Argggh ! Ça y est, j’ai été obligé de gratter le pare-brise avant d’aller au boulot ! Le truc affreux. Bientôt, on ne verra plus la lumière du jour qu’au travers des vitres du bureau, et il faudra se taper les sujets hivernaux hyper polémiques sur RMC, que tu peux pas t’empêcher de te demander s’ils ne repasseraient pas un enregistrement de janvier dernier :
Est-ce que c’est normal qu’on ne puisse pas jouer quand le terrain est tout glacé, moi je trouve c’est pas normal, que du coup les Sochaliens ont trois matches de retard, et là ça fausse le championnat moi j’dis, pas vrai Captain et on va demander à Jean-Louis ce qu’il en pense qu’en pensez-vous Jean-Louis ? Hum ? Oui… Non… OK ! Alors on va appeler Eusebio Mantecagno, l’ancien Sedanais qui joue aujourd’hui en Ukraine au FC Jmeléjelsk pour savoir si quand il fait froid il met des gants…
Je hais le froid. Faut rentrer la tête dans les épaules, garder le nez sous le blouson, regarder si une plaque de verglas retorse tenterait pas le tacle par derrière. En novembre, il n’y a rien qui va. On ne fait que bosser, on attrape des angines, et en plus il faut manger de la soupe. Bref, on se sent à la merci des éléments. Et ça fait ça à tout le monde : ce matin, quand j’habillais mon fils, il m’a demandé une faveur. Il voulait son slip avec Flash Mc Queen dessus. Enfin celui sur lequel il y a eu Flash Mc Queen parce qu’en l’occurrence, on le lui a lavé tellement de fois celui-là que le rouge est désormais aussi peu rouge que les sièges délavés du niveau bas du Parc. Désormais, le dessin du héros est uniquement perceptible pour les journalistes travaillant à la rubrique transferts de France Football : pour le trouver il faut soit avoir beaucoup d’imagination, ou bien posséder le don de double-vue. Mais bon, le petit, cette culotte aussi usée que la cabine d’U.V. de Paganelli, c’est son slip fétiche.
Quand il le porte, je le regarde partir à l’école… et je me dis que de temps en temps, j’aimerais bien moi aussi avoir un slip de super héros. Parce qu’il faut bien avouer que son slip magique, il marche ! Ces jours-là, monsieur est vraiment persuadé qu’il n’a plus froid, que ceux de la grande classe de maternelle ne vont plus l’embêter, et qu’il y aura des frites à la cantine. Et même s’il y a des épinards, que finalement il se fait balancer du tricycle et que ses doigts sont bleus, ma foi, ce n’est pas trop grave. Au moins il avait son slip magique, et quand je vais le chercher au centre, le soir, forcément trop tard, il me dit que « la journée elle n’était pas si pire que ça ».
Eh bien la victoire du PSG à Toulouse, c’est un peu mon slip magique à moi. Bien sûr que d’ici à Dortmund, il y aura des journées de merde, des feuilles de laitue coincées dans la roue du caddie, des blocus devant le lycée, des abrutis prêts à rouler sur leur grand-mère si cela leur permet de vous griller dans la file d’attente de la pompe à essence… Mais voilà, le Paris Saint-Germain a gagné, et sans contestation.
C’est fou comme un match peut réécrire le scénario des journées qui suivront. Ce sont des flashs qui reviennent : la volée de Giuly, certes bloquée par Valverde, mais son regard vers le ballon, la tension et la volonté qu’on y lit, toute la détermination, son envie de gagner, de percer la balle, tout jusqu’à son geste, magnifique d’équilibre… Ce simple geste donne une énergie pas croyable. Ça et la joie du groupe après le but de Erding. C’est idiot, on lit toujours que le groupe va bien, que cette année attention, les gars sont allés manger une pizza au caviar avec leurs épouses alors c’est un signe, pas comme la saison dernière où ils ne se disaient pas les choses… Mais là, de voir Armand traverser le terrain pour aller féliciter le buteur, de lire le bonheur et le soulagement sur le visage de Hoarau, juste heureux pour son coéquipier… Tous. C’est énorme, et ça fait du bien.
Ce PSG qui gagne, c’est le retour d’une étincelle, l’impression d’une sérénité partagée. Comme si Sakho marchait derrière moi dans la rue. Comme si Tiéné allait découper le premier accordéoniste-bourré du métro comme il le fait d’une vulgaire Niçois. Comme si, la prochaine fois que je raterai quelque chose, Chantôme allait poser sa main sur mon épaule et se contenter d’un clin d’œil. Ça n’est pas grave : on est là, rien n’est irrattrapable, et ensemble on y arrivera. Une équipe, enfin.
Après Toulouse, ce PSG va m’accompagner quelques temps. C’est futile, ça paraît idiot, mais avoir un slip magique, même quand on n’a plus quatre ans, parfois ça fait du bien. Je suis sûr que certains ne cracheraient pas dessus.
— Patron, patron ! Il y a un problème avec le PSG, il faut vraiment que l’on boycotteuh. — Oui, deux secondes s’il vous plaît… José, vous voyez bien que je suis au téléphone ! — Putain, toi, Dassier de mes deux, tu devrais faire attention comment tu me parles, fan de chichourle… — Mais non il n’y avait pas main… Non… Oui ! Mais si, je sais bien que Heinze l’a touchée dans la surface, mais la balle a malencontreusement été renvoyée d’un geste du bras, c’est quand même différent… Mais non !… Écoutez : à Marseille ça ne fait pas main ça ! Il y a tout de même des spécificités locales ici ! José, si vous parlez tout doucement je ne comprends rien, asseyez-vous j’ai presque fini… — OK patron… C’est ça, attends un peu. Je vais te faire une Loïc Rémy dans ta gueule de Parigot, moi. Quand tu auras deux dents plantées dans le gazon tu l’ouvriras moinsse. Tu iras les chercher avec Mickaël Madar, elles seront rangées à côté de sa gourmetteuh. — Quoi Taïwo ? Où ça une faute de Taïwo ?… Non, écoutez, je ne peux pas vous laisser dire qu’il l’a ceinturé tout de même : ici on a le soleil ! — Me faire attendre, quand même. Je sais où tu habites moi, méfie-toi… — Eh bien la prochaine fois vous dites à vos commentateurs d’éviter de tenir ce genre de propos désobligeants en direct, et tout ira bien : au revoir ! Ah… Que me vouliez-vous José ? — C’était pour vous prévenir : au PSG, ils ont une arme secrète. Il faut que l’on boycotte. — Une arme secrète ? Vous voulez dire un peu comme un gaz empoisonné ? — Eh oh, pas d’accusation à la légère môssieur Dassier : pour le coup des vestiaires passés au Baygon, on n’a jamais rien pu prouver. D’ailleurs en fait sur les vidéos c’était même pas moi, c’était juste un type avec des cheveux coupés très courts qui avait le même survêtement que moi. Joli survêtement, d’ailleurs… — Oui, je connais votre passion pour les fibres synthétiques, mais si nous pouvions tout de même en revenir à cette arme secrète : je ne suis pas sûr de bien comprendre. — Tèh fibres synthétiques, je suis pas encore passé à ta maison moi, tu vas voir ! — Pardon ? Je ne comprends rien lorsque vous maugréez dans votre barbe.. — Non, je disais que j’ai lu ça… — Hum… — Oui, euh… On m’a lu ça sur le même site Internet que la dernière fois : il paraît que les Parisiens auraient une histoire de slip rouge magique découpé dans un siège du Parc. Ça les protégerait du froid. Faut boycotter ! — José, je suis dubitatif… — … — Ah, oui : j’oubliais. Voyons voir… Voilà : à mon avis, ces Parigots c’est trop des mythos. Ces fadaises ne me semblent guère sérieuses. Inutile de nourrir de stériles inquiétudes. — Pas sérieux ? Un slip qui aurait été testé par un supporter de RMC en Ukraine ?!? Faut boycotter là ! Ils nous manquent de respect en dedans de la sécurité des supporters qui assurent la fierté de nos joueurs du peuple de l’Ohème quand même ! — Je ne suis pas sûr de vous suivre. Mais dites-moi, sans vouloir changer de sujet, où en êtes-vous de la dernière campagne d’essayage de ces vestes en lycra à damiers que vous trouviez si seyantes ?
Ah… Rien de meilleur qu’un PSG qui gagne. Pourvu que ça dure. Place à Dortmund. Pas facile. Mais avec la confiance, et si tout le monde joue le jeu, qui sait ?