Il y a des rencontres qui nous arrivent nimbées d’un sombre pressentiment. Plus les jours passent, et plus la sérénité vous fuit. Eh bien ce Sochaux-PSG, pour moi, ce n’était pas du tout ça ! Non, j’ai abordé ce petit déplacement avec le calme un peu hautain de celui qui a déjà coché les trois points dans son super planning fantasmé du week-end. Le fameux « plan de marche » que s’il était respecté, au classement Paris gagnerait une bonne dizaine de places d’un coup. Sauf que voilà, vous pouvez invoquer les puissances occultes pour obtenir autant de matches nuls bordelais, de défaites lyonnaises ou tout ce que vous voulez, si pendant ce temps-là Paris se fait ramasser, bah ça ne marche pas ! Alors qu’à la base, le plan, il était plutôt bien.
Bref, un quart d’heure après le début du match, Sochaux n’avait toujours pas quitté sa moitié de terrain. Gillot avait déjà eu le temps de traiter la mère, la sœur et le hamster du quatrième arbitre, le PSG se créait moult occasions… C’est donc le pied léger [1] que je suis parti jogger. Une bonne heure plus tard, le teint rougeaud, la truffe humide et le souffle court digne de Loulou Nicollin, je rebranche ma radio. Là, je sens mon Bruno Salomon tout tendu. Comme si on avait profité de la mi-temps pour lui échanger son slip contre un un autre, trois tailles en dessous.
Bon, allez, faut tenir là, c’est important !
Hou, me dis-je, le PSG ne doit mener que d’un but, la fin du match risque d’être plus délicate que prévue. Sauf que non : en fait on était déjà menés 3-1, et on jouait tellement mal que le journaliste de Radio Bleu 107.1 Île-de-France [2] frisait en fait l’apoplexie.
Du coup, je termine le match au 36e dessous, et au coup de sifflet final il ne me reste plus qu’à passer en mode vigilance orange. Le principe ? D’abord, j’essaye de rationaliser. Après tout, la situation prise avec objectivité n’est peut-être pas si dramatique que cela. Étudions par exemple d’un œil détaché le classement de la L1.
Bon, le PSG est quoi ?… Oh pétard à mèche ! Treizième ? Putain c’est la crise, je me sens pas bien là : je crois que je passe en mode Touboul ! Argggh, au secours, ça monte, je… Kombouaré démission, trop payés — trop payés — trop payés, je…
Non, calmons-nous. Sors de ce corps, démon ! Vade retro Touboulous. Quelques exercices de respiration nous ferons le plus grand bien. Positivons, positivons : certes, le PSG est treizième, mais… euh… mais… Oh, je sais ! Mais avec le même nombre de points que le dixième ! Donc en vrai, c’est presque comme si on était dixième, ça va mieux.
Ouf, tu nous as fait peur sur ce coup-là, sacripant. Enfin… Regardons un peu en bas du classement, histoire de… Ah oui, quand même : on autant de points que le dix-huitième aussi.
Bon, la rationalisation, sur ce coup c’était peut-être pas une bonne idée. Mieux vaut passer en phase deux : proscrire toute confrontation possible avec des gars donnant leur avis sur le match. Donc, on évite à tout prix de tomber sur le Canal Football Club, on zappe les statuts des amis Facebook, qu’ils soient supporters ou non, on débranche RMC et on ne lit pas la presse. Tranquille.
Parce qu’après une telle défaite, qui plus est face au Peugeot FC, il y a peu de chances pour que les analyses soient positives. Or, je ne sais pas si ça vous fait pareil, mais j’ai comme un souci avec les critiques visant Paris. C’est pas que je veuille me couper de la réalité, ou que je sois incapable d’admettre que des choses ne tournent visiblement pas très rond au PSG. Non, le truc c’est que si vous prenez mes propres analyses d’après-match, et que vous les mettez dans la bouche d’un chroniqueur diplômé en cirage de pompes londoniennes, alors il me monte instantanément comme des pulsions propres à me faire interdire de stade pour deux ou trois générations. Que je lise un commentaire d’un pote sur un forum où il explique que « z’ont qu’à mouiller le maillot tous ces cons » et je risque de m’embrouiller avec lui à vie. Alors qu’à la base je pense plus ou moins la même chose. Quant à mes enfants, depuis qu’ils ont lu dans mon regard un possible passage à un régime disciplinaire du type privation de télé, et obligation de reprendre de la soupe, ils évitent les remarques un peu hâtives genre « pourquoi papa il fait la tête, le PSG ils ont encore perdu ? »
Moralité, dans ces conditions-là, le mieux c’est encore le passage en mode « asocial ». Après, faut avouer que prendre ses distances avec un club aussi médiatisé que Paris, c’est pas toujours facile. Et encore, j’ai de la chance, je suis toujours en vacances, ça évite les discussions un peu dangereuses avec les collègues non avertis qui s’étonnent que tu leur aies mordu l’oreille en hurlant parce qu’ils avaient mis en cause l’innocence de Jérémy Clément…
Et puis il faut voir le bon côté : avec ça, il a bien fallu que je passe mes nerfs sur quelque chose. Maintenant mes haies sont taillées, il n’y a plus une feuille dans ma pelouse, j’ai emmené les petits faire trois balades à vélo — sous la pluie c’est vivifiant —, les bacs à linge sales sont vides — en fait fallait séparer les couleurs, toutes mes chemises sont gris-rose, c’est superbe —, et j’ai enfin trouvé le temps de réparer la porte du meuble de salle de bain, celui qui fermait mal depuis trois mois et qui maintenant ne ferme plus du tout, mais là au moins on a davantage de bois pour cet hiver, alors merci qui ?
Ah, qu’est-ce qu’on se sent mieux ! Youpi. C’est bien simple, on devrait perdre face à des équipes de merde plus souvent.
Je ne vais jamais tenir le coup jusqu’au prochain match, moi : avec leur trêve internationale, poireauter jusqu’au 11 septembre, comment vous voulez qu’on y arrive ? J’espère juste qu’au prochain match, on va pas s’amuser à relancer une équipe de désespérés de la vie comme on sait si bien le faire. Voyons ce calendrier… Cinquième journée, alors déjà on reçoit, ça c’est très bien, et nos visiteurs c’est… Arles-Avignon, dernier, aucun point marqué. Bon, je vais retourner tondre moi, sûr que ça a repoussé pendant la nuit.