Jamais il ne me serait venu à l’esprit d’écrire sur le match PSG-Twente. Pas tellement parce que ce soir-là, je me suis fait flasher à la sortie du tunnel de Saint-Cloud, sur le chemin du Parc des Princes. Non. C’est juste que cette rencontre est tellement proche ! Un souvenir, c’est comme un bon vin : avant de pouvoir le juger à sa juste valeur, mieux vaut le laisser vieillir quelques années, non ?
Face à Twente, on a eu un scénario complètement dingue, beaucoup de buts, et la qualification au bout. Le jour d’ouverture de la saison européenne du PSG, se replonger dans cette ambiance ne peut qu’arracher un petit sourire de contentement, bien sûr. Mais ne pouvait-on trouver mieux ? Plus représentatif d’un premier tour de l’UEFA ? Chargé de davantage de symboles, et d’histoire ? Parce que Twente, c’était bien joli, mais l’aventure a pris fin peu après, assez piteusement d’ailleurs. Deux fautes de main grossières de Landreau face à Kiev, et puis s’en va. Sans laisser de traces durables dans les esprits.
Non, à l’aube d’une nouvelle quête en Ligue Europa, je n’aurais certainement pas évoqué Twente. Ni PSG-Real Madrid, d’ailleurs. Trop facile, trop commun, et puis trop printanier. Il faudrait coller à cette fin août pluvieuse. Alors pourquoi pas PSG-Steaua Bucarest ? Quelle meilleure rencontre, quand on évoque un dernier match avant les poules ? Sauf que là encore, le parcours s’est fini sans éclat. Et puis la fessée infligée aux Roumains n’avait de sens que parce que c’était un match retour. Il fallait vaincre ou mourir. Là, ce soir, quoi qu’il arrive, tout restera encore à faire après le coup de sifflet final. Tout le charme des rencontres en aller-retour.
À chacun son histoire, mais si j’avais dû envoyer un texte au site officiel, c’est un soir d’octobre 1992 que j’aurais retenu. Un soir de second tour de coupe UEFA, à Naples. Le PSG affrontait le club de Zola et Fonseca, et je n’étais alors que lycéen. Pas supporter du club de la capitale, plutôt amateur de football. Favorable aux clubs français lors des joutes continentales, parce que ça me paraissait normal. Et puis c’est juste que tout valait mieux que de bosser mes devoirs.
Octobre 1992, c’est un temps où je n’avais pas Canal+. Impossible de vous dire si ce Napoli-PSG était retransmis à la télévision. Pour moi, la question ne se posait pas alors. Je me souviens juste l’avoir suivi à la radio. Pas très fier. Paris ne possédait aucune référence sur le plan européen, et Naples avait de quoi faire peur. Les Italiens ne perdaient pas à domicile, question d’habitude.
Pourtant, ce soir-là le Paris Saint-Germain créait l’exploit, en s’imposant 2 à 0, à l’extérieur. Ces deux buts de Weah, je ne les ai découverts que bien après. Une reprise de volée sur coup franc, et une tête sur corner. Le bon temps où Paris marquait sur coups de pied arrêtés, le bon temps où certains trouvaient le moyen de s’en plaindre.
Et moi, l’oreille collée à cette radio réglée au minimum, radio qui murmurait les ombres des cris d’un commentateur oublié depuis. Mieux valait ne pas se faire repérer par les parents. L’excitation de vivre en direct, et en secret, un moment dont je comprenais bien la rareté. L’impression un peu grisante de faire partie de la petite histoire du club de la capitale.
Après cette rencontre, Paris avait pris une autre dimension. Sur la scène européenne, un peu, mais pour moi, beaucoup. Ce soir-là s’ouvrait en petit la porte qui allait amener le PSG face au Real Madrid, au Parc des Princes. Une nuit de légende qu’un certain Kombouaré graverait pour l’éternité. Plus tard.
En attendant, après ce Naples-Paris SG, j’essayais de refaire surface. Sentiment de manque, de fébrilité. Ma seule pensée : c’est impossible, il va falloir attendre encore deux semaines pour savoir si le PSG va se qualifier ou non ! Saloperie de match retour.
En y repensant, c’est peut-être ce soir d’automne que j’ai reçu ma première dose du virus Rouge et Bleu. Parce qu’à la fin de ce match, si je n’étais pas encore supporter, je n’étais déjà plus simple amateur de ballon rond.
Dix-huit ans plus tard, je me regarde. Toujours amoureux du PSG. Mon club a vieilli, pas très bien. Moi aussi, et pas mieux. Alors quand je pense à ce premier match européen de notre saison, ce soir, c’est vers Naples que je m’envole. En espérant que quelque part, un autre adolescent commencera la rencontre fan de foot, mais la terminera parisien. À jamais.