Lyon, pour le supporter qui ne suit pas le foot de trop près, c’est un peu l’anti-PSG : un club qui remporte des titres dans la sérénité, et ne se trompe que rarement dans ce qu’il entreprend. Un cas à part. Sauf qu’en réalité, tout ce qui fait rire chez les Parisiens s’est bien souvent déjà produit chez les Lyonnais. En pire. Deuxième partie : les faits divers et les supporters.
Un esprit sain dans un club sain
Paris paillettes, Paris la nuit, Paris qui tourne la tête à certains joueurs. Une taupe creuse des trous dans le vestiaire, des joueurs se perdent en soirées, Rothen bat des records de vitesse sur autoroute, les entraîneurs se succèdent dans une ambiance délétère.
Pendant ce temps, à Lyon… Tola Vologe, île paradisiaque posée entre deux fûts de dioxine, ne voit pas le plus petit nuage troubler son bon air [1]. Alors évidemment, en 2000, Sonny Anderson a imprimé ses crampons dans la cuisse de Marcelo Gallardo lors d’un Lyon – Monaco nauséabond, pour finalement n’écoper que d’une peine bénigne… et préserver de manière incompréhensible au vu de la monstruosité du geste sa réputation de joueur irréprochable.
Certes, quelques années plus tard, Kim Källström crachera vers un arbitre. Mais le glaire finit son vol entre les pieds de l’homme en noir et le club affirmera comme seule défense que le joueur est bien plus maladroit en jet de glaviot qu’en frappe de balle : il visait à l’exact opposé mais un malencontreux coup de vent avait dévié la trajectoire baveuse. Pas de chance [2]. Là encore, la peine est dérisoire et l’affaire passe aux oubliettes.
Comme celle de Milan Baros, qui exprimera sans que le doute fut permis combien il trouvait les effluves de Mbia dérangeantes, point de vue olfactif. La connotation raciste évidente n’empêchera pas la révoltante affaire de l’odeur de ne soulever aucun bruit (voir plus bas). Et pendant que Rothen se fait chronométrer à 241 km/h sur l’autoroute A13, le même Milan Baros, décidément irréprochable, bat tous les records avec une pointe à 271 à l’heure. Quant à savoir si c’est mieux que de rouler bourré, comme Govou, chacun se fera son idée. Au pays du Beaujolais, l’international français a au moins le mérite de relancer à lui seul la consommation moyenne par habitant de cet infâme breuvage. Les vignerons lui en seront gré.
Juninho lui, en dehors de ses talents incontestés de plongeur de haut vol, tente de donner du travail aux médecins et aux artisans parisiens : après s’être attaqué à la cheville de Sylvain Armand — par derrière, cela va s’en dire, le Lyonnais est loyal jusqu’au bout —, c’est une porte du Parc des Princes que le Brésilien a tenté de briser à coup de pieds. Vous avez dit exemplarité ?
Le vestiaire de l’OL fleure donc la droiture. Voire la franche camaraderie. Quand Coupet et Dhorasoo s’engueulent après un match, la dispute va si loin qu’il faudra transférer l’attaquant à Bordeaux quelques semaines plus tard ! On n’ose imaginer le traitement médiatique qui suivrait ce genre de rixe au PSG.
Tout comme on s’interroge sur le fait que Bernard Lacombe ait réussi à lui seul à obtenir le départ anticipé de trois entraîneurs champions de France à la suite ! En gérant le recrutement sans en référer aux hommes de terrain, mais en jouant systématiquement la carte de l’oreille présidentielle, Lacombe a usé Paul Le Guen, Alain Perrin, et surtout l’actuel DTN Gérard Houllier, coup sur coup. Un sans-faute qui souligne la merveilleuse ambiance régnant au sein de l’équipe dirigeante. Quand on se remémore le nombre de pages consacrées aux supposées tensions, finalement inexistantes, entre Villeneuve et Le Guen au PSG l’an passé, on mesure l’extraordinaire mansuétude dont bénéficie Lyon en ce qui concerne l’extra sportif.
Dernier indice illustrant la joie de vivre du groupe lyonnais, le nombre de témoignages de joueurs se déclarant prêts à jouer ailleurs. Comment expliquer que le plus grand club de France des années qui nous arrangent voit son gardien déclarer mine de rien que cela lui plairait d’évoluer au Parc derrière une charnière Heinze – Pochettino ? Pourquoi Govou renouvelle-t-il été après été son souhait de quitter la capitale des Gaules, notamment pour rejoindre celle de France ? Pourquoi Bodmer alimente-t-il régulièrement la rubrique transferts en exposant son amour du Paris Saint-Germain ? Le vestiaire lyonnais est-il si agréable qu’on le dit pour que le PSG, malgré tous ses défauts, sa taupe et ses crises attire tant de joueurs majeurs de l’OL ?
Des supporters exemplaires
En tout cas, une chose est sûre : à Lyon, au moins, les supporters ne sont pas aussi détestables qu’à Paris. Violence, racisme : le quotidien des habitués du Parc des Princes ferait frémir les Lyonnais. Ou presque… [3]
Presque pas de racistes
Les racistes sont une exclusivité parisienne. Alors, certes, à Gerland — notamment dans le virage nord — fleurissent au moins autant de drapeaux français qu’à Boulogne. Mais à quelques centaines de kilomètres du périphérique parisien, cela ne pose manifestement plus de problème.
Début janvier 2009, on a appris la condamnation de quatre supporters lyonnais « proches de l’extrême-droite » à des peines de 12 mois de prison ferme ou en partie avec sursis « pour avoir roué de coups deux frères d’origine maghrébine » en marge du match Lyon-Rennes en février 2006. Les prévenus, dont deux étaient en possession d’un autocollant du FNJ, étaient poursuivis pour violences aggravées à caractère raciste, en réunion et avec arme par destination. Une dépêche AFP précise l’agression :
Une dizaine de supporteurs ultras, éméchés, certains le crâne rasé, se sont jetés sur eux et les ont roués de coups de pieds et de poings, et frappé à coups de bouteille, avant d’être interpellés. Mehdi et Rachid Harji ont eu respectivement 22 et 20 jours d’interruption totale de travail.
La saison dernière, après le match PSG-Lyon, seule une brève de deux lignes faisait mention de l’arrestation d’un supporter lyonnais, à l’issue de la rencontre, pour « cris de singe ». De même, il faut aller du côté de la presse locale pour trouver échos de sympathisants d’extrême-droite « recrutés parmi les supporters de l’OL du virage nord ».
En avril 2007, Milan Baros faisait clairement un geste raciste à l’encontre du Rennais Stéphane Mbia, que Jean-Michel Aulas cautionnera, en lançant pour tout commentaire : « Quand on n’a rien à dire sur un match, il faut toujours trouver d’autres choses à raconter. » Mieux, l’OL publiera un communiqué de presse invraisemblable, expliquant que le Lyonnais « a simplement voulu lui exprimer ce qu’il ne sait pas dire en français : “oublie-moi et fais-moi de l’air” ». Certains supporters lyonnais ne s’y sont pourtant pas trompés, en faisant soudainement de Milan Baros une idole. Lors du match PSG-Lyon suivant cet incident, plusieurs fans de l’OL ont ainsi débarqué dans le parcage visiteurs du Parc des Princes en reproduisant le geste du Tchèque, puis en pointant du doigt quelques noirs dans la tribune Auteuil. La Marseillaise entonnée peu après et les cartes d’identité brandies par certains ne laissaient aucun doute sur la signification de tout cela…
Pourtant, inutile de chercher les déclarations définitives de journalistes, hommes politiques, dirigeants du football français et autres experts de tout poil au sujet d’un quelconque ras-le-bol : tout le monde s’en fout ! Personne pour demander la dissolution de l’OL, demander son avis à Dany Boon ou suggérer que l’OL joue tous ses matches au Stade de France…
Presque pas de violence
Au moins, à Lyon, les supporters ne saccagent pas le centre d’entraînement. Bon, sauf après Maribor, mais il faut souligner que la défaite était vraiment dure à accepter…
En mai dernier, l’AFP nous apprenait qu’un supporter lyonnais en possession d’une matraque électrique avait été interpellé et placé en garde à vue à la suite d’échauffourées à la fin du match Toulouse-Lyon, au cours duquel un gendarme a été légèrement blessé. Par ailleurs, les Cosa Nostra Lyon « ont saccagé l’autobus qui les conduisait à Toulouse », précisait l’agence.
Sur leur site officiel, les Bad Gones racontent fièrement dans leur historique qu’« un Lyon-Caen en 1991 dégénèrera en émeutes après que les CRS ont légèrement pété les plombs. Ceci se solda par une hospitalisation pour une dizaine d’entre eux, et par une vague d’interpellations et de condamnations du côté des mauvais gones. »
Quelques années plus tôt, le 7 avril 1984, lors d’un match Lyon-Marseille, Serge Fuster avait été mortellement blessé par un fumigène reçu au visage alors que des supporters des deux équipes s’affrontaient. L’OL avait alors été condamné pour « manque de moyens » en matière de sécurité.
Presque pas de banderoles injurieuses
Pas question non plus de déployer des banderoles injurieuses dans les stades, c’est tellement ignoble. Florilège de banderoles qui n’ont donc jamais existé :
« Les Gones inventaient le cinéma… quand vos pères crevaient dans les mines »
« Stéphanois, ordures consanguines ! »
« Stoppez les essais nucléaires à Mururoa… faites-les à Saint-Étienne ! »
« Évacuation des estafettes de Perrache : vos mères nous manquent déjà »
« Grenoble c’est de la balle [4] »
« Saint-Étienne : l’Albanie à une heure de Lyon »
« Marseille, la planète des singes »
Les Gones inventaient le cinéma… quand vos pères crevaient dans les mines
Stéphanois, ordures consanguines !
Stoppez les essais nucléaires à Mururoa… faites-les à Saint-Étienne !
Évacuation des estafettes de Perrache : vos mères nous manquent déjà
Pape Diouf, tes initiales te vont si bien !
Grenoble c’est de la balle [6]
En décembre 2008, plus de six mois après la banderole du Stade de France, des supporters lyonnais brandissent la banderole suivante : « Pape Diouf, tes initiales te vont si bien ». Si Pape Diouf a porté plainte, personne en revanche n’a demandé à faire rejouer le match ou à exclure l’OL du championnat. Étonnant, non ?
Finalement, il est faux d’affirmer que Lyon ne rencontre pas de problème. C’est juste que, comme le disait Jérôme Alonzo, « même si les Lyonnais gagnaient 15 titres d’affilées, rien n’y ferait, ils laisseraient les gens indifférents ». L’Olympique Lyonnais bénéficie d’une relative tranquillité, ce qui permet à ses dirigeants de dépassionner puis de résoudre ces situations qui, à Paris, prennent systématiquement l’allure d’une crise dans les médias. Et le plus fou dans cette histoire, c’est qu’en plus leur président trouve le moyen de s’en plaindre.
Première partie : le recrutement et les éliminations piteuses en coupes.
Deuxième partie : les faits divers et les supporters.