Exclu PSGMAG.NET : malgré la répression qui les vise et la tension entre les différents groupes de supporters, quatre acteurs du mouvement parisien ont accepté de répondre à nos questions. Ce ne fut simple ni pour eux ni pour nous, certains risquant gros à s’exprimer dans le climat actuel.
Un plan liberticide
Le premier est Ben, président de la Brigade Paris. Son association de supporters, jusqu’ici placée en tribune K, est l’une des rares n’ayant pas été dissoute cet été. Interdit de stade depuis la rencontre face à Saint-Étienne le week-end dernier, Ben évoque tout de suite une situation plus grave qu’il n’y paraît.
Le plan Leproux est révélateur d’un problème plus large, qui concerne toute la France. C’est une négation de libertés fondamentales, et ça vient de haut. D’ailleurs Leproux lui-même passe son temps à nous expliquer que tout ça, c’est la faute des pouvoirs publics.
Délire de persécution ? Notre deuxième interlocuteur, Christophe Uldry, est l’ancien porte-parole des Supras Auteuil, aujourd’hui disparus. Les deux hommes ne se sont pas concertés, les entretiens ont été réalisés indépendamment et pourtant, leurs analyses résonnent d’un étrange écho.
Ce qui se passe au Parc et autour du Parc depuis quelques mois est grave. Je l’affirme en tant que supporter mais aussi en tant que citoyen : les mesures prises par le club et les dirigeants politiques vont trop loin. Aujourd’hui, exprimer son mécontentement pacifiquement entraîne une IDS administrative : si ça ce n’est pas bafouer la liberté d’expression !
Notre troisième figure du Parc préfère rester dans l’ombre. Porte-parole improvisé de leaders du mouvement parisien, il donne avec leur accord l’opinion des plus anciens supporters du PSG, ceux qui aujourd’hui encore incarnent le Kop de Boulogne.
Avant de devenir les guignols de Leproux, posez vous les bonnes questions : […] Qui veut se targuer d’avoir fait la « fête » à l’intérieur quand à l’extérieur d’anciens voisins de tribune sont jetés en pâture à l’état policier — quand ça l’arrange — sous les applaudissements de Leproux et de sa triste compagnie américaine ?
Des mentalités distinctes, pour ne pas dire opposées, mais des discours qui se concluent de la même manière. Comment croire à la coïncidence ? Dernier Parisien interrogé, Simon, ex-président des Lutece Falco, pointe lui aussi les incohérences du plan Tous PSG :
Le plan Leproux a été créé sous prétexte de mettre fin à la guerre Auteuil - Boulogne. Ces tensions existent, on ne peut pas le nier et elles sont regrettables. Aujourd’hui, il faut avoir conscience que le décès de Yann Lorence a tout changé.
Mais ce plan, en matière de sécurité, c’est du pipeau. Comment voulez-vous justifier un plan qui écarte plus de 20 000 personnes, juste pour un problème qui en concerne 300 ? Ça ne tient pas debout.
Ben, témoin privilégié de la mise en place du « nouveau virage du PSG », évoque les méthode policières :
Ce qui s’est passé devant le Parc contre Saint-Étienne, c’est une mascarade. J’ai été pris alors que je ne faisais même pas partie de cette manifestation. J’essayais de racheter des invitations pour rentrer au Parc sans verser un centime au club. Là, les CRS nous enferment tous, passants, supporters, familles… Ils ont filtré, laissant sortir les femmes avec leurs gamins, ceux qui avaient une bonne tête, mais moi j’avais un pull « ultra », et ça a suffit.
Dans le car, il y avait un riverain en tongs qui était juste descendu au Monoprix acheter des chips : tu parles d’un hooligan ! Eh bien aujourd’hui, il est IDS quand même. C’est fort ça : IDS sans avoir jamais mis les pieds au Parc. Ce qui s’est passé samedi porte un nom : c’était une rafle.
Pour Christophe Uldry, derrière cela se cache une volonté politique, évidente.
Je ne sais pas si les médias se rendent compte à quel point leur désinformation a valeur de propagande. Ils font le jeu du gouvernement actuel. Au travers de la politique d’Hortefeux, les visées électorales sont claires. Et ce d’autant plus que le PSG est une cible facile.
On retrouve le même malaise à l’égard de certains médias pour Simon :
Le plus incroyable dans cette histoire, c’est que cette propagande, tous les gros médias la relayent. Que le plus important quotidien sportif français ne conteste rien, n’enquête sur rien dans cette affaire, c’est incompréhensible.
Ben confirme le propos :
Autour du Parc, dès aujourd’hui on prépare les élections présidentielles de 2012. Mais le PSG n’est qu’un élément d’un plan bien plus vaste.
Des déclarations qui pourraient prêter à sourire si le journal Le Figaro ne soutenait pas lui aussi cette thèse, dans son article du 10 août : « Après les Roms, les truands grenoblois et les polygames, le ministre de l’Intérieur frappe un grand coup contre les ultras du football. » Le PSG, au cœur d’un vaste plan… On finit par se demander si le présumé délire paranoïaque ne prendrait pas quelques accents de glaçante vérité.
Les motivations du plan : le calme avant la revente
Quant aux véritables motivations du plan Leproux à l’intérieur du Parc, les leaders du mouvement parisien, issus du Kob, songent avant tout à une mercantilisation des tribunes :
Est-il nécessaire de vous faire une liste de toutes les dérives mercantiles déjà entrevues et de celles qui ne manqueront pas de fleurir dans ce stade made in Colony Capital, si le taux de remplissage et l’ambiance dans les virages sont au rendez-vous ? Non ? Alors, dites non au plan Leproux de la plus simple des manières : le boycott. […] Si vous ne respectez pas cette simple consigne, libre à vous de parader avec le fameux lynx digne d’être la mascotte d’une mauvaise équipe de basket universitaire américaine, de jouer au babyfoot avec des oreilles de Mickey dans les coursives ou d’en admirer la triste blancheur.
Pour Ben, de la Brigade Paris, les choses vont encore plus loin :
Le plan Leproux masque le véritable but des opérations. Colony Capital veut attirer de nouveaux investisseurs. La violence, finalement, ils s’en servent comme d’un prétexte. Ce qui leur importe c’est de faire taire le mouvement supporter en tribunes, pour lisser l’image du PSG. Comment motiver un actionnaire s’il a peur de se faire insulter par les tribunes au match suivant ? Alors que si vous aseptisez les virages, vous soignez l’image du club et vous rassurez le futur investisseur : il ne sera pas critiqué, il n’y a plus personne pour ça !
En tribune K, ce n’est pas la violence qui dérangeait : on n’a jamais été impliqués là-dedans. Ce ne sont pas les fumigènes, ils savaient quand on en allumerait. Non, ce sont les banderoles anti-Colony, c’est tout. Après, on nous dit que cette tribune a été incorporée au plan Tous PSG par solidarité… Quelle malhonnêteté ! À ce compte-là, soyons solidaires jusqu’au bout et mettons les places en K à 12 €, comme en virages ! Là on est à 30 € le match.
Simon dessine une analyse quasi jumelle :
Le véritable objectif du plan Tous PSG est peut-être aussi de faciliter la politique de Colony Capital. Ils n’ont jamais caché leur jeu : ce qui les intéresse, plus que le club, c’est d’obtenir le bail du Parc des Princes. La France ayant obtenu l’Euro 2016, ils pourront remettre le stade à neuf, avant de vendre le PSG. Ils n’auront plus qu’à livrer au futur propriétaire un stade vidé de tous ses éléments perturbateurs, ou gênants.
Sans pouvoir apporter de preuve concrète, on ne peut s’empêcher de penser qu’attirer un prochain actionnaire avec un stade complètement maîtrisé, sans ces associations qui contestaient le prix des places, qui voulaient faire respecter une certaine tradition concernant les maillots, etc., c’est comme revendre une entreprise dans laquelle on aurait supprimé tous les syndicats. C’est plus facile…
Colony Capital, qui chercherait avant tout à faire taire les tribunes, pour revendre le PSG dans de bonnes conditions ? Peut-être pas si idiot que ça, surtout une fois que l’on relie les thèses de Ben et de Simon aux propos d’Antoine Kombouaré après Saint-Étienne : « C’est un public bon enfant qui s’est montré enthousiaste quand on allait de l’avant. C’est important qu’il n’y ait pas de cris ou d’insultes contre l’actionnaire. » Colony chercherait donc à bâillonner ses tribunes les plus frondeuses, afin d’assurer aux prochains actionnaires une sécurité totale ? Objectif en passe de réussir, puisque le plan Leproux implique le silence des tribunes, décapitées. En témoignent les consignes données pas les leaders du mouvement parisien issus du Kob :
Qui peut vouloir encourager ceux qui souillent nos couleurs alors que les sonos des virages restent silencieuses ? Pas un chant ne doit partir tant que les capos sont au chômage technique. Ne serait-ce que par respect pour eux et pour tous ceux qui ont contribué à la magie « passée » de ce stade.
Toutefois, la présence massive de forces de police en dehors du stade, les interpellations pourraient refroidir un investisseur. Quand on lui pose la question, Ben, président de la Brigade Paris, réfute l’argument :
Mais qui la présence policière dérange-t-elle ? Certainement pas la préfecture de police : ils imposent au PSG des factures exorbitantes. Pour un PSG-OM, la direction nous expliquait que ça lui coûtait 10 € par supporter ! 400 000 € le match, tout ça pour voir des policiers qui ne servaient à rien. Parce que s’ils avaient fait leur boulot, il n’y aurait pas eu de problèmes, lors de ce fameux PSG-OM.
Un État qui montre les muscles face à une proie facile, un président davantage soucieux de faire de l’argent ou de museler les contradicteurs pour faire les yeux doux aux prochains actionnaires… Le nouveau visage du PSG tel que le perçoivent les principaux acteurs des tribunes du PSG est décidément bien loin de l’image d’Épinal donnée dans les mass media.
Le plan Tous PSG décrypté par les supporters (1/2)
Lutte anti-plan Leproux : mode d’emploi (2/2)