Dimanche 26 septembre, ceux qui voulaient en savoir plus sur l’association Liberté pour les abonnés, ses objectifs et les moyens d’action qu’elle envisage, avaient rendez-vous à l’espace Kiron, dans le 11e arrondissement. De 12h à 17h30, trois sessions successives étaient organisées pour accueillir tout le monde dans de bonnes conditions. Nous avons assisté à la troisième, en fin d’après-midi.
Un objectif : tordre le cou aux rumeurs
À 16 heures, une quarantaine de personnes — majoritairement des hommes entre 20 et 40 ans, une femme — prennent place dans la salle, face à une petite dizaine de membres du bureau de l’association.
Durant une demi-heure, les deux fondateurs, Jérémy Laroche et Albin Queru, passent en revue les principales questions que se posent les supporters parisiens à propos de Liberté pour les abonnés. Ils sont notamment soucieux de répondre aux critiques voire aux rumeurs qui circulent sur certains forums : l’association aurait été créée par Robin Leproux lui-même, ils seraient favorables à un retour des abonnements en mode aléatoire, ils feraient en sorte de se positionner pour ensuite se transformer en association dans l’enceinte même du stade ? Les réponses sont claires, et martelées :
non, Liberté pour les abonnés n’est pas téléguidé par le PSG ;
non, un abonnement aléatoirement dans une tribune ou dans une autre n’est pas acceptable : une telle proposition de la part du club serait refusée par l’association ;
non, Liberté pour les abonnés n’a pas vocation à devenir une « association de tribune », qui bâcherait au Parc des Princes.
Au contraire, la caractéristique même de Liberté pour les abonnés est de transcender ces clivages. Le bureau insiste :
Nous sommes d’anciens abonnés d’Auteuil, de Boulogne, de la tribune G ou de la tribune K. Nous avons chacun un attachement particulier pour une tribune, où nous avons nos amis, nos habitudes, nos façons de supporter le PSG. Mais dans le cadre de l’association, nous mettons tout cela de côté : nous ne souhaitons qu’une chose, le retour de nos abonnements.
Et de remercier l’assistance d’être venue sans aucun signe distinctif d’une association ou d’une tribune particulière. « Il ne s’agit pas de renier le passé, est-il précisé, mais de se rassembler derrière un seul objectif commun : le retour de nos abonnements. »
Après la présentation de l’association, place aux questions de la salle. Les échanges portent principalement sur les actions qui seront menées et la nécessité de se faire entendre dans les médias.
— Il faudrait contacter des personnalités susceptibles de relayer le message dans les médias, des anciens joueurs par exemple… — Cela fait partie des sujets sur lesquels nous allons travailler. Mais ce n’est pas évident de leur faire comprendre la situation et, surtout, de les inciter à prendre position. Certains anciens joueurs ont encore des intérêts avec le club, c’est le cas de Raì et Pauleta par exemple. — Et Rothen ? Il est déjà tricard au PSG de toutes façons…
À 18 heures passées, les derniers adhérents quittent la salle. Durant près d’une heure et demie, Jérémy et Albin répondent alors à nos questions.
« Nous avons besoin d’être nombreux pour peser »
L’association, ses adhérents, son fonctionnement
120 supporters s’étaient inscrits pour assister aux réunions aujourd’hui. Une petite dizaine d’entre eux ne sont pas venus, mais à peu près autant sont venus sans être inscrits. Il y avait une quarantaine de personnes à chaque session, et à peu près 90 % d’entre elles ont adhéré à l’association. Au total, nous avons désormais 103 membres. C’est un bon début pour un premier jour, mais nous comptons désormais sur chacun de ces adhérents pour servir de relai et faire venir à nous tous ceux qui partagent nos objectifs et se retrouvent dans l’association. Nous continuerons évidemment à discuter avec tout le monde, tous ceux qui auront des idées à nous proposer ou des réflexions à nous soumettre. Mais il est primordial de réussir à fédérer le plus de monde possible : nous comptons près de 1 500 membres sur Facebook et 1 000 sur notre forum, mais nous savons bien que cela ne suffit pas. Pour jouer un rôle dans les négociations avec le PSG et pour être pris au sérieux dans les médias, nous avons besoin que tous ceux qui nous soutiennent adhèrent à l’association.
Les deux premières sessions se sont déroulées comme la dernière : dans un excellent état d’esprit. Nous sommes vraiment contents que le discours soit bien passé, que les échanges à la fin de chaque séance aient été constructifs. C’était primordial pour nous, c’était même un challenge dans la mesure où on a dit beaucoup de choses fausses à notre sujet sur les forums. Certains nous faisaient des procès d’intention. Aujourd’hui, nous avons pu clarifier nos positions.
Nous voulons faire en sorte que les adhérents puissent se réunir toutes les deux ou trois semaines. Une première idée consiste à organiser des rassemblements dans un bar à l’occasion des matches du PSG.
Les relations avec Leproux et les leaders du Parc
Robin Leproux est notre unique interlocuteur au sein du club ; il se montre très accessible. Nous l’avons rencontré une première fois mi-août, pour faire connaissance. Une deuxième réunion était prévue mardi 21 septembre, deux jours après PSG-Rennes, cette fois-ci avec les représentants de plusieurs entités du Parc des Princes. Mais après l’action des anciens de Boulogne (voir plus bas), Robin Leproux a annulé cette réunion. Il nous a alors proposé une discussion informelle, juste entre lui et nous. Nous avons refusé, parce que nous considérons qu’une telle réunion n’a de sens que si elle rassemble le maximum de personnes représentatives du Parc des Princes.
Depuis le début, nous restons en contact avec des représentants de toutes les entités du Parc des Princes. Il y a parfois eu des malentendus, nés de ce qu’on pouvait lire sur Internet, mais cela venait d’un manque de communication. Une fois que nous pouvons nous expliquer et répondre clairement aux rumeurs qui circulent sur notre compte, il n’y a plus de problème. Encore une fois, nous ne sommes pas là pour nous faire une place au stade, mais simplement pour permettre d’anticiper le retour des abonnements dans les meilleures conditions possibles. Après les dissolutions des associations à Boulogne puis à Auteuil, il était indispensable que des « lambdas » se mobilisent pour ne pas laisser le club sans interlocuteur.
Nous échangeons également avec les autres groupes contestataires : Julien, le créateur de tousabonnes.com, était là ce matin ; c’est lui qui a créé notre site Internet. Sami B., du collectif 07/08 [1], était également présent aujourd’hui.
Quelles actions pour contester le plan Leproux ?
En attendant de trouver un accord avec la direction du club, nous appelons au boycott du Parc des Princes et des déplacements officiels, mais aussi de tout le merchandising autour du club : maillots, écharpes, etc. Des manifestations sont envisagées, au Camp des Loges ou à la mairie de Paris.
Protester au stade ? Dans certaines conditions, pourquoi pas. Contre Rennes, près de 200 anciens membres du Kop of Boulogne et de la tribune K ont pris place en tribune J rouge. On nous a proposé d’y participer, mais nous avons dû décliner l’invitation dans la mesure où nous n’avions pas encore d’adhérents : le seul moyen de faire circuler l’information était de la rendre publique, ce qui n’était pas possible. Mais nous approuvons ce genre d’initiatives, qui montrent les aberrations du plan Leproux. Cette fois-ci, c’était trop tôt pour nous, mais nous y participerons peut-être une prochaine fois. Cela permet d’être vus et entendus.
Attaquer en justice les mesures prises par les pouvoirs publics ces derniers mois — les IDS de PSG-Saint-Étienne ou les arrêtés préfectoraux lors de chaque match à l’extérieur, les tentatives d’intimidation pour les déplacements à l’étranger —, cela coûte cher et surtout ne donnera pas de résultat avant des mois voire des années. C’est trop long pour nous. En revanche, nous dénoncerons systématiquement ce genre de choses. À chaque fois que ce sera nécessaire, nous diffuserons un communiqué à la presse pour rétablir la vérité ou mettre en avant ce qui est passé sous silence. Par exemple, il y a deux semaines, le responsable de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme — le commissaire Antoine Boutonnet — a tenté de dissuader les supporters parisiens de se rendre à Séville. Nous avons expliqué point par point que rien n’interdisait aux Parisiens de se déplacer en Espagne, textes de lois à l’appui. Malheureusement, cela n’a pas été repris. Mais nous continuerons, et plus nous aurons d’adhérents, plus nous serons crédibles dans ce genre de démarches. Jusqu’à maintenant, nous avons perdu la guerre dans les médias. Nous devons parvenir à exister dans la sphère médiatique pour contrecarrer les raisonnements simplistes qui dominent actuellement, selon lesquels le plan permet de résoudre la violence et que quiconque s’y oppose est un irresponsable.
Quelles propositions pour retrouver un stade animé ?
Notre objectif, c’est d’anticiper le retour des abonnements. Nous travaillons dès maintenant pour permettre que ceux-ci soient rétablis de manière non aléatoire, et aux mêmes tarifs qu’auparavant. Nous proposerons au PSG des alternatives concrètes, et qui à nos yeux sont viables. Nous travaillons d’ores et déjà sur un plan par étapes, pour que la situation évolue en cours de saison et que le retour à la normale se fasse d’ici un ou deux ans. Il est compliqué d’en parler publiquement pour le moment, parce que c’est encore en cours d’élaboration : nous en discutons avec les différentes entités du Parc, et demain nous le ferons avec les membres de l’association. Nous sommes persuadés que la solution peut venir des tribunes en elles-mêmes.
Ce que nous avons dit à Robin Leproux lors de notre première réunion, ce qu’il ne faut pas se focaliser exclusivement sur les modalités du retour aux abonnements. Plus globalement, c’est toute la logique de relations entre le club et les supporters qu’il faut repenser. Plutôt que de nous demander une seule solution miracle, nous lui disons : « Travaillez sur le fond pour impliquer davantage les supporters. Cela fait des années que vous devriez le faire ! » Cela va d’un système de socios — prenant une part mineure dans le capital du club —, pour impliquer les gens sur le long terme, à des choses basiques comme la billetterie. Faire attendre les gens dehors pendant cinq heures pour acheter une place à chaque finale de coupe par exemple, cela peut paraître dérisoire, mais il ne faut pas s’attendre à ce que les supporters se comportent bien avec le club quand lui-même ne les respecte pas. Quand certaines associations organisaient des actions caritatives, le club ne s’est jamais investi. Royalement il leur ouvrait un local le matin, en leur disant : « Estimez-vous heureux ! » Nous souhaitons que le club arrête de considérer ses propres supporters comme des corps étrangers.
Cela ne répond pas directement aux problèmes de violence et de racisme ? Mais le plan Leproux non plus ! Il ne résout en rien les problèmes, puisque les réels fauteurs de trouble ne sont pas ciblés. Aux pouvoirs publics et au club de prendre leurs responsabilités ! Lors du tournoi de Paris, les stewards étaient capables d’exclure du stade ceux qui se levaient, ils devraient être capables de le faire également quand il y a un salut nazi, un drapeau palestinien ou un type qui jette un projectile sur la pelouse. Qu’ils fassent leur boulot ! On nous demande de porter seuls le fardeau qui résulte d’erreurs commises par les supporters, certes, mais aussi par le club et les pouvoirs publics depuis plusieurs décennies. Nous sommes aujourd’hui les seuls à nous remettre en cause et à faire des efforts. Personne n’insiste par exemple sur le fait que les forces de l’ordre ont laissé mourir quelqu’un. Les policiers étaient présents le 28 février, à quelques dizaines de mètres des affrontements, mais ils ne sont pas intervenus. Les CRS ont fait preuve d’une passivité coupable ce soir-là. N’est-ce pas de la non-assistance à personne en danger ? Aujourd’hui, tant les pouvoirs publics que le PSG nous disent : « Le problème vient de chez vous, c’est à vous de le régler. » De leur côté, ils ne font rien. Parce que ce n’est pas en interdisant de stade 250 personnes qui manifestaient pacifiquement ou en augmentant le prix des places que l’on fera disparaitre le racisme et la violence…
Comment garantir au PSG qu’un retour des abonnements n’entraînera pas de nouveaux affrontements Auteuil-Boulogne ? Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de répondre à toutes les questions. Il ne s’agit pas de botter en touche, simplement nous avons des propositions, et il faut désormais que nous arrivions à un consensus commun à toutes les entités du Parc des Princes, pour installer les supporters dans une relation durable avec le club. L’entité PSG doit être plus forte que les clivages Auteuil-Boulogne. Et pour cela, il faut arrêter de naviguer au doigt mouillé, de tout remettre en cause à chaque changement de président ou d’actionnaire. Il faut que nous parvenions à mettre en place quelque chose de pérenne. Si l’on en arrive là, c’est aussi parce que depuis 10 ans c’est un marasme côté sportif et que le PSG ne s’intéresse plus à ses supporters. Nous ne proposons rien de concret pour mettre fin aux rivalités ? Évidemment ! Nous n’avons pas de recette miracle ou de baguette magique. Il faut arrêter de croire que, parce qu’on va forcer les gens à se mélanger, le racisme va disparaitre. Il faut que le PSG et les pouvoirs publics acceptent eux aussi de travailler sur des solutions en profondeur.