La France du foot attendait avec impatience la reprise du championnat pour se moquer du Paris SG, voilà qui est fait. En effet, ce week-end, les Parisiens ont… encaissé un but ! Eh oui, ça n’arrive décidément qu’à Paris ce genre de choses.
Pronostics d’après-match
La première journée de L1 avait lieu ce week-end. Le PSG, qui se déplaçait à Montpellier, un promu, a dû se contenter d’un match nul concédé à la dernière seconde, alors que les Parisiens jouaient en supériorité numérique. Une contre-performance donc, mais pas encore de quoi être alarmiste. Pourtant, l’homme qui répond au doux pseudonyme d’Ennio Gnocchi — sans doute issu d’un long brainstorming — tente une analyse complète de cette journée de championnat, sur le site internet de So Foot. À cette occasion, il fait preuve d’une aptitude à l’accumulation de poncifs tout bonnement hallucinante.
N’importe qui ayant déjà vu plus de dix matches du PSG l’avait deviné. À la 94e minute de son match inaugural à Montpellier, promu sans espoir, il était évident que Paris craquerait. Même à 11 contre 10. Même avec un but d’avance. Même avec son coach en tribunes. Et même avec Grégory Coupet dans les buts. L’histoire ? Paris a craqué, perdant deux points qui lui feront sans doute rater l’Europe en fin de saison, un peu de sang froid qui laisse augurer de jolis cartons rouges, et permettant ainsi à la France de se gondoler un bon coup.
Impressionnant, n’est-ce pas ? Notre fan de pâtes fourrées à la pomme de terre nous prouve ici toute sa capacité d’excellent pronostiqueur, puisqu’il nous dit qu’il avait deviné l’exact déroulement du match. Il savait tout Gnocchi, un vrai devin ! Seul bémol, il faut le croire sur parole puisqu’il s’agit bien d’une analyse d’après-match. Il nous dit qu’il savait ce qui allait se passer… une fois que ça s’est passé.
Et si nous n’avons aucune raison de ne pas croire aux capacités surnaturelles de Gnocchi, il est tout de même dommage qu’il n’en fasse pas profiter son entourage. Au lieu de se contenter du titre de meilleur pronostiqueur de l’exact déroulement d’événements passés, il aurait ainsi pu éviter à l’un de ses collègues de trop se tromper. Au milieu d’une grille de pronostics fausse à 80 %, l’article d’avant-matches de So Foot comportait la prédiction suivante :
Pronostic : Montpellier 1-3 Paris SG
Visiblement, ce qui était évident pour Gnocchi ne l’était pas pour tout le monde. Pourtant, pour donner plus de poids à sa vision rétroactive, l’auteur argue que ceci était évident pour toute personne ayant déjà vu plus de 10 matches du PSG. Il reste juste à déterminer quelle est la dizaine de matches à voir pour se faire cette idée-là du club parisien…
Promo sur les poncifs à So Foot
Une chose est sûre, ce rédacteur adhère à l’idée commune qui veut que les déconvenues n’arrivent qu’au PSG. Seul le PSG se fait rejoindre dans les arrêts de jeu, seul le PSG ne profite pas d’une supériorité numérique, seul le PSG a du mal face à un promu. C’est pourquoi, d’après Gnocchi, il était évident que le PSG allait craquer.
Mais sur quoi repose cette impression-là ? Certainement pas sur le passé récent du club. La saison dernière, le PSG n’a encaissé aucun but dans les arrêts de jeu d’une rencontre de championnat. En 2007/2008 ? Un seul, mais qui ne changeait rien au résultat du match. Le dernier but décisif encaissé par le PSG dans les arrêts de jeu date en fait de mai 2007 et d’un PSG-Lyon où Juninho avait égalisé à la 94e minute. Entre temps, il s’est passé plus de deux saisons complètes durant lesquelles Paris a su conserver son avantage — lorsqu’il y avait avantage — dans les arrêts de jeu. Sur ce premier point, l’impression de Gnocchi est donc fausse.
Concernant la supériorité numérique, nous nous sommes révélés incapables [1] de trouver trace d’un match durant lequel le PSG n’aurait pas su gérer une supériorité numérique couplée à un avantage au score plus récent que… novembre 2000, et toujours un PSG-Lyon : cette fois, Steve Marlet avait réussi à égaliser alors que Lyon était réduit à 10. Là non plus, cette contre-performance n’est pas l’apanage du PSG. Au contraire, l’excellent site poteau rentrant nous offre la statistique suivante : depuis 1995, l’équipe qui a marqué le plus de buts en infériorité numérique est… le PSG, avec 22 buts — on se souvient notamment d’une victoire à Nice, avec un PSG mené 0-1 qui marque deux buts à 10, ou d’une victoire face à l’OM dans des conditions similaires. Quant à l’équipe qui a encaissé le plus de buts en ayant au moins un joueur de plus sur le terrain, c’est l’OM. Décidément, on ne peut pas aimer les pâtes et être copain avec les statistiques.
Et pour la dernière vérité absolue de notre auteur préféré, là encore les statistiques sont cruelles. En 2008/2009, le PSG a pris 13 points sur 18 face aux promus, ce qui n’est pas si catastrophique. Mieux encore, les clubs promus ont obtenu en tout 21 victoires face à des clubs non promus, en dehors du PSG. Ce qui signifie que 21 fois, un club a subi l’an dernier l’affront que Gnocchi trouve si comique. Sans qu’il n’y dise quoi que ce soit…
En fait, le docteur poncifs de So Foot n’a pas eu suffisamment de perspicacité pour comprendre que le PSG ne subissait pas tout le temps de telles déconvenues, mais plutôt que les rares fois où cela arrive, le fait est tellement relayé que, dans l’inconscient collectif, cela semble fréquent. Ce n’est pas pour rien qu’on a entendu parler pendant des années du syndrome Clermont alors même que le PSG est un des clubs qui s’en sort le mieux face aux clubs amateurs. « Paris a craqué […], permettant ainsi à la France de se gondoler un bon coup. À croire qu’il ne s’est passé que ça, ce week-end. » Mais qui peut croire ça ? Une chose est sûre : en consacrant un tiers de son papier à « Paris qui amuse la galerie » — rendez-vous compte, encaisser un but en fin de match —, So Foot ne fait que renforcer les idées reçues. Des idées reçues sous forme de vannes, mais des idées reçues tout de même.
So Foot, journal décalé… décevant !
L’auteur conclut donc en certifiant déjà que le PSG ne sera pas européen, et prendra une flopée de cartons rouges — alors que le PSG est officiellement l’équipe la plus fair-play de France [2] —, et surtout que le PSG fera rire. C’est sur ce seul point qu’il voit clair. N’importe quelle anecdote banale ou un quelconque aléa purement sportif deviendront aussitôt ou scandaleux, ou honteux, ou grotesques dès lors que le principal acteur en sera le PSG. C’est comme ça que naissent de nombreuses idées reçues concernant le club parisien. Le PSG ne subit pas plus de défaites honteuses que les autres, n’a pas de comportements plus invraisemblables que d’autres clubs, et les statistiques ne font pas de ce club une exception notable. Dans son fonctionnement et dans ses résultats, le PSG est un club comme les autres. Ce qui diffère, c’est juste la perception et la façon dont toutes les infos le concernant sont relayées.
Sur ces pages, nous avons déjà évoqué So Foot à plusieurs reprises. Nous n’avons a priori rien contre ce journal, ni même sa déclinaison sur le web. Il est juste consternant de voir qu’une rédaction qui se veut décalée et, par définition, différente de ce qui se voit ailleurs, finisse par tomber dans les mêmes travers que tous les autres médias. Le PSG fait vendre, donc on en parle énormément, même quand il n’y a rien à en dire. Les gens aiment bien qu’on se moque du PSG, donc utilisons le maximum d’idées reçues possibles, quitte à ne rien vérifier, et ça passera inaperçu. So Foot pratique donc le PSG bashing, et croit finalement proposer quelque chose de différent. Mais la seule différence tient au langage employé : on écrit comme on parle, pour faire bien, sûrement. Sur le fond, rien ne change. So Foot veut être décalé, donc prend tout à la légère, et tente de faire rire sur tous ses articles. Pour cela, on utilise des grosses ficelles, et les pseudos analyses deviennent alors équivalentes à celles qu’on peut entendre dans n’importe quel talk-show de n’importe quelle radio, voire n’importe quel bistrot… Ou comment le décalage finit par faire rentrer dans la norme.