Retour sur la dernière saison du PSG et l’évolution du club parisien depuis janvier 2007 par le biais de son entraîneur, Paul Le Guen.
2008/2009 : la saison du renouveau
En début de saison, Paris trouve son équilibre
Après toutes ces frayeurs commence alors le chantier la saison 2008/2009. Le gag Michel Moulin ne se prolonge pas, et Colony Capital nomme Charles Villeneuve à la présidence du PSG fin mai. Par ailleurs, l’activité de manager de Paul Le Guen est mise entre parenthèses. Si celui-ci est à l’origine des arrivées de Guillaume Hoarau et Stéphane Sessegnon — toujours dans cette politique de joueurs rentables à moyen terme —, il émet en revanche quelques réserves au moment de conclure les arrivées de Claude Makélélé et Mateja Kezman — mais pas de Giuly. Pour Makélélé, Le Guen a expliqué fin mai qu’il n’avait rien contre sa venue, mais qu’il s’interrogeait sur la pertinence d’un contrat de quatre ans. Dans son livre, Alain Cayzac précisera également que Le Guen ne comprenait pas que les actionnaires disent vouloir réduire les salaires et dans le même temps monter un gros contrat pour Makélélé. Concernant Kezman, Le Guen s’est également expliqué dans L’Équipe : il refusait de valider dans l’urgence un recrutement dont il n’avait pas été tenu au courant, s’estimant mis devant le fait accompli.
Malgré ce mercato sur lequel il n’avait pas complètement la mainmise, Le Guen n’attribue de passe-droit à personne, et fait jouer pleinement la concurrence. Il n’hésite pas à moins faire jouer certains joueurs qu’il avait lui-même choisis — Bourillon et Luyindula en tout début de saison par exemple —, mais sait aussi s’appuyer sur les joueurs dont il n’a pas initié la venue. Makélélé est bien capitaine et joue tous les matches de championnat, Pancrate, après de bons matches amicaux, a de nouveau sa chance en équipe première, et même Kezman, contrairement à la légende, a également le droit à du temps de jeu.
Mais Le Guen se fie avant tout à son opinion, et ne se laisse pas impressionner par une supposée animosité entre son président et lui, ni par les conseils expéditifs de la presse spécialisée. En septembre, selon beaucoup d’experts, il aurait dû mettre Hoarau sur le banc — car trop tendre pour la L1 — ; arrêter d’insister avec Ceara suite à sa mauvaise saison précédente ; mais surtout, chacun avait un avis bien tranché sur le positionnement idéal de Sessegnon (milieu axial, milieu gauche, milieu droit…). Le Guen ne le sait pas encore, mais après un début de saison moyen et plusieurs matches de tâtonnements tactiques, il réussit à trouver son équipe-type lors du match contre Lille. Sessegnon jouera à droite, même si tout le monde le lui déconseille, et le natif de Pencran fait confiance à une paire de deux purs récupérateurs au milieu de terrain. L’équilibre tactique est trouvé et tout fonctionne bien pour cette équipe, qui enchaîne les très bons résultats. L’équilibre est également trouvé en coulisses : Le Guen avouera ensuite qu’après une période d’observation, l’entente avec son président était très bonne, et que tout fonctionnait à merveille entre les deux hommes.
De la rumeur Deschamps à la gestion de la coupe UEFA
Paradoxalement, dans la presse, l’entraîneur breton est bien plus critiqué que lors des saisons précédentes, qui étaient pourtant cataclysmiques. Ainsi Le Guen doit-il faire face à de vives rumeurs qui envoient Deschamps à sa place — L’Équipe en faisant même sa une — et affronter les critiques qui lui reprochent son turn-over en coupe d’Europe, jugeant que Le Guen « fait du mal au foot français ». Personne n’ira le remercier à la fin de la saison lorsqu’il s’avèrera que son PSG est le club qui a rapporté le plus de points UEFA à la France en 2008/2009…
Le Guen parvient toutefois à maintenir le cap, et le PSG arrive alors à enchaîner de très belles performances. Même après le départ de Charles Villeneuve en janvier, le PSG parvient à conserver son rythme impressionnant qui le positionne parmi les leaders de L1 : en février-mars, Paris est resté sept journées consécutives sur le podium. En termes de communication, Le Guen a régulièrement expliqué que son groupe était inférieur à celui de cinq ou six autres équipes, et que la marge de manœuvre était faible compte tenu de l’effectif. Les analystes sportifs n’y voyaient qu’une manière de refuser la pression du titre et de protéger son groupe, voire un cruel manque d’ambition. En fait, Le Guen était juste lucide sur les capacités de son groupe à maintenir ce niveau de performance.
Mi-mars, les résultats déclinent
Car à partir de mars, les résultats chutent, et l’équipe parisienne commence à être sur le fil physiquement. En janvier, le PSG était fier d’être le dernier club français encore présent sur toutes les compétitions ; en mars, le fait de jouer à la fois le championnat, la coupe de France et la coupe d’Europe devient difficile à gérer. Paris sera finalement l’équipe française ayant disputé le plus de matches cette saison. Jouer tous les trois jours, qui plus est quand les concurrents ont régulièrement une semaine entière de repos, pose considérablement problème. En ce sens, le fait que Le Guen aligne son équipe titulaire pour aller défier la modeste équipe de Rodez est globalement incompris — même si cela s’explique par certains facteurs (voir Pourquoi Le Guen a-t-il aligné les titulaires à Rodez ?) —, alors qu’il avait fait tourner dans des matches semble-t-il plus importants. La défaite et le fait que les résultats deviennent de plus en plus aléatoires accréditent cette thèse. Le PSG rate par ailleurs plusieurs tournants importants, de par une usure physique et peut-être mentale. Paris perd contre l’OM au Parc alors qu’ils pouvaient devenir leaders en cas de victoire. Ce soir-là, le coaching de Le Guen est une fois de plus vivement critiqué : il n’a pas fait rentrer de défenseur supplémentaire une fois mené 1-2, alors que le PSG était en infériorité numérique. Mais il est probable que s’il l’avait fait, il aurait été taxé de frilosité par les mêmes journalistes [1].
Plusieurs mauvais résultats s’enchaînent, et ceux qui préfèrent le bouc-émissaire aux réflexions trouvent toujours le même responsable aux défaites. Peut-être en partie responsable par son tempérament calme et son refus de communiquer en dehors des points-presse d’avant et d’après-match — même si, d’expérience, lorsqu’un entraîneur est pris pour cible par la presse, qu’il parle ou non ne change pas grand chose —, le climat devient assez détestable autour de l’entraîneur parisien. Le PSG est éliminé de la coupe UEFA en quarts de finale — le meilleur résultat du PSG depuis 1997 —, une belle performance qui engendre… encore plus de critiques et de frustrations. À quatre journées de la fin, après des fuites dans la presse, le PSG confirme que le contrat de Le Guen ne sera pas reconduit la saison prochaine. Les rumeurs se font de plus en plus insistantes pour savoir qui prendra la relève, quels joueurs sont contents, lesquels le vivent mal, etc. Tout le monde parle d’avenir, et plus personne ne se rappelle que le PSG a encore quatre rencontres à jouer pour s’assurer un avenir européen. La situation devient réellement ingérable pour Le Guen, l’emprise sur son groupe est considérablement réduite, et les résultats ne s’améliorent pas, voire empirent — prouvant au passage que la théorie selon laquelle le groupe était géré depuis le début par Makélélé et Giuly a peu de consistance. Et finalement, pour deux malheureux buts de moins que Lille [2], le PSG doit se résoudre à finir sixième du championnat, sans coupe d’Europe à l’horizon.
La veille de son dernier match, Le Guen accorde une interview à L’Équipe dans laquelle il donne son point de vue sur son passage au PSG. Le timing est clairement discutable. Toutefois, il protège ses joueurs jusqu’au bout, n’adressant de griefs qu’aux dirigeants, Skropeta et Roche en tête. Devant toutes les attaques — souvent malhonnêtes et parfois anonymes en fin de saison — dont il a été victime, le fait qu’il se défende n’est au fond pas si choquant. Même s’il est probable que cela ait eu peu d’incidence sur le résultat du dernier match, il aurait peut-être été plus adéquat d’attendre la toute fin de saison.
Ultime bilan de Paul Le Guen entraîneur du PSG
L’évolution du PSG sous Paul Le Guen
Le Guen quitte donc le club sur ces dernières semaines très décevantes au regard des espoirs qu’il avait su faire renaître jusqu’en mars, et du standing du club. Mais si le redressement du club ne se concrétise finalement pas au classement aussi nettement que les trois quarts de l’exercice 2008/2009 l’avaient laissé espérer, Paul Le Guen a, comme le souligne Sébastien Bazin, le mérite de laisser le club dans une bien meilleure situation que lors de son arrivée. La mission première du natif de Pencran était de sauver le club d’une relégation en L2, celle-ci fut accomplie. Par la suite, et grâce au président Cayzac en 2007/2008, Paul Le Guen a su « tenir le cap dans des périodes difficiles ». Nul ne sait ce que serait devenu le club parisien s’il avait dû encore changer d’entraîneur en cours de saison, mais il y a fort à parier que, comme ce fut le cas par le passé, cela ne se serait pas traduit par la même progression en termes de résultats, quand bien même ceux-ci s’avèrent insuffisants.
En championnat, cette saison est la meilleure depuis 2003/2004. Le club a par ailleurs renoué avec de bons résultats européens pour la première fois depuis 1997, une performance également comparée aux dernières prestations des clubs français dans les compétitions de l’UEFA. Enfin, dans les coupes nationales, le bilan du Breton est très correct : une coupe de la Ligue gagnée et une finale de coupe de France la première saison, une demi-finale de coupe de la Ligue et un huitième de coupe de France la deuxième. Concernant le jeu lui-même, fin avril, Vincent Duluc, le leader de la rubrique football à L’Équipe, écrivait : « Ce PSG, qui est la surprise de la saison en regard de ses errements passés, qui est aussi l’une des deux ou trois équipes à avoir développé le meilleur football cette saison. » Nul doute également que le scénario du match PSG-Twente restera longtemps gravé dans la mémoire des supporters parisiens.
Au-delà des résultats, Paul Le Guen a essayé d’appliquer une politique à laquelle il est resté fidèle : miser sur des joueurs pouvant être revendus avec une plus-value à la clef. Aujourd’hui, le PSG possède dans ses rangs plusieurs joueurs qui apporteront au club une somme non négligeable à leur revente, en tête desquels se situent Sessegnon et Hoarau. Il faut se souvenir que jusqu’en 2006, le PSG avait plus tendance à revendre à perte. Par ailleurs, dans le même ordre d’idées, Le Guen a promu beaucoup de jeunes de centre de formation : Kombouaré aura à sa disposition de nombreux joueurs prometteurs ayant déjà une certaine expérience du haut niveau. Il faut également relever qu’il a initié le nouveau centre d’entraînement — une arlésienne, au PSG — dès son arrivée en janvier 2007. Enfin, si sa communication fait débat, il est tout de même important de signaler que Le Guen a toujours protégé ses joueurs. Même dans son interview finale, il n’adresse de reproches qu’aux dirigeants — Roche, Skropeta et Bazin.
Évidemment, ceci s’apparente à de froids calculs et a de quoi faire fuir l’amateur de football. Le football n’est pas qu’une histoire de rentabilité, de résultats purs, mais aussi de passion, d’épopées, et de beau jeu. Personne n’ira prétendre le contraire. Mais il faut parfois être lucide : le PSG navigue à vue depuis des années, en étant soumis à la dictature du résultat à court terme. Difficile de construire de quoi faire rêver les foules dans un environnement trop mouvementé. Paul Le Guen a certainement commis plusieurs erreurs durant ses deux ans et demi passés au PSG, mais son mérite principal reste d’avoir su apporter au club des bases, d’avoir appliqué des principes, dont pourront bénéficier ses successeurs afin d’avoir peut-être plus de facilités dans leur travail. Pour la première fois depuis plus d’une dizaine d’années, l’entraîneur arrivant n’aura pas à dire qu’il souhaite dégraisser l’effectif, alléger la masse salariale, pousser pour la construction d’un nouveau centre d’entraînement ou développer la formation parisienne — tous les écueils entendus à chaque fois qu’un nouveau coach est arrivé.
Pour conclure, laissons à Paul Le Guen le dernier mot :
J’aurais adoré faire dix ans au PSG, c’est mon club. J’y ai connu des émotions fortes, la grande période Denisot… J’ai vécu cela comme un vrai privilège. […] Je ne me pose pas la question [de revenir un jour à Paris], mais ici, je ne suis pas détesté. Ce n’est pas la première fois que je tourne une page, je sais les tourner. C’est dur de quitter Paris, bien sûr. On ne part pas le cœur léger, mais je ne veux pas me plaindre. Je suis déjà formidablement content d’avoir fait deux ans et demi. J’aimerai toujours Paris. Alain Cayzac disait que c’était un critère pour entraîner le PSG. J’ai au moins celui-là… (Il sourit.)
Ceux-qui se souviennent de la conférence de presse de l’entraîneur parisien après la défaite face à Caen en décembre 2007 n’en doutent pas.
Le bilan chiffré de Paul Le Guen à la tête du PSG
Saison | Joués | Victoires | Matches nuls | Défaites |
---|---|---|---|---|
2006/2007 | 26 | 13 (50 %) | 5 (19 %) | 8 (31 %) |
2007/2008 | 49 | 20 (41 %) | 13 (27 %) | 16 (33 %) |
2008/2009 | 57 | 29 (51 %) | 12 (21 %) | 16 (28 %) |
Total | 132 | 62 (47 %) | 30 (23 %) | 40 (30 %) |
Le bilan des entraîneurs du PSG depuis 1970
Paul Le Guen a dirigé le PSG durant 132 matches officiels depuis son arrivée en janvier 2007. C’est le premier à dépasser la barre des cent matches depuis Luis Fernandez (2000-2003) [3]. Seuls Georges Peyroche (169 matches de novembre 1979 à juin 1983) et Artur Jorge (144 matches de juillet 1991 à juin 1994) ont enchaîné plus de rencontres au cours d’un même mandat.
C’est par ailleurs le seul entraîneur de l’histoire du Paris SG a avoir connu autant de présidents : d’Alain Cayzac en janvier 2007 à Sébastien Bazin depuis février 2009 en passant par Simon Tahar (avril/mai 2008) et Charles Villeneuve (de mai 2008 à février 2009), Le Guen fut sous la responsabilité directe de quatre personnes différentes en seulement deux ans et demi !
Périodes | Entraîneurs | J | V | N | D | Points | Moyenne |
---|---|---|---|---|---|---|---|
mai 1977 - juin 1977 | Ilja Pantelic et Pierre Alonzo | 5 | 3 | 2 | 0 | 11 | 2,20 |
octobre 1979 | Pierre Alonzo et Camille Choquier | 3 | 2 | 0 | 1 | 6 | 2,00 |
juillet 1994 - juin 1996 | Luis Fernandez | 113 | 68 | 21 | 24 | 225 | 1,99 |
juillet 1972 - juin 1973 | Robert Vicot | 35 | 20 | 9 | 6 | 69 | 1,97 |
juillet 1991 - juin 1994 | Artur Jorge | 144 | 78 | 44 | 22 | 278 | 1,93 |
juillet 1996 - mai 1998 | Raymundo Ricardo Gomes et Joël Bats | 106 | 54 | 24 | 28 | 186 | 1,75 |
novembre 1979 - juin 1983 | Georges Peyroche | 169 | 84 | 38 | 47 | 290 | 1,72 |
juillet 2003 - février 2005 | Vahid Halilhodzic | 80 | 36 | 27 | 17 | 135 | 1,69 |
juillet 1988 - juin 1990 | Tomislav Ivic | 86 | 41 | 21 | 24 | 144 | 1,67 |
juillet 1983 - avril 1984 | Lucien Leduc | 38 | 17 | 12 | 9 | 63 | 1,66 |
juillet 1973 - août 1975 | Just Fontaine et Robert Vicot | 96 | 45 | 24 | 27 | 159 | 1,66 |
juillet 1985 - octobre 1987 | Gérard Houllier | 106 | 49 | 28 | 29 | 175 | 1,65 |
15 janvier 2007 - 30 mai 2009 | Paul Le Guen | 132 | 62 | 30 | 40 | 216 | 1,64 |
mars 1999 - décembre 2000 | Philippe Bergeroo | 75 | 35 | 16 | 24 | 121 | 1,61 |
9 février 2005 - 26 décembre 2005 | Laurent Fournier | 36 | 17 | 7 | 12 | 58 | 1,61 |
décembre 2000 - juin 2003 | Luis Fernandez | 131 | 57 | 40 | 34 | 211 | 1,61 |
juillet 1969 - juin 1972 | Pierre Phelipon | 105 | 45 | 32 | 28 | 167 | 1,59 |
juillet 1976 - mai 1977 | Vélibor Vasovic | 38 | 18 | 6 | 14 | 60 | 1,58 |
avril 1984 - mars 1985 | Georges Peyroche | 41 | 17 | 8 | 16 | 59 | 1,44 |
février 1988 - juin 1988 | Erick Mombaerts et Gérard Houllier | 16 | 6 | 5 | 5 | 23 | 1,44 |
juillet 1990 - juin 1991 | Henri Michel | 41 | 15 | 12 | 14 | 57 | 1,39 |
septembre 1975 - juin 1976 | Just Fontaine | 41 | 15 | 12 | 14 | 57 | 1,39 |
26 décembre 2005 - 15 janvier 2007 | Guy Lacombe | 54 | 18 | 20 | 16 | 74 | 1,37 |
novembre 1978 - octobre 1979 | Vélibor Vasovic | 34 | 12 | 8 | 14 | 44 | 1,29 |
juillet 1977 - août 1978 | Jean-Michel Larqué | 48 | 17 | 11 | 20 | 62 | 1,29 |
juillet 1998 - octobre 1998 | Alain Giresse | 11 | 4 | 2 | 5 | 14 | 1,27 |
octobre 1998 - mars 1999 | Artur Jorge | 23 | 6 | 9 | 8 | 27 | 1,17 |
avril 1985 - juin 1985 | Christian Coste | 16 | 5 | 3 | 8 | 18 | 1,13 |
septembre 1978 - novembre 1978 | Pierre Alonzo | 11 | 3 | 3 | 5 | 12 | 1,09 |
octobre 1987 - février 1988 | Erick Mombaerts | 10 | 1 | 4 | 5 | 7 | 0,70 |