1/5 : son arrivée au club, les années Canal+
2/5 : ses relations avec Roche et Le Guen
3/5 : les cas Moulin et Villeneuve, les fuites
4/5 : le plan Tous PSG, les supporters
5/5 : le Parc des Princes, la marque PSG
Interview réalisée mercredi 12 janvier 2011.
Une logique économique derrière le plan Leproux ?
Les mesures annoncées au printemps dernier — même si certaines peuvent relever de l’anecdote comme Germain, le vous-vous-z’êtes-là ou Valérie — ont donné à certains le sentiment que le PSG était à la recherche d’un autre public, de consommateurs plutôt que de supporters, avec des spectateurs qui se renouvellent et seront donc plus rentables que des supporters. Comment vous réagissez à cette interprétation ?
D’abord je ne suis pas à l’origine de ce plan, je n’étais pas dans la tête de Robin Leproux quand il a pris ces décisions.
Le plan n’a pas été discuté ? C’est surprenant qu’il ne vous sollicite pas… Il vient vous voir en mai et vous annonce : « On va faire Germain le lynx » ?
Germain, cela s’est vite arrêté, ce n’est pas le point essentiel du plan.
Bien sûr, mais c’est un symbole.
Oui, je crois que je n’aurais pas été un grand supporter de Germain. Mais Robin Leproux a pris ses responsabilités. J’ai été président, je me mets à sa place : si vous commencez à faire un espèce de référendum, même auprès du conseil… Il a son plan, populaire ou pas, il nous en parle après. Je ne lui en veux pas. Si on en parle trop, il y a inévitablement des fuites. Pour revenir à votre question, je ne pense pas du tout qu’il y ait une arrière-pensée économique. Pas du tout. Je ne pense vraiment pas qu’ils aient l’intention comme vous le dites de transformer les supporters en simples consommateurs. Même si je suis proche des supporters, que j’ai cette image qui est en fait une réalité, que j’aime bien les stades avec des supporters fervents — une fois je l’ai dit dans le Parisien, on a pensé que j’allais faire la guerre au plan Leproux, ce n’était pas ça, je disais simplement que moi j’aime bien un stade avec des tifos et des chants —, il ne faut quand même pas oublier qu’il y a eu deux morts. Le premier était d’un autre ordre, mais il y a tout de même eu un mort entre des gens de chez nous, donc on ne peut pas dire : « Tout va bien, on ne va rien faire ». Il ne faut jamais l’oublier.
Donc qu’il y ait une première phase d’un plan qui soit dure, bien sûr que je ne l’ai pas bien vécu, mais il fallait bien passer par quelque chose d’extrêmement coercitif et difficile à supporter, même par des gens comme moi. Aujourd’hui il y a la deuxième phase. Si Robin Leproux était content, honnêtement il n’aurait pas fait une médiation, il aurait continué exactement comme avant, n’aurait pas rouvert les abonnements, et personne ne lui aurait rien dit, ni au niveau des actionnaires ni au niveau de l’opinion publique. Cela signifie qu’il partage avec moi le fait que cette première étape était nécessaire, mais qu’il faut passer maintenant à la deuxième. Donc pour être clair : il n’y avait pas d’obsession économique. Il y avait probablement l’idée d’attirer une population de gens qui ne venaient pas au stade parce qu’ils ne se sentaient pas en sécurité, ça oui. Mais ce n’était pas bassement économique. Il y aurait d’ailleurs eu deux choses qui m’auraient probablement fait quitter le club : la première, c’est si nous avions abandonné le Parc des Princes. Si on m’avait dit : « Il y a trop de danger, trop de problèmes, donc on va jouer ailleurs », j’aurais répondu : « D’accord — je ne suis pas le décideur, je ne suis pas actionnaire —, mais sans moi. » Et deuxièmement si on avait augmenté de façon conséquente le prix des places. Parce que je déteste, dans le modèle anglais qu’on nous rabâche, cette segmentation par l’argent. C’est totalement contraire à mes idées. L’Angleterre a peut-être résolu le problème du hooliganisme par ce biais, mais aussi par bien d’autres mesures.
Parmi les mesures prises à l’époque et qui ont pu favoriser cette interprétation figure le fait que les 13 000 anciens abonnements n’aient pas été tous conservés, même de façon aléatoire, pour qu’au moins chaque abonné ait la possibilité de retourner au Parc des Princes au même tarif que la saison précédente [1]. Par ailleurs, les abonnements en tribunes latérales ont tout de même augmenté de 25 % à l’intersaison [2].
Encore une fois je n’étais pas dans la décision, mais mon avis c’est qu’il n’y avait pas de logique économique. Tout ce qui a été dit par Leproux ou Bazin, c’était la volonté non pas d’éliminer les supporters mais de permettre aux autres de venir. Le problème, c’est que nous avons été obligés de punir 12 000 personnes pour les exactions de 400. Éternel problème, dont il faut sortir.
- Alain Cayzac
- Photo Mathieu Genet — PSGMAG.NET
La charte 12e homme et l’avenir
Justement, vous qui avez rencontré les différentes entités durant la médiation…
(Il coupe.) Pas toutes.
Hormis les associations dissoutes, en effet. Vous connaissez donc les positions des supporters d’une part, et de Robin Leproux d’autre part. Envisagez-vous une sortie de crise à court terme ?
J’espère. Ce que je pense, c’est que tout ne peut se résoudre que dans le temps. J’ai toujours dit trois choses durant la médiation avec Franck Borotra : premièrement, qu’il n’y avait pas de solution idéale, c’était impossible après ce qui s’est passé — la mort du supporter, la première phase — d’annoncer d’un coup : « On oublie tout, on revient comme avant. » Impossible. Deuxièmement, que toute solution ne pouvait être que transitoire, et pouvait évoluer dans deux mois. Troisièmement, que je souhaitais le retour des associations. C’était mon dada, parce que je pense qu’un club ne peut pas se passer d’associations. Aujourd’hui la majorité des supporters n’adhèrent pas à cela parce qu’ils considèrent que le placement aléatoire est encore la règle, qu’ils n’ont droit d’amener que quatre amis et qu’ils pensent que les associations sont créées pour « servir le pouvoir ».
« Je comprends le principe de territorialité. Mais en disant cela, je précise aussi qu’il faut que cette volonté de territorialité s’affirme pour de bonnes raisons. »
Quel est votre point de vue sur cette question du placement aléatoire ?
Le principe de la territorialité, on le comprend, ou on ne le comprend pas. Moi je le comprends, je le reconnais. Et je le comprends probablement plus que Franck Borotra par exemple, qui considérait que quand on vient au stade c’est parce qu’on aime bien le PSG, donc on doit s’en foutre d’être à Auteuil ou à Boulogne. Moi je comprends que pour des bonnes raisons on soit attaché à une tribune ; que, « élevé » dans telle ou telle partie du stade, on y ait ses habitudes, ses amis… C’est peut-être un peu conservateur, mais je trouve que c’est un peu comme dans un village : vous allez toujours prendre votre croissant au même bistrot. L’autre bistrot à côté est aussi bien, mais vous avez vos repères. D’autres pensent que c’est un principe dangereux au Parc. Mais même en comprenant cette objection, je dis qu’il faut que cette volonté de territorialité s’affirme pour de bonnes raisons. Certains m’ont dit : « J’allais là avec mes parents ». Je comprends très bien, j’adhère et je dis que ce n’est pas idiot, ce n’est pas conservateur, ce n’est pas étroit. De la même façon, il y a plusieurs moyens de supporter son club : à l’anglaise — plutôt à Boulogne —, à l’italienne — plutôt à Auteuil. Chaque tribune a sa façon de faire. Mais si par contre la territorialité consiste à rester groupés pour mieux lutter contre l’ennemi qu’est celui d’en face… C’est toujours pareil : il y a des gens qui font une bonne utilisation du concept de territorialité, et d’autres une mauvaise. Ce principe-là est un vrai sujet de réflexion, qui peut être étudié en observant ce qui peut être fait dans les autres pays : est-ce qu’il est légitime qu’il y ait une identité des tribunes ? Moi je dis plutôt oui, d’autres disent plutôt non, mais en disant plutôt oui j’ajoute qu’il est très difficile tout de suite, alors qu’il y a eu un mort et que l’enquête n’a pas encore abouti, de revenir comme avant.
Les contraintes fixées aux associations dans la charte 12e homme sont jugées inacceptables par les anciennes associations. Qu’en pensez-vous ?
Christophe Uldry, qui est quelqu’un que j’apprécie, je n’ai pas peur de le dire, dit que c’est une escroquerie de permettre à des associations de se créer à 100 membres. Je lui réponds que non, ce n’est pas une escroquerie : il faut accepter de démarrer comme cela, et si les supporters prouvent que les comportements sont bons, que la ferveur revient sans qu’il n’y ait de violence, et bien qui dit que dans deux mois Robin Leproux n’acceptera pas que ces 100 deviennent 200 ? Qui dit que dans trois mois il n’acceptera pas que ces 200 deviennent 300 ? Je n’en sais rien, je ne suis plus le président du club, mais qui dit qu’un jour l’idée de diviser une association en deux tribunes ne disparaîtra pas parce que tout le monde aura donné la preuve que la situation est redevenue saine ? Je reviens toujours à l’idée qu’il est impossible d’avoir une solution pleinement satisfaisante tout de suite.
« Si on veut tout, tout de suite, je pense que le club et les pouvoirs publics ne peuvent pas l’accepter. »
Il y a tout de même dans la charte 12e homme un problème au sujet de la liberté d’expression des supporters.
Évidemment que, quand on écrit une charte, vous allez faire un appel au fair-play et dire qu’il ne faut pas de banderole injurieuse, diffamatoire… Vous êtes obligés de dire cela pour éviter les dérives que l’on a vues avec certaines banderoles, mais les supporters auront quand même le droit de rouspéter si le joueur ne joue pas bien, que l’arbitre n’est pas bon ou qu’ils ne sont pas contents du management. Ils ne sont pas forcés de faire une banderole « Leproux enculé », on a d’autres façons de manifester son désaccord. Rien n’est idéal, tout est provisoire, mais si on accepte une sorte de main tendue — même si on le fait en estimant qu’ils auraient pu aller beaucoup plus loin —, on a une chance dans un mois ou deux d’aller encore plus loin, et peut-être dans six mois de ne pas être trop loin de ce que c’était avant. Si en revanche on veut tout, tout de suite, je pense que le club et les pouvoirs publics ne peuvent pas l’accepter, tout simplement parce qu’il y a eu un mort. Dans les discussions, on oublie parfois un peu l’origine de tout ça.
Le club se devait de faire quelque chose ; ensuite il a pris l’initiative de faire évoluer la situation pour permettre aux supporters de revenir. Cela ne satisfait pas les supporters, je veux bien l’admettre, mais prenons ce qu’on nous offre et demandons plus après. Et en disant cela je ne défends ni les supporters ni le club, je dis vraiment ce que je pense. Parce que je suis aussi malheureux que beaucoup de ne plus voir les milliers de supporters historiques qui sont des mecs bien, qui moi en plus m’ont sauvé la peau. Quand on était relégables et que je faisais l’union sacrée, on n’était pas bons, on perdait, et les mecs étaient là. Il y a toujours eu un soutien. Ceux-là, j’ai envie de les revoir et je leur dis : « Ne voyez pas des pièges et des escroqueries là où il n’y en a pas ; acceptez de faire un pas avec le club, après vous demanderez plus. » Honnêtement, si j’avais pensé que cette médiation était un piège et qu’on se servait de moi, j’aurais eu assez d’orgueil pour ne pas y participer.
1/5 : son arrivée au club, les années Canal+
2/5 : ses relations avec Roche et Le Guen
3/5 : les cas Moulin et Villeneuve, les fuites
4/5 : le plan Tous PSG, les supporters
5/5 : le Parc des Princes, la marque PSG