Pour la première fois, une opération organisée par Liberté pour les abonnés réunissait également plusieurs associations de supporters du Parc des Princes : les Lutèce Falco (tribune Auteuil), les Kriek Paris (tribune Auteuil) et la Brigade Paris (tribune K) étaient parties prenantes d’un défilé dans les rues de la capitale, prévu ce dimanche après-midi. « Cette balade se veut festive, pacifique mais engagée, précisait le communiqué transmis aux médias la veille. Engagée car il est indispensable pour nous de faire savoir par cette promenade que ce plan est construit sur des préjugés et autres amalgames dangereux sur l’identité du violent et sauvage supporter parisien. Mais surtout que ce plan détruit l’âme du PSG. »
Jérémy Laroche et Albin Queru, les fondateurs de Liberté pour les abonnés, nous précisent l’objectif de l’opération :
Nous avons loué un bus à impériale pour défiler dans Paris en passant par tous les axes stratégiques et toutes les places importantes — Bastille, République, Opéra, Trocadéro, l’Hôtel de Ville, les Champs-Élysées… Le but de cette journée était de prouver que nous étions encore présents, que nous étions unis — plusieurs associations de différentes tribunes se sont jointes à nous pour cette action —, et que nous sommes vraiment pacifiques. Nous aimons ce club, cette ville, nous ne sommes pas violents, et nous savons faire la fête : voilà ce que nous voulions montrer aux Parisiens.
Un gendarme : « Une seule vérité, allez l’OM ! »
Une centaine de personnes — dont environ une dizaine de femmes —, anciens d’Auteuil et de Boulogne, ont répondu à l’appel. En début d’après-midi, le bus s’élance de porte Maillot en direction des Champs-Élysées, escorté par la police. Mais rapidement, les choses se gâtent… L’association Liberté pour les abonnés a filmé toute la scène. Sur ces images, que nous avons pu consulter — et qui seront prochainement disponibles en ligne —, on voit les RG présents au départ du cortège porte Maillot rejoints par une, deux, trois, quatre puis jusqu’à dix fourgonnettes de gendarmes mobiles, qui encerclent le bus. Les forces de l’ordre se positionnent ensuite devant chacune des portes du bus, empêchant tout le monde d’en descendre. Un des adhérents de l’association, qui suivait le cortège depuis la voie publique avec une caméra, nous raconte l’ambiance :
L’un des gendarmes mobiles déployés autour du bus m’explique que de toutes façons ce qu’ils font là « c’est de l’humanitaire ». Je lui explique que je ne comprends pas en quoi cela revient à faire de l’humanitaire que d’avoir une présence policière à ce moment-là. Il me répond que c’est un peu pathétique et que pour lui il n’y a qu’une seule vérité, c’est « Allez l’OM ! » Je lui dis que c’est un peu trivial de me dire cela à moi alors que je suis avec des supporters parisiens, devant un car de Parisiens, en plein Paris. Il me lance : « J’en ai rien à foutre ! » À ce moment-là, leur capitaine vient me voir en me demandant de ne plus filmer — cela se reproduira au Camp des Loges quelques heures plus tard —, et en donnant l’ordre à ses troupes de ne plus parler aux journalistes — il pensait que j’étais journaliste dans la mesure où je tenais une caméra. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui a ennuyé la préfecture de police de Paris : sur les Champs, il y avait une demi-douzaine de « grands médias » : l’AFP, BFM TV, RMC, France-Bleu, leparisien.fr, Téléfoot… Ils ont dû changer leur fusil d’épaule à cause de cela.
Expulsés de Paris pour « trouble à l’ordre public »
En fin de soirée, Jérémy et Albin font le bilan de ces événements :
Tout le monde était au courant de ce que nous faisions. À notre point de rendez-vous, porte Maillot, il y avait plusieurs membres des RG. Eux étaient donc manifestement bien au courant… Nous les avions prévenus depuis environ une semaine. À notre départ vers 13h30, nous avons été escortés par des motards de la police, direction les Champs-Élysées. Mais nous n’avons pas été très loin : à la sortie de la place de l’Étoile, alors que nous nous dirigions vers la boutique PSG, les forces de l’ordre nous ont demandé de prendre la première à droite. Nous nous sommes donc arrêtés avenue George-V, sans trop comprendre pourquoi dans un premier temps. Très vite, nous avons vu débarquer une dizaine de camions de gendarmes mobiles, qui se sont déployés autour du bus. Finalement, on nous a assuré que nous créions du « trouble à l’ordre public », alors que nous étions simplement en train de chanter dans un bus.
Sur les trottoirs, les passants n’avaient pourtant pas l’air très troublés. C’est une action très originale, donc beaucoup de gens prenaient des photos, des vidéos. C’était vraiment bon enfant. Et entendre des supporters parisiens chanter, c’est quelque chose d’assez impressionnant : il y avait 100 personnes dans le bus qui chantaient à la gloire du PSG — ce n’étaient pas des chants anti-marseillais. C’est dommage que nous n’ayons pas pu continuer. Il ne me semble pas que chaque personne montant dans un bus doive s’annoncer auparavant. Manifestement, quand vous êtes supporter du PSG, si… C’est une nouvelle illustration de la répression excessive menée par les pouvoirs publics envers tous les supporters parisiens, sans distinction.
Nous savions très bien ce que nous ne pouvions pas faire. Nous avions veillé à ne pas donner d’ordre de ralliement ni d’heure de rendez-vous — hormis le départ du car —, et surtout à ne jamais descendre du bus pour ne pas risquer de regroupement non autorisé. C’est précisément pour cette raison-là que nous avons loué un bus à impériale : nous avions accroché différentes bâches afin de faire passer notre message sans avoir jamais besoin de mettre le pied par terre. Nous avions certes l’intention de marquer quelques arrêts à des endroits stratégiques — la boutique PSG des Champs-Elysées ou l’Hôtel de Ville par exemple —, mais nous ne comptions pas descendre. Avant que nous soyons arrêtés, les RG semblaient contents que nous menions une action pacifique. En tout cas, ils savaient qui était présent, où nous voulions aller — ils ont même validé le parcours, en nous refusant simplement de passer à proximité du Parc des Princes. Et finalement, au dernier moment, il nous est interdit de circuler dans Paris… C’est à se demander s’ils ne cherchent pas la tension pour provoquer des interdictions de stade, comme ce fut le cas cet été contre Saint-Étienne. Au final, cela revient à pousser les gens à une radicalisation : quand on joue le jeu, cela nous retombe dessus. Mais nous ne tomberons pas dans le panneau.
Finalement, ils nous ont expliqué qu’ils avaient pour ordre de nous faire sortir de Paris. Ils nous ont alors escortés jusqu’à la porte de la Muette, où ils nous ont demandé de nous disperser. Nous avons répondu que c’était hors de question, que nous avions loué un bus — une centaine de personne se sont investies financièrement —, et que nous avions bien l’intention de faire quelque chose durant toute l’après-midi. Nous avons demandé à aller à Saint-Germain-en-Laye, où l’équipe féminine affrontait Saint-Brieuc, ce qui nous a été autorisé.
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Au Camp des Loges pour encourager les féminines
Vers 16 heures, le bus aux couleurs du Paris Saint-Germain arrive au Camp des Loges. Une centaine de supporters parisiens se regroupe derrière la bâche de Liberté pour les abonnés, puis descend l’avenue du président Kenedy jusqu’à l’entrée du stade Georges-Lefèvre. Emmené notamment par Viola — le capo des Lutèce Falco —, Ben — président de la Brigade Paris — et Jérémy — président de Liberté pour les abonnés —, le cortège est d’abord stoppé par la police, avant que Simon Tahar, le président de l’association PSG — qui s’occupe de tout le secteur amateur du club, dont les féminines —, ne vienne à la rencontre des supporters parisiens. Selon les informations que nous avons pu recueillir, Tahar aurait négocié avec Robin Leproux l’entrée des supporters au Camp des Loges. Le président du PSG aurait alors donné son accord à une condition : qu’il ne se fasse pas insulter.
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Jérémy et Albin nous décrivent l’arrivée au Camp des Loges :
La police a à nouveau compliqué les choses : ils ne voulaient pas du tout nous laisser rentrer dans le stade ! On se demande bien pourquoi étant donné que c’était un match du PSG ouvert au public et que nous supportons le PSG… Nous avons expliqué à Simon Tahar que nous n’avions pas l’intention de casser quoi que ce soit, qu’il n’y aurait aucun fumigène ni aucun pétard. Encore une fois, tout le monde est resté calme, nous avons attendu le temps qu’il fallait, et nous avons finalement réussi à accéder au stade.
Après une fouille rapide, la centaine de Parisiens s’est regroupée à quelques mètres du stade. Un premier responsable du secteur amateur se présente : « Nous, on n’a aucun problème avec votre venue. Mais tout ce qui se passe aujourd’hui est de notre responsabilité. S’il y a des dégradations, c’est le secteur amateur qui paye. » Les responsables du cortège le rassurent très vite : « Nous sommes là pour montrer notre attachement au PSG, de manière festive, et encourager les filles. Il n’est pas question de dégrader quoi que ce soit… » Le message est rappelé une nouvelle fois au mégaphone : « Respectez le travail des bénévoles. Le PSG, ce sont ces gens-là, bien davantage que les gens mis en place par les dirigeants actuel du club… » Alors que le cortège entonne des chants à la gloire du PSG, Simon Tahar revient à nouveau vers le groupe : « Ne restez pas là, venez encourager les filles ! » La deuxième période vient tout juste de reprendre.
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La tribune est interdite aux supporters, redirigés vers la main courante à gauche des bancs de touche. À peine le groupe arrivé, les filles du PSG inscrivent un but. Le score ? C’est une joueuse, s’apprêtant à faire une touche devant les supporters, qui l’indiquera aux nouveaux arrivants : « On mène 3-0 ! » Durant trois quarts d’heure, les chants à la gloire du PSG se succèdent, entrecoupés de revendications (« Rendez-nous nos abonnements »). Il faut quelques temps d’adaptation pour que les slogans soient personnalisés, mais on y arrive : « Au Camp des Loges, on aime bien les Parisiennes. Elles sont si fortes et si sportives… » Les drapeaux bleu-blanc-rouge-blanc-bleu sont de sortie. Un seul mot d’ordre : « Unis… pour la même passion ». Le score n’évoluera plus : les filles du PSG s’imposent donc 3-0 face à Saint-Brieuc — leur sixième victoire consécutive ! —, et pointent à la troisième place du classement. « Tout s’est déroulé dans un excellent bon esprit, se réjouissent Jérémy Laroche et Albin Queru. Et a priori les joueuses étaient contentes, puisqu’elles sont venues nous applaudir à la fin du match. »
Vers 17 heures, tout le monde quitte le Camp des Loges — sans le moindre incident. Escortés par la police, les supporters rejoignent la porte Maillot, où ils sont invités à se disperser. Comme elle le fait depuis le début de la saison, l’association Liberté pour les abonnés prolongera l’après-midi dans un bar, afin de voir le match PSG-OM.
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PSG-OM dans un bar bondé
Au Players, dans le quartier des Halles, le premier étage est privatisé par l’association. Déjà rempli vers 20 heures, il sera surpeuplé au coup d’envoi une heure plus tard. Au total, ce sont plusieurs centaines de personnes qui se sont rassemblées dans le bar. L’appel de Liberté pour les abonnés a permis de regrouper des Parisiens à la recherche d’un bar animé. Auteuil, Boulogne : toutes les tribunes sont représentées. Un mini-tifo est organisé au coup d’envoi, à base de bâches et de ballons gonflables. Durant les 90 minutes suivantes, les chants raviveront la nostalgie du Parc des Princes des années précédentes. L’étage s’enflamme à chaque action parisienne, scande le nom de Chantôme quand celui-ci montre à Cheyrou que ses provocations ne l’intimident pas ; le sol tremble lorsqu’une grecque est improvisée, sous le regard mi-amusé mi-inquiet de la barmaid. Si certains des supporters qui contestent le plan Leproux souhaitent voir perdre le PSG pour faciliter leur retour au Parc, ce n’était manifestement pas le cas de ceux que nous avons suivi ce dimanche.
En fin de match, le rassemblement improvisé au bout de la rue Montmartre donne un aperçu du monde qui s’était rassemblé. Les chants reprennent de plus belle, et les supporters investissent rapidement le boulevard Montmartre, au désespoir des taxis. Plusieurs fumigènes sont allumés, toujours dans une ambiance festive. À notre départ, aucun incident n’avait été signalé durant toute la journée.