La réalité comptable grave sa loi dans le marbre : au classement de la L1, seule la victoire est belle. OK. Alors après un nul à domicile contre Rennes, il fallait chercher les trois points en terre ch’ti. Ce fut chose faite. Deux à zéro, le compteur tourne, merci ma bonne dame, par ici les trois points.
Sauf qu’à y regarder de plus près, vous me permettrez une petit mou dubitative. Une de celles dont Pierre Ménès a le secret à chaque fois que la si blonde Isabelle Moreau ouvre la bouche. Parce que vous m’excuserez mais ce Lens-PSG, il y avait quand même à redire. Ne serait-ce qu’au niveau du jeu ! Le symbole, ce sont d’ailleurs ces deux buts. Quel supporter pourrait se contenter de gagner avec ce type de buts ? Enfin bon, l’un des deux, ça va, mais l’autre, franchement, il n’y a pas de quoi pavoiser. C’en est presque inquiétant ce type de victoires. Parce qu’on sait comment ça se passe au PSG : quand on perd, on n’analyse rien, on voit tout en noir, et c’est la crise ; mais quand on gagne… on n’analyse rien, on se croit champions du monde, et trois journées plus tard, c’est la crise.
Là, je suis désolé, mais il faut tirer la sonnette d’alarme : tant qu’on devra nos victoires à un but de ce genre, il faudra éviter de pavoiser. On peut même être déçus. Oui, déçus, j’ose le mot ! Franchement, ce but de Nenê, ça ne va pas du tout.
…
Bah quoi ?
Non parce que le premier but, finalement, il n’y a rien à redire. Un vrai CSC de ce genre, je n’en avais pas vu depuis des années. Pourtant, au Parc, on a pratiqué l’exercice, comme tout le monde. Mais là, des gars qui vont jusqu’à contrer leurs propres dégagements sur la ligne pour être vraiment sûrs de se la mettre tout seuls, j’avoue qu’en plus de quinze années de suivi du PSG, ça me semble être de l’inédit. Grand respect pour les Lensois. Des tirs déviés, des têtes plongeantes du latéral premier poteau, des dégagements foirés lob-lucarne, des fautes de main, des passes en retrait avec effet taupe-inside, tout ça, c’est du classique finalement. Là, est-ce que ce sont les peintures du Louvre qui les ont inspirés je ne sais pas, mais cet autogoal lensois, c’était du grand art.
Alors que le but de Nenê… Et vas-y que je te fais un contre, avec des passes, des remises, du jeu dans le petit périmètre, un ballon piqué… N’importe quoi. Eh oh, on n’est pas à Nantes là, on n’est pas obligés de faire tourner la baballe une demi-heure avant de frapper au but ! En plus, Nenê est même pas hors-jeu…
Sur le direct, j’y croyais, je me suis dit que c’était bon, qu’on aurait un vrai petit but non valable pour se faire détester des autochtones. Je voyais déjà le maire de Lens saisir la haute cour de justice ou la cour européenne des droits de l’homme, le rêve ! Mais non. Leur saloperie de révélateur a révélaté la triste vérité [1] : même pas de hors-jeu. OK, ça s’est joué à rien, mais les faits demeurent. Amers… Froids… Le but était bien valable.
C’est vraiment dommage parce qu’il ne manquait pas grand-chose pour que ce match s’élève vers le sublime. Déjà, à l’heure de jeu, quand Demont a manqué de doubler le score d’une merveille de déviation qui frôlait ses buts, j’ai senti un frisson m’envahir. Avouez que ça aurait été énorme. Que ça aurait eu une gueule pas possible : Paris, vainqueur 2 à 0 sans même avoir marqué une seule fois. L’équipe qui transcende le concept du but de raccroc. Le truc qui n’arrive jamais. Les mecs n’auraient même pas osé fêter leur première victoire en quatorze déplacements de peur de passer pour des blaireaux ! La presse nous aurait taillés, et tout ce que la France possède d’humoristes drôles se seraient attachés à nous expliquer que « y a vraiment qu’au PSG que ça arrive »… Que du bonheur quoi !
Et au lieu de ça, voilà, on se tape l’interview de Nenê sauveur de l’humanité, alors même qu’il n’a pas dû réussir quatre passes de la partie. Fait chier ! Toutes ces merveilles de conversations de machine à café dont on se retrouve privé, juste pour un contre son camp qui loupe le cadre, ou un but vraiment valable…
— Dis-donc, j’ai vu le match du PSG hier… Toi qu’es Parisien, t’as pas trop la honte ? — Bah non, pourquoi ? — Je sais pas : marquer comme ça, des buts de raccrocs… Moi, j’aurais pas aimé. — Alors ça va, impeccable ! — Comment ça, « ça va ! » ? — Oui, tu devrais nous remercier finalement : plutôt que de gagner et d’avoir honte, tu vois, grâce à nous tu as perdu, ton équipe est relégable, mais l’honneur est sauf. Heureusement qu’on était là pour vous rendre service. — Non mais t’es pas inquiet pour le reste de la saison ? Parce que gagner à cause de son adversaire, c’est pas bon, non ? — D’un autre côté, je crois que je préfère encore gagner à cause d’un Lensois que perdre grâce à un Parisien. Disons que là, je serais peut-être plus inquiet si on était dix-neuvièmes, mais comme vous vous êtes dévoués… — Sauf que niveau efficacité du coup, ça va pas rendre leur confiance à vos attaquants ! Alors pour la coupe d’Europe… — Ceci dit, c’est pas vraiment de notre faute si nos adversaires éprouvent le besoin de ne cadrer que lorsqu’ils tirent dans leurs propres buts ! Hoarau et Erding n’ont même plus besoin de courir pour qu’on gagne maintenant… (soupir)
Au lieu de ça, pas le moindre scandale. Même pas une petite affaire de double-identité à révéler. Rien. C’est ballot de passer juste à côté d’une soirée magnifique comme ça, et de la voir s’enfuir pour quelques centimètres. C’est qu’on a une réputation de connards à défendre nous. Comment on va faire maintenant, si on se met à gagner nos matches sans qu’il n’y ait rien à redire ?