le PSG et sur ses supporters. Dans l’affaire de la banderole par exemple, nous avons été très clairs, quitte à nous exposer aux critiques de certains de nos propres lecteurs disant en substance que « si, c’était grave ». Nous avions vraiment fustigé cette indignation complètement grotesque, disproportionnée, moralisante à laquelle avait donné lieu cette banderole.
C’est vrai, mais encore une fois, sur l’analyse nous sommes rarement en désaccord. C’est sur le reste… Prenons l’exemple du numéro de septembre 2004 : dans les encadrés, on peut lire différents clichés censés « avoir un fond de vérité » comme le fait que le PSG encaisse des buts de ses anciens joueurs ou qu’il soit un repaire de fachos… [1]
C’est vrai, là, on verse dans une petite facilité, même si tous ces clichés sont des composantes réelles du club… qui sont effectivement grossies démesurément. C’est aussi un jeu avec des lecteurs qui ne sont pas dupes. Et il me semble que même dans les contenus humoristiques, nous évitons de recourir aux clichés que nous dénonçons par ailleurs.
« Le problème des stéréotypes, c’est que ceux qui en sont victimes ont tendance à les entretenir. »
Au-delà des Cahiers du Foot, c’est la généralisation de ces idées reçues sur le PSG qui nous interpelle. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Là dedans, il y a une part d’hypersensibilité du supporter qui est difficile à réduire. On a beau avoir du recul… Surtout sur les stéréotypes, surtout sur les idées reçues serinées en permanence, qu’on a beaucoup de mal à supporter, y compris et surtout peut-être parce qu’elles ont une part de vérité. Typiquement, tu pourrais être supporter lyonnais et entendre en permanence que ton club n’a pas de passion. Tu imagines comme cela peut être lourd : tu as beau être aussi passionné que n’importe qui, on va te renvoyer « Ton club n’a pas de passion ». Je pense qu’il faut prendre son parti à la fois de sa propre hypersensibilité, et des stéréotypes qui inévitablement vont se perpétuer. Mais oui, j’avoue qu’on manipule parfois des stéréotypes… C’est aussi un ressort humoristique, comme dans les sondages idiots.
Les sondages idiots ou les vignettes ne posent aucun problème, le format est différent. Encore une fois, vos analyses sont très justes, mais même parmi vos lecteurs on a l’impression que certains retiennent surtout les blagues et le côté « PSG comique préféré des Français »…
Il y a une part de responsabilité du PSG lui-même, de ses supporters aussi, d’un peu tout le monde. C’est comme Marseille, comme Lyon, il y a quand même une capacité des « grands clubs français » à tendre le bâton pour se faire battre et à verser dans l’autocaricature. Le problème des stéréotypes, c’est que ceux qui en sont victimes ont tendance à les entretenir. Pour notre part, nous prenons le football très au sérieux tout en le tournant en dérision… Il faut se rappeler que c’est du football : beaucoup de cirque, de guignolades. Il y une concentration invraisemblable de crétins dans le football, à tous les niveaux — sur la pelouse, dans les tribunes, partout —, et surtout des crétins qui ont la parole, qu’on voit ou qu’on entend beaucoup. Il y a quand même une quantité incroyable de vaudevilles, de choses scabreuses qui prêtent à moquerie. Du coup, on ne peut pas être, pas plus les Cahiers du Football que les autres, totalement équitables, on peut pas être justes tout le temps. En général, les articles écrits sur les clubs sont écrits par des supporters des clubs en question, et ce sont souvent eux qui ont la dent la plus dure. Au point que nous avons souvent reçu des mails de supporters ulcérés qui pensaient que les auteurs de tel ou tel article étaient des ennemis jurés de leurs clubs, alors que c’étaient des supporters invétérés…
Dans quelle mesure cet argument est-il convaincant ? Guy Carlier se présente bien comme un supporter du PSG…
C’est vrai, ce n’est pas non plus une explication. Mais au moins, cela indique que ça ne procède pas d’une intention malveillante vis-à-vis du club, même s’il y a un côté autodestructeur chez les supporters, en particulier du PSG. Je reconnais que nous véhiculons, reprenons ou nous amusons de quelques stéréotypes en vigueur, y compris au risque de les entretenir. Mais là encore, c’est un peu comme le reproche que nous traiterions trop d’Aulas, de Larqué, de L’Équipe : ce n’est pas nous qui avons commencé.
Évidemment il y a une part de vérité, quand le PSG perd un match, qu’un président est viré ou que 15 fachos se font entendre, le point de départ c’est bien le PSG, ses dirigeants, ses joueurs ou ses supporters. Mais quand ce sont des événements qui se passent partout ailleurs, dont on ne parle quand quand ils se produisent au Paris SG, et qu’on ne trouve drôles que lorsqu’ils arrivent au PSG, ça change totalement les données du problème.
Tu as parfaitement raison, mais pour l’aspect satirique des Cahiers du Football je revendique le fait que nous versions, mais plutôt marginalement, dans la caricature. Il me semble que quand nous traitons du fond, là où il est vraiment important de retrouver un point de vue équilibré ou argumenté, et de se démarquer des stéréotypes et de la pensée unique en vigueur partout ailleurs.
Changer l’image du PSG
Plus généralement, les clichés sur le PSG — le club en général, ses dirigeants, ses joueurs ou ses supporters — sont-ils appelés à perdurer ?
« Est-ce qu’on rigole tant de la taupe au PSG parce qu’il y a une taupe ou parce que c’est le PSG ? »
Avez-vous une recette miracle pour faire cesser ces idées reçues sur le PSG ?
Il faudrait que le PSG, comme d’autres clubs, fasse sa révolution.
Vous considérez donc que c’est le PSG le point de départ ?
C’est difficile à trancher, mais pour changer la façon de voir le PSG, oui, je pense qu’il faudrait que le PSG change lui-même. Je pense que le problème est le même à Lyon et à Marseille. Le regard sur l’OL changera le jour où il gagnera une p… de demi-finale européenne avec un match épique qui nous fera tous vibrer, et quand Aulas arrêtera d’apparaître comme un mauvais perdant, un mauvais gagnant, acariâtre, obsessionnel, etc. Ce n’est pas impossible. On continuera peut-être à dire « à Lyon il n’y a pas de passion », mais ces stéréotypes auront beaucoup moins de force. Là, il faudrait parler du PSG en lui-même, donc il faudrait plusieurs jours, mais l’instabilité institutionnelle du PSG depuis dix ans est réelle. Après, il est difficile de savoir si on rigole tant de la taupe au PSG parce qu’il y a une taupe ou parce que c’est le PSG [2]. C’est un cercle vicieux, l’attention sur toujours les mêmes aspects du club, au détriment d’autres aspects, tend à être confortée par ce genre d’événements, c’est ça le drame. Mais ça change. Par exemple, l’idée reçue selon laquelle le PSG n’exploite pas le vivier de jeunes joueurs de l’Île-de-France tend à changer, simplement parce qu’ils font un meilleur travail au centre de formation. On peut aussi changer l’image d’un club. C’est aussi vrai avec les nouvelles installations du Camp des Loges.
L’exemple sur la formation est bon. En revanche, pour ce qui est de l’instabilité, on peut se poser la question de l’oeuf ou la poule…
Je pense que le club donne prise à ce genre d’attitudes de la presse. S’il arrête de donner prise, ça s’arrêtera peut-être assez naturellement. Mais il y a aussi quelque chose à prendre en compte et à accepter de manière définitive, c’est que l’exposition du PSG est de toute façon très importante. Elle est même scandaleusement exagérée par rapport aux résultats sportifs du club depuis une dizaine d’années. Si le club n’est pas relégué, en termes d’image, à un certain anonymat, c’est peut-être grâce à ce genre d’attention, qui coûte très cher d’un côté mais qui, d’un autre côté, permet de maintenir une sorte de statut de grand club qu’il n’a pas vraiment justifié sur le terrain. De même qu’à Lyon ils ont la chance de pas avoir une pression locale, médiatique et des supporters, qui empêche d’autres clubs comme Marseille ou le PSG de se développer avec un peu plus de sérénité ou de survivre à ces crises.
« De tous les clubs, je pense que la condition de supporter du PSG doit être la plus dure. »
Tu dis qu’il faut en prendre son parti. Mais même au-delà des impacts sportifs, c’est très pénible d’avoir à se justifier en permanence d’être supporter du PSG.
Je pense qu’effectivement, de tous les clubs, la condition de supporter du PSG doit être la plus dure. L’OM par exemple bénéficie de plus d’a priori sympathiques, même si les Marseillais sont également très caricaturés. Autour du PSG, il y a quand même des a priori et des clichés très, très négatifs qui perdurent…
Pour l’OL, le stéréotype concerne l’absence de passion à Lyon. Mais cela a-t-il un impact sur le fonctionnement du club ?
C’est sûr que c’est beaucoup moins nuisible que l’image « club de fachos » que certains véhiculent à propos du PSG. Il faut plus comparer le PSG et l’OM. Ce sont deux clubs drainant une très forte attention, qui est également bénéfique : ce sont des clubs qui vont continuer à être diffusés à la télévision, en dépit de leur rang sportif souvent, ce qui leur permet d’engranger plus d’argent via la répartition des droits de télévision… Il faut prendre parti de ça, et couper la ficelle qui rattache le club à ses casseroles. Quand on entendra plus ses casseroles… Après, est-ce que vraiment l’OM et le PSG peuvent devenir des « clubs normaux » ?
Tout dépend ce qu’on entend par « club normal ». La crise hivernale, le fait de perdre contre un club amateur ou d’encaisser un but de ses anciens joueurs, ce n’est pas un problème du PSG.
Tu as raison. C’est un problème de statut, qu’il faut quand même assumer, parce qu’il apporte des choses d’un côté, et en coûte d’autres par ailleurs. Peut-être qu’en définitive, il coûte plus…
Beaucoup plus, non ?
S’il n’y avait pas eu tant d’erreurs de gestion, de management, sportif, économique et autre, à Paris et à Marseille au cours des dix dernières années, les clubs n’en seraient pas là. Il suffit de comparer à une autre période, la période soi-disant dorée des années 1990. C’était effectivement une période dorée en termes de titres, mais c’était le bordel en permanence. Des polémiques, il y en avait tous les quinze jours, autant qu’aujourd’hui, sauf que le club avait quand même des résultats. Mais deux fois il s’écroule alors qu’il a le titre à portée de main, Fernandez est placé sous tutelle l’année où il gagne la coupe d’Europe, Weah fait l’objet d’une manifestation honteuse d’une fraction du public… Il suffit de se rappeler de Denisot, qui bénéfice justement de cette image de la période dorée : à l’époque, les Guignols n’arrêtaient pas, avec des des sketches mémorables sur le PSG en tant qu’objet de rigolade.
Un dernier mot à propos d’un tout autre sujet : vous avez hébergé le blog Paris Sonne le Glas [3]. Qui en étaient les auteurs ?
Ce sont des habitués du forum qui s’étaient regroupés. Cela partait dans tous les sens — le rubricage était d’ailleurs un peu anarchique —, mais il y avait une telle somme de talents, de plumes remarquables… J’en parle d’autant plus aisément que c’est un groupe d’auteurs qui se sont autogérés et qui nous ont fait la gentillesse de se laisser héberger par nous. C’était très agréable de découvrir sur les Cahiers un contenu sans avoir d’arrière-pensée, en prenant simplement du plaisir, puisqu’ils étaient complètement autonomes. L’un des ressorts humoristiques utilisés, et c’est aussi le cas dans le forum sur les fils de différents clubs, consiste à faire de certains joueurs des personnages de fiction qui vont concentrer les moqueries, alors qu’ils n’en méritent pas autant. Ils vivent leur propre vie et vont être l’objet de running gags dont le caractère systématique fait partie du style d’humour.
Première partie : les Cahiers passés au crible — le journal, le site et le forum —, et leur sentiment sur la presse sportive en général.
Deuxième partie : la critique des médias, les journalistes.
Troisième partie : la médiatisation du PSG et de ses idées reçues.
Quatrième partie : le Ballon de Plomb de Bernard Mendy.
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