Dès le passage introductif, un raccourci abusif se glisse, annonciateur de la suite :
Deux ans après leur baptême du feu commun en L1, certains espoirs ne sont même plus dans la capitale.
On croit alors que l’article va traiter des cinq jeunes qui avaient été titularisés ensemble à Valenciennes il y a tout juste deux ans — comme nous l’avions fait sur
ces pages, il y a peu —, mais en fait, passée cette introduction, l’auteur va parler de pas moins de douze jeunes joueurs [
1] lancés entre l’été 2006 et le printemps 2009.
Un vrai fourre-tout qui pourrait avoir du sens, si cela n’avait pas été présenté comme un bilan de joueurs qui ont eu deux ans pour s’imposer.
Sakho, symbole d’un échec global
Le premier a nous être présenté est Mamadou Sakho. Et même lui a le droit de subir une petite attaque en règle :
La confirmation tarde toutefois à arriver car « Doudou » est en fait un diamant brut
Pour
So Foot, Mamadou Sakho, âgé de 19 ans, tarde donc à confirmer. Avec un tel degré d’exigence, on peut d’ores et déjà se demander si cela vaut bien la peine de continuer à lire l’article : si un joueur qui, à même pas 20 ans, est titulaire dans un club français de haut de tableau depuis plus d’une saison et indiscutable chez les espoirs — alors qu’il pourrait encore être appelé dans la catégorie inférieure — est jugé en retard, on sait déjà que tous les autres joueurs présentés seront en état d’échec. Le parti pris est donc annoncé de but en blanc. Pourtant, que faudrait-il pour que Sakho ne soit pas en retard ? Qu’il soit déjà capitaine d’une nation championne du monde ?
L’auteur continue ensuite avec Younousse Sankharé :
Son prêt à Reims devait lui faire du bien, il s’en sort avec une relégation et une baston contre Nîmes. […] Au final, il tourne une pub Nike à chaque match qu’il dispute. Se dirige vers une carrière à la Zairi ou pire, à la Quaresma.
Ou comment, une fois de plus, le jugement semble biaisé. Younousse Sankharé n’a que 20 ans, il a été prêté l’an dernier à Reims pour jouer régulièrement. Ce qu’il a fait, puisqu’il a enchaîné les titularisations, et joué avec la pression du maintien. Il n’y a rien d’infamant à cela, et sous-entendre que sa carrière a pris du plomb dans l’aile uniquement parce qu’il a été prêté à un club relégué est particulièrement réducteur. Quant au coup de la pub Nike, on voit bien que l’auteur perpétue la passion de
So Foot envers les idées reçues : Sankharé s’est nettement calmé sur ce point de vue-là, et ne s’est plus amusé à faire son
elastico depuis un bon bout de temps. Enfin, au sujet du fait qu’il risque de faire une carrière à la Quaresma : rappelons que même si le joueur vit actuellement des heures difficiles, il reste qu’il appartient à l’Inter Milan, qu’il a joué à Porto, Barcelone et Chelsea, et qu’il est international portugais. On a vu pire comme carrière.
David Ngog, attaquant, 20 ans : le soi-disant nouveau Anelka ne s’est jamais vraiment imposé à Paris, se contentant de bouts de matchs et de demi-buts par ci par là. Pourtant Paul Le Guen a cru en lui. Mais face à son insuffisance tactique (le replacement défensif bordel, le pressing, etc.), le Breton comprend la supercherie et se lasse. À mi-chemin du génie un peu gauche et de l’arnaque toute en muscles, Ngog tape dans l’œil de Rafael Benitez qui le fait venir à Liverpool dans l’incrédulité générale
La description de Ngog commence par un impayable paradoxe. L’auteur semble balayer de la main une quelconque similitude avec Anelka, alors que la comparaison est encore aujourd’hui on ne peut plus pertinente : à commencer par ce que même l’article dit, le joueur ne s’est pas imposé à Paris. Il a commencé très jeune, comme Anelka, il a engendré de nombreuses promesses, comme Anelka, est parti très jeune dans un club anglais pour jouer aussi peu au départ, comme Anelka. Pour l’instant, tout concorde [
2].
Autre contradiction : Ngog a paraît-il joué des bouts de matches, et mis des demi-buts — on se demande de quoi il s’agit —, mais la ligne d’après, on apprend que Le Guen a cru en lui… En tout cas, en disant tout et son contraire en deux phrases, l’auteur est sûr d’avoir raison sur au moins un point. La vérité est que Le Guen l’a effectivement titularisé à de nombreuses reprises lors du dernier trimestre 2007, mais celui-ci n’en a pas profité.
Enfin, la description physique du joueur peut laisser penser que l’auteur ne sait même pas de qui il parle : considérer que N’Gog est fait tout en muscle relève d’un grave problème oculaire. Pour preuve voici une photo du joueur, trouvée sur le site de So Foot :
- Photo {sofoot.com}
- Source : sofoot.com
On se demande si c’est au niveau de ses bras longilignes ou de ses cuisses de poulet affamé que l’auteur a vu des muscles.
Vérifier ce qu’on écrit ? Trop dur !
Tripy Makonda, arrière gauche ou milieu gauche, 20 ans : gaucher multicarte, Makonda paye sa polyvalence : solution de rechange crédible à presque tous les postes du côté gauche, il est correct partout mais excellent nulle part.
D’emblée, une erreur grossière que même un stagiaire capable de consulter
Wikipédia n’aurait pas faite : Makonda est né en 1990 et n’a, de fait, pas encore 20 ans. Par ailleurs, le jugement quasi-définitif laisse encore plus que perplexe. Comment peut-on s’étonner qu’un joueur qui a débuté chez les pros en février dernier ne soit pas encore excellent à un quelconque poste ? Y a-t-il vraiment quoi que ce soit d’anormal à cela ?
Larrys Mabiala, défenseur, 22 ans : grand, lent, et moyen des deux pieds. Le Congolais compense par un physique de mutant. Sept matches avec Paris entre 2006 et 2009 agrémentés d’un passage à Plymouth pour une demi–saison 07/08 en deuxième division anglaise, d’où il ramènera une opération du genou, un bilan de zéro match et une rupture de contrat. Toujours à la limite du réveil, Larrys est une énigme. L’an dernier, il squatte le onze une fois. Contre Toulouse où le PSG en prend 4, mais Mabiala marqua le seul but parisien. Aujourd’hui à l’OGC Nice où il joue… le maintien.
Le site de la LFP, qui met à disposition de nombreuses informations statistiques, n’est visiblement pas connu de tous : une simple consultation de la
fiche de Mabiala aurait permis à l’auteur de voir qu’il a connu non pas une mais deux titularisations. C’est du pinaillage, mais quitte à avancer des chiffres, autant qu’ils soient justes, non ? D’autant que le match omis était une victoire deux buts à un face à Nice, où la défense n’avait pas trop souffert… Sans doute le rappeler aurait-il atténué le propos de l’auteur.
Pour le reste, l’auteur avance comme une faiblesse le famélique nombre de matches joués au PSG en trois ans… En oubliant de préciser que la première année, il a été victime d’une longue maladie — une colique néphrétique. Ajouté au prêt à Plymouth puis à sa blessure, cela fait deux saisons quasi-blanches, qui peuvent expliquer son faible temps de jeu, et sa progression tronquée. Mais ça, ce n’est pas dans l’article de So Foot que l’on va l’apprendre.
Granddi Ngoyi, milieu, 21 ans : potentiellement, c’est un futur crack. Faux lent, grand, bon des deux pieds. Granddi a une marge de progression intéressante. Présent dans le groupe depuis trois ans, il va sans dire qu’il n’a jamais confirmé.
Et il va sans dire que
So Foot confirme qu’écrire des articles sans vérifier ses informations est une véritable ligne directrice. Ngoyi a fait sa première apparition dans le groupe pro en août 2007. Vu que nous sommes en octobre 2009, nous ne voyons pas comment le joueur peut être présent dans le groupe depuis trois ans. Quand on sait qu’il a été prêté ensuite une demi-saison à Clermont, on voit en fait qu’il a en fait passé un an et demi, et non trois, à se battre pour une place de titulaire… Précision pas complètement inutile donc.
Par ailleurs, dire d’un joueur de 21 ans qu’il n’a jamais confirmé nous laisse encore coi.
Jean-Eudes Maurice, attaquant, 23 ans : eh oui, celui qu’on croyait être le bébé de la bande a un an et demi de plus que Karim Benzema. Son principal fait d’arme, outre son prénom, est un but à Boulogne-sur-Mer en coupe de la Ligue le mois dernier. Un beau but. Sinon, depuis 2007, Maurice a disputé une vingtaine de matches… de CFA. Le moins doué de tous, clairement.
Ou comment
So Foot nous montre l’étendue de ses raisonnements implacables. Maurice est celui des jeunes présentés qui a débuté en pro le plus tard, il s’agit donc du plus jeune… Et l’on est surpris quand on découvre que ce n’est pas le cas. Pourtant, il n’était pas compliqué de se renseigner, et d’apprendre qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un joueur formé au PSG. Il a été formé à l’UJA Alfortville, et a joué en DH puis en CFA 2 jusqu’à 21 ans — le PSG pouvait donc difficilement le lancer plus jeune. Il a été recruté pour étoffer le groupe CFA — comme Gaëtan Charbonnier l’an dernier —, et le fait qu’il joue quelques matches, et qu’il fasse même gagner l’équipe première, était complètement inespéré au départ. Mais pour savoir tout ça, il faut juste se renseigner un peu.
Une carrière à la Selim Benachour ou Rudi Haddad se profile pour Maxime Partouche, un des nombreux milieux techniques très prometteurs qui sont sortis du Camp des Loges ces dernières années. Cet attaquant de poche s’est surtout signalé par une entrée fracassante au Parc lors d’un match de coupe de France contre Bastia en mars 2008 à l’occasion duquel il avait ébloui de son insouciance technique un public qui avait fini par ovationner ce quasi-inconnu à chaque fois qu’il touchait le ballon. Mais au final, Partouche c’est trois matches joués depuis 2007…
En deux phrases, Partouche passe du poste de milieu de terrain à celui d’attaquant. Une méthode déjà décrite plus haut : à force de dire n’importe quoi, on va finir par tomber sur la vérité. Autre passage amusant : le match contre Bastia en 2008 était sa première apparition chez les pros. Ainsi, dire en conclusion qu’il n’a joué que 3 matches depuis 2007 semble assez déplacé. À ce compte-là, on peut aussi dire que le joueur n’a joué que 3 matches depuis 1995, et rendre le tout encore plus dramatique…
Clément Chantôme, milieu relayeur, 23 ans : le penchant de Mulumbu dans l’équipe championne des moins de 18 ans. Le plus doué de tous, Sakho compris. Fin, belle vision du jeu et technique. Lancé par Guy Lacombe qui lui fait immédiatement confiance, Le Guen utilisera moins « Biactol ». Capable de jouer sur un côté ou dans l’axe, CC n’a pas supporté les arrivées conjuguées de Makélélé et de Clément. Un gâchis… de plus.
Ici on voit la capacité de l’auteur à mélanger toute sorte d’événements. Contrairement à ce qui est écrit, Le Guen a régulièrement utilisé Chantôme, notamment lors du premier semestre 2008, où il a été l’un de meilleurs Parisiens. Et il n’a perdu sa place qu’à l’automne 2008, avec l’arrivée de Makelele certes, mais aussi à cause de blessures à répétitions qui ont tronqué sa dernière saison. Avant cela, il jouait, était souvent titulaire, et ce malgré la présence de Jérémy Clément : l’arrivée de celui-ci ne l’a jamais poussé hors de l’équipe.
En revanche, il faut concéder qu’il s’agit peut-être d’un des seuls joueurs sur lesquels on possède suffisamment de recul pour commencer à émettre une opinion sur la réussite de sa carrière — et encore, à 23 ans, il a toujours le temps de prouver. Mais de là à considérer qu’il s’agisse d’un gâchis, et surtout un de plus, alors que la plupart des joueurs présentés ont au plus 20 ans…
Et pour l’anecdote, mais cela devient une habitude, Chantôme n’a pas encore 23 ans — la même approximation est faite pour Mulumbu, mais à ce niveau-là, on ne relève plus.
Loris Arnaud, attaquant ou milieu droit, 22 ans : sorte d’émule de Fabrice Pancrate, Arnaud est un droitier puissant et maladroit. Pas assez fort néanmoins pour prétendre bousculer la hiérarchie en place, mais assez gauche pour se donner une rupture des croisés qui l’éloigne des terrains depuis octobre.
Passons sur la comparaison avec Fabrice Pancrate qui nous semble assez cavalière — car purement subjectif —, mais plus sur la description de la blessure. D’une part, depuis octobre, Arnaud va mieux, merci pour lui. Il a repris avec la CFA au printemps dernier, et a joué il y a moins d’un mois à Boulogne-sur-Mer. D’autre part, sous-entendre que c’est sa maladresse qui lui a coûté sa grosse blessure doit être particulièrement vexant pour le joueur parisien : lors du match contre Schalke 04, c’est lors d’un choc avec un adversaire — qui n’y est pas allé de main morte — qu’il s’est fait cette grave blessure.
Voilà pour les quelques approximations de cet article. Alors qu’au départ, l’intention n’était pas forcément mauvaise — parler des jeunes Parisiens, et comparer leur parcours —, nous n’avons qu’un amas d’erreurs parfois grossières, et de tournures mises au service d’une seule idée : douze joueurs présentés, il faut que ce soit autant de gâchis. Alors qu’il y avait l’occasion de mettre tout cela en relief en évoquant un sujet intéressant : parmi les autres équipes importantes de L1, combien ont lancé autant de jeunes ces trois dernières années ? Et y en a-t-il beaucoup qui se sont imposés durablement depuis ? À 19 ans, combien réussissent mieux que Sakho ? Les réponses auraient sans doute permis de voir que tout n’est pas à jeter dans cette jeunesse parisienne.
Mais l’auteur a préféré rester sur son idée de base, et nous conforte dans l’idée que le site web de So Foot est bien loin de la réputation avantageuse dont bénéficie le pendant papier. Il ne s’agit que d’une machine à brèves ou articles écrits de la manière la moins consciencieuse possible : du vent, des informations fausses, noyées dans des blagues de mauvais goût. En illustration de ce dernier point, voici le titre de la brève concernant la récent malaise de Bafétimbi Gomis : Gomis comme Foé ?