Interview réalisée mercredi 13 avril 2011.
Bilan des actions précédentes
Qu’ont donné les recours que vous avez initiés après l’annulation des billets que vos membres avaient achetés pour le match Rennes-PSG ?
La discrimination à la vente en raison du lieu d’habitation ne fait pas partie des motifs recevables, donc nos plaintes n’ont pas abouti. Concernant la Cnil, une enquête a été ouverte ; c’est en cours, nous n’avons pas encore de nouvelle. Par ailleurs nous avions commencé à travailler avec nos avocats sur les arrêtés préfectoraux qui interdisaient le déplacement de tous les supporters du PSG, mais ils ont arrêté d’en prendre…
Pourquoi à votre avis ?
C’est vrai que c’est assez étrange. Nous ne comprenons pas très bien ce changement de politique. Peut-être que le fait que nous ne nous soyons pas laissés faire — comme à Rennes par exemple — a eu un impact ? C’est difficile à dire. Nous en sommes satisfaits bien sûr, mais les pouvoirs publics ont en réalité simplement changé leur fusil d’épaule : ils se concentrent sur des modalités d’achat compliquées, afin de démotiver les supporters parisiens d’acheter des billets. Désormais, pour les matches du PSG à l’extérieur, aucune place n’est en vente sur Internet ou par téléphone, il faut aller sur place pour en acheter…
Le PSG a écopé de plusieurs amendes après des matches de jeunes lors desquels vous étiez présents [1]. Avez-vous eu des contacts avec le club à ce sujet ?
Non, aucun contact. Mais les responsables du PSG qui étaient présents à ces deux matches-là n’ont pas dû comprendre, eux non plus, pourquoi ils ont reçu ces amendes, car il n’y a eu aucun débordement de notre part. Au contraire, il y a eu justement une belle communion entre les joueurs et nous, des remerciements de la part de l’équipe dirigeante…
Les attendus de la commission de discipline évoquent notamment le fait que vous soyez allés sur la pelouse à la fin du match.
Cela n’a pourtant rien d’exceptionnel : contre Nancy, en coupe Gambardella, nous ne sommes pas allés sur la pelouse tout de suite, mais seulement après nous être rendus compte que tout le monde y allait. Des gamins sont descendus et se sont mis à jouer au foot entre eux, juste à la fin du match… Ce que nous trouvons très appréciable quand nous allons voir ces matches-là, c’est de retrouver dans le monde amateur les valeurs que nous aimons : les jeunes qui viennent vers nous, nous sautent dans les bras… Il y a une réelle communion. Beaucoup de joueurs pros devraient aller voir ce qui s’y passe et prendre exemple. Quand tu ne reçois même pas un signe de la main, que ce soit au Parc des Princes — les années précédentes — ou à l’extérieur — a fortiori vus les risques que nous prenons cette saison pour supporter notre club en déplacement…
La proportion d’insultes, de chants contestataires ou d’encouragements fait beaucoup parler ces derniers temps. Quelle est votre position ?
Lors des matches de jeunes, nous savons très bien que chanter des slogans anti-Leproux n’aura aucun impact, précisément parce que Robin Leproux se désintéresse complètement de ce monde-là. Plus généralement, nous avons un débat au sein de l’association sur la proportion de chants pro-PSG ou contestataires. À titre personnel, je considère que les insultes ne servent à rien, mais c’est vrai que, quand tu as de la haine envers quelqu’un, cela fait du bien. Les chants contestataires sont en revanche beaucoup plus constructifs : tu montres que tu es mécontent, et on ne peut pas te le reprocher. Mais le problème c’est que le répertoire de ces chants-là est trop limité pour tenir 90 minutes… Par ailleurs, nous avons tout de même envie quand nous nous déplaçons de nous faire un minimum plaisir en reprenant les classiques du PSG, ce qui permet de sensibiliser le public adverse. Il s’agit de leur dire : « Nous sommes en "parcage sauvage", regardez ce que nous sommes capables de faire, et comparez au parcage officiel. » À Caen, ils étaient une trentaine, et n’ont pas chanté du match. C’est ridicule.
Un débat ces dernières semaines porte sur la radicalisation du mouvement de contestation. Certains proposent de ne lancer aucun chant pro-PSG, ou de mener des actions plus dures. Quelle est votre position à ce sujet ?
Il existe une ligne rouge à ne pas dépasser. Lors de toutes nos actions, nous sommes toujours restés du bon côté, nous n’avons jamais franchi cette ligne. Cela fait aujourd’hui neuf mois que nous luttons contre la direction du PSG, qui continue à être méprisante à notre égard, à faire des amalgames, et rien ne change. Mais ce qu’ils attendent, c’est justement que nous nous radicalisions, que nous commettions des erreurs, pour justifier leur plan en disant : « Regardez, ils ne savent pas se tenir, il n’y a aucune raison que nous changions notre plan. » Beaucoup de gens n’attendent que cela, que cela parte en vrille, et ce n’est pas le but. Parce que justement nous savons très bien que si nous franchissons cette ligne rouge, cela ne servira pas notre cause.
Avant le déplacement à Caen, y a-t-il eu des incidents lors de vos précédentes actions ?
Depuis le début, nous jouons un rôle de responsabilisation de nos membres, nous répétons les choses, nous les rabâchons 10 fois, 20 fois… Et s’il faut le faire 100 fois, nous le ferons 100 fois ! Il est primordial que nous ne tendions pas le bâton pour nous faire battre. Nous savons très bien que le moindre incident sera exploité pour taper sur les supporters parisiens. Le peu d’incidents qu’il y a eu — un fumigène lors d’un match allumé en coupe Gambardella par exemple —, ce n’étaient pas des membres de LPA.
Aucun membre de l’association n’a été interpellé depuis la création de l’association ?
Il y en a eu un à Auxerre, pour un fumigène, mais lui nous assure qu’il n’est pas du tout impliqué. C’est le seul.
L’objectif initial de l’association était de négocier avec le club pour arriver à un retour des abonnements fixes. Des discussions sont-elles toujours possibles ?
Nous n’avons clairement plus aucune confiance en Robin Leproux, donc même s’il nous disait demain : « Je remets les abonnements », tant qu’il n’y aura pas quelque chose d’acté, nous n’y croirions pas. Il y a une véritable cassure entre lui et nous, le point de non-retour a été atteint. Aujourd’hui nous demandons son départ, au même titre que Colony Capital, parce que qu’il n’y a aucune évolution dans leurs discours, et qu’ils continuent leurs amalgames. Il n’y a aucun geste de la part du club. Alors vous allez me dire qu’il n’y en a pas non plus de notre côté, mais nous attendions au moins un mini-geste de la part du club pour après engager quelque chose, et désormais nous sommes convaincus qu’avec Robin Leproux et Sébastien Bazin, cela n’avancera plus. Quand je lis la presse aujourd’hui, on se rend compte que la recherche de nouveaux investisseurs n’avance pas, que le club n’a aucun visibilité sur la saison prochaine… Le bilan de Colony Capital depuis son arrivée est pitoyable ; le bilan de Leproux est un peu sauvé parce qu’il y a quelques résultats au niveau sportif, mais le plan Tous PSG a tué le Parc des Princes, et l’annonce de la phase 2 a été une catastrophe. Autant de raisons qui font que nous n’avons plus confiance en eux. Aujourd’hui nous ne voulons plus discuter avec eux, il faut qu’ils partent, et que nous discutions avec les futurs investisseurs… en espérant que les choses changent.
L’an dernier, vous disiez travailler sur des contre-propositions au plan Leproux. Pourquoi n’avez-vous pas communiqué à ce sujet ?
Nous ne voulons pas nous presser et, comme l’a fait Robin Leproux, proposer quelque chose sans réfléchir aux répercussions. Si demain nous communiquons sur quelque chose, c’est que toutes les entités seront d’accord, et que nous aurons réfléchi à toutes les conséquences que cela peut avoir. Donc en effet, nous ne nous pressons pas. De toute façon nous savons très bien que c’est un combat qui va durer longtemps ; c’est fini pour cette saison, donc autant prendre notre temps et faire quelque chose de bien.
Comment faire pour rendre votre lutte mieux médiatisée, plus populaire ?
C’est compliqué. C’est triste, mais j’ai l’impression que s’il n’y a pas d’incident, ce n’est pas médiatisé. Cela dit, nous nous rendons compte qu’il y a une évolution par rapport au début, aujourd’hui il y a de grands médias qui s’intéressent à notre cause et qui relatent les faits objectivement — lemonde.fr a publié un article, Ouest-France en parle généralement de façon correcte. Par exemple, il y avait beaucoup plus de médias lors de la deuxième manifestation [le 13 mars] que lors de la première [le 5 décembre], cela signifie que notre message passe mieux. Pour le côté plus populaire, il faut que chaque amoureux du PSG qui n’est pas d’accord avec le club prenne conscience qu’il a un rôle à jouer dans cette lutte, et qu’il peut apporter sa pierre à l’édifice que nous sommes en train de construire. C’est une prise de conscience que chacun doit avoir. Nous essayons d’être le plus présents sur la scène pour montrer que nous existons, pour maintenir cette flamme, mais nous ne pouvons pas aller sonner à la porte de chacun.
Quelles relations avez-vous avec les principaux médias qui couvrent l’actualité du PSG, le Parisien et L’Équipe notamment ?
Ces deux médias-là ne relatent jamais les faits avec justesse. En plus nous savons très bien que le PSG a des moyens de pression sur eux, comme le fait de leur accorder des interviews ou pas. Le PSG est le fonds de commerce du Parisien, donc ils sont très peu objectifs par rapport à notre situation. Pour vous donner un exemple, lors de la dernière manifestation que nous avons organisée, le premier fait relaté par le Parisien c’est que « selon une source policière, [un] homme aurait [eu] plusieurs doigts arrachés […] après avoir manipulé des fumigènes », alors que ce n’est pas du tout le cas : un pétard a éclaté, oui il a eu des brûlures, mais il ne s’est pas arraché deux doigts ! C’est la première chose qui est ressortie, au lieu de dire qu’il y a eu une manifestation contre le plan, que nous sommes un millier… Quand on est au courant de tout ce qui se passe, on se rend bien compte qu’ils ne sont pas du tout crédibles. Au lieu de se renseigner, ils préfèrent publier des informations sans spécialement les vérifier, et surtout ils vont systématiquement dans le sens du club. Au-delà de ces deux médias-là, nous entretenons des bonnes relations avec tout le monde.
Avez-vous contacté ces deux journaux pour leur donner votre version des faits ?
Bien sûr, mais ils ne publient pas de démenti.
Une équipe du Canal Football Club vous a suivi la semaine dernière dans le cadre d’un reportage qui devait montrer les difficultés des supporters du PSG en déplacement. Pourquoi n’a-t-il pas été diffusé ?
C’est très surprenant… Mise à part s’ils ont reçu des pressions de la part du PSG, ce qui ne serait pas la première fois, il est difficile de comprendre pourquoi Canal+ aurait décidé de ne pas diffuser un reportage qui était programmé, alors qu’ils avaient de la matière. Ils nous ont suivi lorsque nous sommes allés à Caen une semaine avant le match pour acheter les billets : les personnes de la billetterie de Caen nous répondent qu’elles ne peuvent pas nous vendre de billets parce qu’il y a un arrêté préfectoral, puis elles changent d’avis en voyant la caméra… Ils avaient également filmé les fouilles au péage, l’arrivée au stade, quand nous allons voir la sécurité du SMC, comme à chaque match, pour trouver un endroit où nous regrouper, et les réactions agressives de leur part. Ils ont également des images de la bagarre qui a eu lieu dans notre tribune durant la rencontre. Et finalement, ils ne diffusent pas ce reportage. Parce qu’on aurait vu que le parcage visiteurs était quasiment vide, et qu’il serait plus logique que le PSG nous y laisse l’accès, au lieu de nous mettre des bâtons dans les roues ?
Caen-PSG et la suite du mouvement de contestation
Vos membres étaient-ils impliqués dans la bagarre à Caen ?
Non. Un lambda qui se trouvait dans l’espace réservé aux supporters parisiens venus par leurs propres moyens portait un tee-shirt à l’effigie des Grobari. Ce groupe de supporters du Partizan Belgrade a été impliqué dans la mort du Toulousain Brice Taton. Étant donné que les supporters toulousains et parisiens sont amis, des personnes lui ont demandé à plusieurs reprises de cacher ce tee-shirt. Il a très mal pris la chose et une rixe est partie.
Comment empêcher que cela ne se reproduise ?
C’est très difficile à empêcher. Nous sensibilisons nos membres en les responsabilisant, mais si des personnes extérieures à l’association profitent de ces moments pour arborer ce genre de signes, c’est difficilement gérable, surtout dans des conditions de parcage sauvage comme à Caen.
Plus globalement, tous les supporters parisiens ayant été mis dans le même sac par le plan Leproux, mais certains posant réellement problème, comment faire pour ne pas être manipulés in fine par ceux que l’on ne veut plus voir au Parc ?
Comme je l’ai déjà dit, nous n’avons pas le pouvoir de mettre hors-jeu ces personnes. C’est aux autorités de le faire.
Revenons à Caen-PSG. Avez-vous eu des explications à propos du contrôle d’identité effectué à la fin du match ?
Non, pas du tout, nous n’avons aucune explication par rapport à ce contrôle d’identité, qui s’est quand même fait dans des conditions insolites : une prise d’identité sur un morceau de papier sans aucune vérification pour les personnes n’ayant pas leurs papiers à ce moment-là ! La volonté d’affaiblir la contestation doit clairement être le motif. En revanche, il n’y a aucun motif légal pour prononcer 200 interdictions de stade suite à ce match.
Si les 200 personnes dont l’identité a été relevée à Caen samedi soir devaient tout de même être interdites de stade, quelles suites donneriez-vous à vos actions ?
Ce qui est sûr, c’est que si des interdictions de stade administratives étaient prononcées, nous regrouperions tous les dossiers, nous prendrions des avocats spécialisés — si les nôtres ne peuvent pas répondre à ces besoins —, et il est évident que nous engagerions des recours — autant que d’IDS prononcées —, parce que nous savons très bien qu’il n’existe aucun motif légal qui fait que nous soyons IDS. Si c’est le cas, c’est que les autorités passent au-dessus des lois — ce qui serait bien triste pour un pays de droit comme la France —, et nos recours seront légitimes.
Si ces IDS étaient confirmées, continueriez-vous à organiser des actions pour contester le plan Leproux ?
Oui, nous nous adapterions. Ils s’attendraient sans doute à ce que la lutte soit anéantie, mais nous répondrions présents sur d’autres terrains. Nous verrons le moment venu, mais nous ne lâcherons pas, c’est sûr et certain.
À titre personnel, envisagez-vous de céder la présidence de l’association si vous étiez interdit de stade ?
Si cela devait être le cas, nous en parlerions avec les membres de l’association et du bureau, nous prendrions une décision commune. Si cela peut porter préjudice à l’association, je quitterais évidemment la présidence ; je ferai tout pour que cela ne la pénalise pas.
Pour empêcher les interdictions de stade massives, certains proposent d’agir au Parc des Princes, au milieu des autres spectateurs. Pensez-vous qu’il aurait fallu le faire, ou qu’il faudrait le faire ?
Impossible, car cela nécessite d’aller au Parc des Princes en secteur « Tous PSG », or nous prônons le boycott. Et nous le continuerons quoi qu’il se passe, dans la mesure où cela reste un bon moyen de pression sur le club. Nous n’envisageons pas du tout ce genre d’actions. De toute façon, s’ils veulent prononcer des IDS totalement illégales, ils le feront… Mais c’est sûr que nous ne romprons pas le boycott.
Si le plan n’évolue pas, êtes-vous prêts à repartir pour une année de boycott et de lutte autour des stades ?
Oui, bien sûr. Nous avons commencé un combat, nous savons très bien que ce n’est pas un sprint, mais un marathon. C’est un combat que nous estimons totalement légitime, donc si nous devons poursuivre l’année prochaine, nous continuerons avec la même énergie, voire avec deux fois plus d’énergie. À titre personnel ? Tant que je pourrai continuer, je le ferai. Ce club me tient à cœur, c’est ma passion, donc j’irai au bout.
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