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Le carnet du supporter, par Arno P-E

[Billet] Montpellier 1-1 PSG : les larmes du géant

Voyeurisme télévisuel

mardi 2 novembre 2010, par Arno P-E

[Billet] Montpellier 1-1 PSG : les larmes du géant

Il peut arriver à n’importe qui de connaître un moment de doute. La vie professionnelle dessine parfois des paysages aux contours plus abruptes que souhaité, et lorsque vous ou moi nous nous retrouvons perdus au fond d’un de ces ravins de désespoir, dans notre malheur il nous reste une chance : au moins, pendant ce temps-là, il n’y a pas un gros boulet de Canal+ à tenter de nous fourrer une caméra sous le nez.

Alors qu’il y a peu les Cahiers du Football dénonçaient la dérive des émissions sportives de Canal+, le traitement du match opposant Montpellier au PSG aura donné un nouvel exemple de voyeurisme télévisuel. Quiconque a suivi la seconde mi-temps pourra témoigner du malaise qui a suinté des images proposées par la chaîne cryptée.

Certes, il faut s’incliner devant le devoir d’information. Certes, on doit comprendre que le jeu seul ne sculpte pas l’intégralité de la légende du sport. L’émotion, le drame parfois, la souffrance des hommes grandissent le football. Mais il y a aussi des limites à ne pas franchir. Parce que si un joueur professionnel est une personnalité publique, et si son salaire mirobolant justifie que sa prestation soit disséquée, et même critiquée, il faudrait tout de même garder en mémoire que sous ces maillots, derrière ces contrats, il y a des hommes.

Dimanche soir, c’est tout un système qui s’est repu de la souffrance. Depuis le caméraman qui proposait des zooms toujours plus proches d’un visage crispé par la douleur ; du réalisateur qui a choisi de revenir de manière lancinante, plusieurs longues minutes, sur ces images ; jusqu’aux commentateurs qui se sont à chaque fois attachés à décrire par le menu ce que tout le monde avait compris dès la première seconde : la tristesse infinie de ce joueur. Tous sont complices de cet écœurant acharnement.

Loin des caprices d’une bande d’enfants gâtés de Knysna, il y avait là la douleur d’un homme qui aurait aimé mieux faire pour lui, et pour les autres. La peine, et l’image de la peine, en leitmotiv. Comment ne pas se sentir troublé face à ce spectacle ? Comment ne pas faire preuve d’un minimum d’empathie, et stopper cette démarche voyeuriste ? Pourquoi à Canal+ personne ne s’est juste demandé ce qu’il pouvait ressentir, ce garçon, lorsque ses mains crispées cachaient son visage ? Alors que les commentateurs cherchaient les traces des premières larmes de rage, souhaitait-il que des milliers de téléspectateurs se délectent du spectacle de sa faiblesse ? N’avait-il pas gagné le droit à un minimum de discrétion, de compréhension, ce géant ?

Parce qu’il ne faut pas oublier que nous ne parlons pas ici de n’importe qui : en quelques années, cet homme a apporté au monde du foot certaines valeurs. Il pratique son sport de manière différente. Il offre autre chose. Son comportement sur le terrain pourrait être montré dans pas mal d’écoles de football. Est-ce parce qu’en un sens il est plus grand que d’autres, parce qu’il symbolise un certain jeu qu’il faudrait le remercier en se repaissant d’un moment de faiblesse ? Non, et je crois que pas mal de personnes à Canal+ devraient en avoir honte : car Cyril Jeunechamp ne méritait certainement pas ça !

Alors OK, ce gars symbolise le football du connard, coup de coude dans la tronche et tacle spécial ablation de la malléole, si possible par derrière. Oui, ses coups bas mériteraient de figurer dans toutes les vidéothèques des amateurs de ballon rond au rayon « la honte de notre sport ». C’est un peu la touche Montpellier. Mais tout de même, dans le temps additionnel, quand Sessegnon lui a marché sur le talon, eh bien Jeunechamp a souffert en dedans de son être ! Et c’est dégueulasse de la part du réalisateur d’avoir utilisé les plans où on le voyait masser sa terrible blessure de la chaussette pendant facile trois minutes, tout en hurlant comme un troupeau de cochons que l’on égorge à la petite cuillère (rouillée). Quant aux commentateurs, revenir sur les ralentis montrant Stéphane Sessegnon qui lui effleurait le bas du mollet, c’était donner en spectacle le drame de toute une vie : Jeunechamp il avait vraiment beaucoup bobo à son pié-pied ! Choquant. Heureusement que dans ce monde de brutes, les soigneurs héraultais se sont rués au secours de la victime de la barbarie.

La souffrance de Cyril Jeunechamp

— L’arbitre : Ça va monsieur Jeunechamp ? — Jeunechamp : Aaaaarrggggllllll ! — Sessegnon : Je suis désolé, je lui ai juste marché sur le talon… — Jeunechamp : Gaaaarrggggllllll ! Mon talon ! Je ne sens plus mon talon ! — L’arbitre : Voulez-vous que j’appelle les soigneurs ? C’est qu’il ne reste plus beaucoup de temps là… — Jeunechamp : Ouiaaaarrggggllllll ! La douleur qui m’envahit est vraiment très beaucoup trop intense de partout. — Sessegnon : Pour une fois que je faisais un pressing défensif… — Jeunechamp : Aaaaarrggggllllll ! Froid… J’ai de plus en plus froid ! — Le soigneur : Ça va Cyril ? C’est cassé ? — Jeunechamp : Aaaaarrggggllllll ! Sans doute la perte de sang qui est trop importante. — Le soigneur : Marrant parce que du bord de la touche, j’avais vraiment l’impression qu’il te touchait même pas… — Jeunechamp : Aaaaarrggggllllll ! T’es con ou quoi ? Tu vois bien que j’ai rien… — L’arbitre : C’est à moi que vous parlez ? — Jeunechamp : Noaaaarrggggllllll ! Mais je peux affronter la vérité : à votre avis, il faut amputer ? — Le soigneur : Comme quoi, à force de blesser les autres, c’est bien, t’as pu voir de près comment on faisait semblant… — Jeunechamp : Tagueulaaaarrggggllllll ! — Le soigneur : Non pas que je critique, c’est bien : normalement il n’y a que les soigneurs adverses qui ont du boulot à la Mosson. — Jeunechamp : Lggggaarrrrrr ! Pourrai-je remarcher un jour ? — Le soigneur : Entre Spahic et toi, forcément, les rotules j’ai plus l’habitude de les voir traîner dans la pelouse que encore rattachées à des os. — Jeunechamp : Raaaaaaggggllllll ! Je ne demande même plus de pouvoir récupérer la souplesse de la cheville qui me permettait de faire mon métier… — Le soigneur : Dites monsieur l’arbitre, excusez mon inexpérience, mais je me demandais, faut que je reste combien de temps encore là ? — L’arbitre : Eh bien, ce n’est pas à moi de vous le dire… — Jeunechamp : Aaaaarrggggllllll ! Non, arracher des tibias, je sais que c’est fini pour moi. Je ne rêve plus… Mais marcher, pourrai-je remarcher ? J’ai besoin de savoir ! — Le soigneur : Non parce que s’il faut rester jusqu’au coup de sifflet final, nous à Montpellier ça nous dérange pas, ça fait une heure qu’on n’espère plus que le nul… C’est juste que j’ai peur que les gens se lassent… — L’arbitre : Mais monsieur Jeunechamp va mieux ou pas ? — Jeunechamp : Ggggllllllaaarrrg ! — Le soigneur : Euh… C’est-à-dire que là, présentement, je ne vais plus pouvoir faire grand-chose. Je pensais que vous aviez remarqué qu’en un sens, niveau football, avant même le début du match le cas semblait déjà assez désespéré. — L’arbitre : Alors nous pouvons reprendre le jeu ? — Jeunechamp : Ah ?!? Bah ça va mieux d’un coup. Alors, y a coup franc, non ? C’est ça ?

Se délecter sans réagir de ce spectacle d’indicible souffrance, vraiment, c’était moche. Je ne félicite pas les gars de chez Canal+ moi… J’espère qu’on ne les y reprendra pas.

P.-S.

Crédit illustration : cinemotions.com

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17 votes

5 commentaires ont déjà été postés par nos lecteurs

  • #1

    audio
    2 novembre 2010 10:53

    Excellent, je n’y ai vu que du feu !!!

  • #2

    Charles
    2 novembre 2010 12:09

    Je n’ai pas vu le match, mais les images parlent d’elles mêmes !!!

    Il a l’air de souffrir le martyr, après le match de Lyon et Pied, maintenant Jeunechamp, le catch n’a qu’à bien se tenir !!!

    Est-ce que les commentateurs traduisaient aussi bien la douleur que Arno P-E, parce que là, en lisant le billet, on a mal pour lui…

    Excellent, j’adore.

  • #3

    Arno P-E
    2 novembre 2010 12:15

    Non Charles, je te rassure, les gars de Canal étaient trop occupés à remontrer pour la 746ème fois Hoarau en train de se prendre la tête sur le banc de touche après qu’il eut trouvé le poteau.

    On aura subi davantage de plans des remplaçants parisiens que de ceux qui jouaient pendant la 2nde période.

    Enfin tout ça pour dire que Jeunechamp est un petit être sensible en fait.

  • #4

    Charles
    2 novembre 2010 13:06

    J’espère qu’il ne gardera pas trop de séquelles…

    Honte à Steph d’avoir abîmé ce technicien chirurgical !!!

    En tout ca, grâce à lui, tu es incollable sur le squelette humain…

  • #5

    Zillits
    2 novembre 2010 16:27

    Du grand Arno P-E ! L’atrocite de la scene est delectable.

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