Daniel Riolo, qui participe quotidiennement à l’After Foot sur RMC, et vient de cosigner Pauleta, un livre d’entretiens avec le meilleur buteur de l’histoire du PSG, n’a jamais caché sa passion pour le club de la capitale — fait quasi-inédit dans le milieu des journalistes sportifs. Après avoir passé de longues années dans les tribunes du Parc, il a publié plusieurs ouvrages sur l’histoire des Rouge et Bleu [1]. Depuis le début des années 2000, il a mené en parallèle une carrière de journaliste à la radio [2] et à la télévision [3].
La patte Riolo
La marque de fabrique de Daniel Riolo, c’est son franc-parler. Adepte du coup de gueule, le journaliste montre un sens de la répartie et une volonté de ne jamais user de la langue de bois qui font merveille lors des émissions de débats. Spécialiste du Paris Saint-Germain, dont il a fréquenté à la fois le Kop de Boulogne et les tribunes de presse, Daniel Riolo ne mâche jamais ses mots quand il s’agit d’évoquer le club de la capitale.
Toutefois, et c’est bien là ce qui pose problème, on peut se demander dans quelle mesure ses convictions de supporter ne viennent pas, parfois, prendre le pas sur sa mission de journaliste. Lorsqu’il participe à l’After Foot, Daniel Riolo n’est pas un anonyme pris au hasard au standard de la radio. C’est un journaliste accrédité, soumis à une éthique stricte. Sa voix possède à ce titre davantage de poids que celle d’un amateur éclairé ayant vu le match à la télévision : Daniel Riolo est un professionnel de l’information. Or, et c’est justement sa patte, il a tendance à se laisser dépasser par ses émotions. Voici un extrait [4] où il avoue lui-même être « fou de rage », et avoir besoin de « tout lâcher » :
- Riolo dans l’After Foot (extrait #1)
Il n’y a que Lyon, les autres « font tout à l’envers »… sauf Bordeaux ? Daniel Riolo hésite, il ne nie pas… Seulement voilà, au moment où se tenait l’émission, Bordeaux pointait à la sixième place du classement de la L1, derrière Lyon, mais aussi Nice, Marseille, Rennes… et Paris. Le PSG dont la situation sera décriée tout au long de l’émission.
On pourra toujours répondre que les résultats bruts n’expliquent pas tout, qu’il y a bien d’autres facteurs à prendre en compte pour juger du niveau d’un club. Lesquels ? Difficile à dire puisqu’au vu de ce qui a été dit lors de cette émission, pour Daniel Riolo, en ce qui concerne Paris — qui vient de concéder un match nul —, le mauvais résultat du soir éclipse toute autre considération !
- Riolo dans l’After Foot (extrait #2)
- Riolo dans l’After Foot (extrait #3)
Pour Daniel Riolo, à Bordeaux, le classement actuel — modeste en regard de celui de la saison précédente et de l’enveloppe consacrée au recrutement — n’empêche pas le bilan girondin d’être encourageant. En tout cas, la question se pose et le journaliste de RMC ne la rejette pas immédiatement. Pour Paris en revanche, la soirée ne peut qu’être mauvaise puisque le score final n’est pas à la hauteur. Là, seuls les résultats comptent.
Cette dichotomie entre le club fétiche du journaliste-supporter et les autres équipes pose question. Daniel Riolo ne parvient pas à juger le PSG comme il le fait de ses concurrents.
Un journaliste peut-il convaincre ?
Le travail de journaliste consiste à relayer une information brute, bien sûr, mais également à mener l’opinion à ouvrir les yeux sur certains problèmes méconnus. Sans journaliste, pas d’Affaire Dreyfus, pas d’images de la place Tian’anmen, et pas de prise de conscience de ce qui peut se passer au Soudan, par exemple. S’il s’agit évidemment là de références bien plus graves que celles qui occupent en général les journalistes sportifs, Daniel Riolo possède lui aussi sa marotte : afficher au grand jour ce qu’il pense être le problème Paul Le Guen.
Forcément mieux informé que le commun des supporters, le journaliste de RMC ne cache nullement son intime conviction : pour lui, l’actuel entraîneur du Paris Saint-Germain pénalise son club, et il en faut convaincre les auditeurs.
- Riolo dans l’After Foot (extrait #4)
Mais les arguments présentés ici pour étayer son opinion relèvent de la subjectivité… voire de la spéculation. Que sait vraiment Daniel Riolo du travail de Paul Le Guen ? L’a-t-il vu remplir ce cahier d’épicier, ou bien faut-il y voir une image ? Difficile à dire pour un auditeur : quand un journaliste vous parle, on fait légitimement confiance. Ensuite, comment Daniel Riolo peut-il savoir ce qui fait rêver les supporters du Paris Saint-Germain ? Mais parce qu’il en est un, bien sûr !
C’est là qu’apparaît toute l’ambiguïté du personnage : on a d’une part un jugement sportif sur Le Guen, une critique très dure de sa gestion des matches, pour lesquels on imagine qu’il a fait appel à sa raison, mais ils sont suivis d’une remarque d’un registre purement sentimental où il parle de rêver, d’avoir des émotions. Le journaliste et le supporter.
La méthode est d’autant plus étrange que les deux arguments se réfutent facilement : d’une part l’ensemble du Parc des Princes venait tout juste de vivre de très belles émotions trois jours auparavant en devenant la deuxième équipe de L1 à battre Lyon, la fabuleuse ambiance en tribunes prouvant bien que Le Guen est capable de faire rêver, et d’autre part Rolland Courbis, un autre chroniqueur de l’After Foot, déclarait lui-même début 1999 reporter les matches de l’OM sur un calendrier afin d’en cocher les journées et prévoir des plages de repos à intervalles réguliers pour Laurent Blanc. Rolland Courbis était-il pour autant un épicier du football ?
Convaincre son auditoire, l’aider à prendre conscience d’un problème, d’un malaise est sain. Mais encore faut-il que les raisonnements employés soient logiques, ou à tout le moins que le journaliste fasse preuve de bonne foi dans sa critique. Or, ça n’est pas toujours le cas de Daniel Riolo lorsqu’il évoque Paul Le Guen :
- Riolo dans l’After Foot (extrait #5)
On assiste là à l’exemple type du manque d’objectivité du journaliste de RMC à chaque fois qu’il parle de l’entraîneur du Paris Saint-Germain : s’il n’y a aucun souci pour lui coller sur le dos le premier match nul venu après une série de quatre victoires consécutives, en revanche Daniel Riolo dénie à Paul Le Guen le droit à la moindre reconnaissance (« il a tout foiré »). Gagner est donc la moindre des choses, c’est normal pour un entraîneur diplômé, mais concéder un nul après avoir voulu économiser les forces de certains titulaires relève de l’erreur inacceptable.
Comment un journaliste sportif peut-il oublier que dans un match de football professionnel, il y a deux entraîneurs diplômés qui s’affrontent ? En cas de victoire, le premier a simplement fait son travail, alors que l’autre a failli ? Avec un tel schéma de pensée, comment accorder le moindre mérite à quelque entraîneur que ce soit ? Rappelons tout de même que le PSG était ce soir-là cinquième de L1 ! Que faut-il dire des coaches situés derrière au classement, si Paul Le Guen n’a rien réussi (à part mettre une écharpe par temps froid) ?
À trop vouloir convaincre que son opinion est la bonne, le journaliste-supporter en vient à invoquer des raisonnements très limites, et ainsi à perdre une grande part de sa crédibilité.
Daniel Riolo est-il malhonnête ?
En écoutant l’After Foot, les interventions de Daniel Riolo transpirent la passion, voire la souffrance que lui procure un club qui n’emprunte pas le chemin qu’il souhaiterait lui voir suivre. Mais le travail de journaliste peut-il s’accommoder de tels élans ? L’affection que nourrit Daniel Riolo pour le PSG peut-il l’amener à déformer la réalité ?
- Riolo dans l’After Foot (extrait #6)
Cet extrait est révélateur de la collusion entre méthodes journalistiques et appétit de fan. La citation : « Comme d’habitude Paul Le Guen a eu raison » contre laquelle s’élève Riolo est tirée d’un article de Dominique Sévérac, publié le 25 novembre. Daniel Riolo procède là à un pur travail journalistique : citation, puis analyse critique. Sauf que sa citation est fausse…
Alors certes, seul un mot en est changé et on pourra toujours prétexter l’erreur involontaire, mais en modifiant le début de la phrase, c’est tout son sens que Daniel Riolo modifie… en faveur de sa thèse. L’écrit de Sévérac commençait par : « C’est une nouvelle fois Le Guen qui a raison : il ne faut pas s’emballer. » Et là où le journaliste de RMC évoquait une presse affidée à Le Guen, lui donnant systématiquement raison, il n’y a qu’un article précisant qu’il était déjà arrivé à Le Guen d’être dans le vrai auparavant. Une nouvelle fois contre comme d’habitude, c’est la même différence qu’entre parfois et souvent.
Mais dans l’esprit de Riolo, il ne semble là encore pas possible que l’on puisse trouver une seule qualité à Paul Le Guen. Il le dit lui-même : « Comme d’habitude de quoi ? Mais de quoi ? » Toute la question est de savoir si cette déformation de la réalité, certes légère, relève du lapsus, de l’acte manqué ou plutôt d’une volonté de rallier les évènements à son avantage, en les pliant pour qu’ils cadrent avec son opinion.
Opinion d’ailleurs inexacte puisque contrairement à ce qu’affirmait Daniel Riolo, le Parisien — censé cirer les pompes du PSG et de sa direction — n’a guère trouvé d’excuses au club sangermanois. Son article du lendemain débute par ces propos mérités :
On ne peut pas encore écrire que Paris s’est éliminé tout seul. Mais ce n’est sans doute qu’une question de temps. Mercredi prochain, sur la pelouse de Manchester City, il se trouvera exactement dans la situation qu’il souhaitait éviter : jouer sa qualification à l’extérieur, qui plus est chez le leader invaincu du groupe. Et il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
Si les imprécisions erronées et les affirmations péremptoires du supporter-journaliste de RMC jettent le trouble, les méthodes employées au fil de l’émission en font tout autant : Daniel Riolo multiplie ainsi les interventions orientées, et distille nombre d’allusions visant le PSG. Alors que son acolyte passe en revue les résultats du jour et aborde Milan, Daniel Riolo trouve le moyen de revenir sur son terrain fétiche :
- Riolo dans l’After Foot (extrait #7)
Cette petite remarque concernant Milan, qui lui « ne snobe rien du tout et fait ce qu’il faut faire » vient juste après les nombreuses diatribes expliquant que Le Guen avait lâché la coupe UEFA en alignant une équipe à demi-remaniée. Équipe que Daniel s’obstinera d’ailleurs à qualifier de bis, là où les autres parleront de mixte, on appréciera la nuance…
Pour l’auditeur, la cible à peine voilée de l’allusion relève donc de l’évidence… tout comme le fait qu’un PSG, avec son budget de 75 M€, ne peut appliquer les mêmes méthodes que l’AC Milan, avec ses 212 M€ de budget !, aurait également dû le faire.
Pourtant, personne ne commentera cette pique adressée au Paris Saint-Germain. Ces propos ont pourtant de quoi étonner : pourquoi une telle sortie, si ce n’est pour venir à tout prix établir une comparaison en la défaveur du club de Paul Le Guen, même tirée par les cheveux ?
Plus tard dans la soirée, Daniel Riolo reviendra encore une fois remettre Paris sur le tapis, alors qu’un auditeur stéphanois parlait cette fois du classement de Saint-Étienne, leader de sa poule européenne.
- Riolo dans l’After Foot (extrait #8)
On a donc là un journaliste qui prête à un entraîneur la volonté de ne pas faire mieux que troisième. Puis il lui met en bouche des propos qu’il n’a pas tenu (« comme ça [Le Guen] pourra se faire éliminer en disant que… »). On est loin de la volonté de mener ses auditeurs à une prise de conscience à partir de faits établis, et concrets. Il s’agit tout bonnement de spéculations, d’interprétation… voire de désinformation.
- Riolo dans l’After Foot (extrait #9)
Et voilà : sous prétexte de convivialité, d’une approche détendue, mâtinée de second degré et d’une pointe d’exagération humoristique, plus c’est gros plus ça passe. Et le Paris Saint-Germain, moins d’une heure après le coup de sifflet final a vu un nul certes décevant se métamorphoser en défaite ! On parlait du niveau du championnat belge ? Réaction de Riolo : « le 10e du championnat d’Espagne vient de battre l’extraordinaire Paris Saint-Germain… » Rayon désinformation, on a du mal à faire pire.
Faut-il voir là une volonté manifeste d’induire en erreur, de tromper ? La thèse du complot est trop facile : Daniel Riolo n’est sans doute pas malhonnête, mais emporté par sa fougue. À force de vouloir persuader à tous crins, et d’endosser son rôle dogmatique d’anti-Le Guen primaire, il en vient lui-même à s’auto-persuader que rien ne va au Paris Saint-Germain. Et si tout n’est pas rose pour le club parisien, une fois assommé par la méthode Riolo, faite d’exagérations, de multiplication des attaques, d’une négation systématique de tout mérite au coach parisien, il suffit d’une heure pour transformer un nul en défaite sans que personne ne réagisse autour de lui.
Pour prendre la pleine mesure de l’impact des discours de Daniel Riolo, il faut souligner que ces extraits n’ont été tirés que d’une unique émission, alors que l’After Foot a lieu cinq fois par semaine ! Alors Daniel Riolo, supporter ou journaliste ? Chacun se fera sa propre opinion.
Tiens, tu savais que Panionios avait recruté Recoba ?