En mai 2010, Julien a créé le site tousabonnes.com, en réponse au site touspsg.fr, lancé par le PSG en marge de l’annonce de la suppression des abonnements en virages et quarts de virages.
Interview réalisée mercredi 4 août 2010.
Genèse et fonctionnement de tousabonnes.com]
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Julien, j’ai 25 ans. Je suis analyste programmeur dans une société informatique à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). J’habite à Montreuil (Seine-Saint-Denis) depuis un an environ, après une enfance passée dans le Val-d’Oise.
Depuis quand êtes-vous supporter du PSG ?
Mon père étant professeur d’EPS, j’ai toujours baigné dans le sport. Par ailleurs, mon grand frère supportait déjà le PSG. J’ai donc toujours eu les couleurs rouge et bleu à mes côtés. Je suis allé voir mon premier match au Parc en 2000 pour les « trente ans » du club. Nicolas Anelka a inscrit un doublé ce soir-là, contre Bastia. Mon père nous avait payé les places — à mes frères et moi — et accompagné. Nous étions en tribune A. L’ambiance était grandiose, le spectacle en tribune accompagnait celui sur la pelouse. C’est à ce moment-là que je suis tombé amoureux du Parc des Princes. Nous y sommes retournés pour quelques grands matches. À l’époque, nous ne réunissions pas les « conditions pratiques » nécessaires pour prendre un abonnement : jeunes, sans permis, à 1h30 du Parc en train… Pas simple. Je me suis abonné à Auteuil en 2007 avec mon petit frère et un ami commun. Auteuil était pour nous une évidence car c’était là que se trouvait la meilleure ambiance à nos yeux, et aussi à cause de la politisation de certains éléments du Kob. Nous nous sommes placés vers les Supras Auteuil, sans jamais nous carter. Nous ne faisions pas les déplacements.
Pourquoi avez-vous créé le site tousabonnes.com ?
Je voudrais d’abord rappeler le contexte de la fin de saison dernière : quelques jours avant le dernier match, nous avons appris dans le Parisien la volonté du PSG de supprimer les abonnements en virages pour la saison suivante. Je suis donc allé manifester devant le siège du Parc des Princes avec quelques supporters, inquiets pour notre avenir en tribunes. Nous étions alors à la veille de PSG-Montpellier, et un mouvement de contestation commençait à se mettre en place sur Internet. Pendant le match, mené 0-3 au Parc, il y a eu le craquage à la 75e minute, et un sit-in était organisé dans le stade à la fin du match. Nous sommes restés jusqu’à son terme. Nous sentions véritablement une grande solidarité entre les supporters. Quelque chose d’assez magique, en vérité.
Quatre jours plus tard, le 19 mai, le manifeste Tous PSG tournait déjà à plein régime. Je surfais sur Facebook avec mon petit frère. Il m’a lancé : « Eh, tu as vu, le nom de domaine tousabonnes.com est disponible. Cela pourrait faire un carton… » C’est parti comme cela. Au début, c’était juste pour contrer le manifeste, symbole de cette trahison que nous venions de prendre en pleine face. J’ai sorti une première ébauche du site : le manifeste, le formulaire de signatures, et un compteur. La mayonnaise a pris tout de suite. Il était minuit. La première heure, je n’avais pas mis de contrôle des adresses IP [1]. Et cela allait tellement vite — alors que le site n’était pas encore accessible partout [2] — que nous nous sommes posé la question de la crédibilité de cette pétition. J’ai donc mis en place un blocage pour limiter la pétition à une signature par adresse IP. Avec étonnement, je me suis aperçu que cela ne freinait pas le mouvement, bien au contraire. Nous nous étions demandé si le site allait réussir à passer les 1 000 signatures le premier jour. Il y en a eu quatre fois plus !
Certaines signatures sont fantaisistes. Pourquoi ne pas les supprimer ?
Les premiers jours, nous nous amusions de voir les signatures de certains, assez bien trouvées. Mais d’autres étaient trop hostiles. Des insultes franches et sans grâce. J’ai donc décidé de modérer celles qui nous desserviraient le plus : elles sont toujours comptabilisées, mais elles ne sont plus affichées. En revanche, les signatures dites « masquées par le signataire » ne sont pas du tout à prendre à la légère : certaines personnes ne veulent simplement pas voir leur nom apparaître sur cette liste, pour des motifs qui leur sont propres mais que l’on se doit de respecter. J’ai pris le parti de compter toutes les signatures, y compris celles que je modère, car même si ces signatures-là ne correspondent pas à de véritables identités, elles émanent d’un mouvement de contestation fort, et se doivent d’être comptabilisées. Mais je rappelle que la limite technique à une seule signature par adresse IP empêche que quelqu’un ne signe plusieurs fois d’affilée. Les 13 750 signatures recensées à ce jour correspondent donc à 13 750 adresses IP différentes.
Quel contact entretenez-vous avec les supporters, qu’il s’agisse d’anonymes ou d’anciens responsables d’associations ?
Jusqu’à maintenant, je n’ai pas encore reçu de soutien des anciens responsables de tribunes. J’essaie de répondre à tous les mails que je reçois. Dans l’ensemble, il s’agit de messages de remerciements et de félicitations, qui me font évidemment plaisir. J’ai un compte Facebook sur lequel j’accepte toutes les demandes, je suis donc très accessible pour tous ceux qui voudraient me parler.
Par quels journalistes avez-vous été sollicité ?
Le site tournait assez fort après une dizaine de jours, mais peu de journalistes s’y sont intéressés. J’ai répondu à une interview téléphonique pour le supplément parisien But ! du 10 Sport. Cette interview a été publiée fin mai. Pour le reste, nous entendions un peu parler de notre pétition sur les actualités Internet. Cela nous suffisait largement, vu que notre cible était touchée. La presse écrite semble commencer à se pencher sur le sujet en ce moment — Le Figaro mentionne les 13 000 signatures dans son édition de mercredi —, sans pour autant que je ne sois sollicité.
Pétition, évolution du site et projets en cours
tousabonnes.com accueille aujourd’hui des news et des propositions alternatives au plan Tous PSG. Comment le site a-t-il évolué ?
Le mouvement a commencé à ralentir au bout de trois semaines environ. Je voulais battre le fer tant qu’il était chaud. Je souhaitais que les votants n’aient pas l’impression d’avoir signé un site « mort ». Début juillet, j’ai donc changé le design du site, et j’ai mis en place un relai d’informations, pour attirer du monde et augmenter l’audience du site. Par ailleurs, j’ai reçu quelques critiques qui me disaient à juste titre : « C’est facile d’être contre quelque chose, mais tu ne proposes rien toi ! » J’ai donc décidé d’installer un système de propositions : les visiteurs peuvent poster ce qui, d’après eux, aurait pu être fait à la place de ce plan « anti-violence » plus que radical. Je les reçois directement par mail, et je les valide. Désormais, le site n’évoluera plus beaucoup : je continuerai à relayer les informations des tribunes — peut-être des compte-rendus de match —, et j’essaierai de trouver un partenariat pour me délester un peu de la charge de travail.
Envisagez-vous de permettre aux visiteurs d’identifier les propositions qui emportent le plus d’adhésions ?
J’aurais aimé que l’on puisse noter les propositions. J’avais dit que je le ferai, mais je n’en ai pas eu le temps. Ces notes devaient servir à la sélection de propositions que je voulais intégrer au dossier envoyé à la direction du club. J’en ai reçu trop peu pour qu’il y ait un réel intérêt à développer ces votes pour le moment. Mais je garde l’idée en tête pour éventuellement la relancer dans l’avenir, si une utilité nouvelle se présente.
Que souhaitez-vous faire de la pétition ?
Je suis entré en contact avec Robin Leproux ; je le rencontrerai dans les prochains jours. Je lui présenterai les propositions les plus pertinentes, en même temps que la pétition et les questions que j’y associerai. Par exemple, ce qui s’est passé au tournoi de Paris est très choquant. Les témoignages que vous avez recueillis seront imprimés et fournis à Robin Leproux avec le reste du dossier, pour le mettre en face de la réalité des tribunes.
Avez-vous d’autres projets en cours ?
J’ai un autre dossier sur le feu : l’interview sur une grande chaîne de télévision d’un porte-parole du mouvement de protestation. J’en dirai plus très prochainement. Par ailleurs, une association est en train de voir le jour, elle s’appelle « Liberté pour les abonnés ». Elle possède déjà la structure interne que tousabonnes.com n’a pas. Je suis en contact avec le créateur, et un rapprochement pourrait nous faire du bien. Mais là encore, je ne m’avance pas trop pour le moment.
À titre personnel, que ferez-vous cette saison ?
Ce samedi, une marche est organisée à partir de 16 heures place de la porte d’Auteuil. J’y serai. Je n’en serai pas le leader, mais je participerai à toutes les manifestations proposées. Les gens sont de plus en plus frileux à l’idée d’être d’officiels organisateurs de manifestations. Les responsabilités qui reposent sur leurs épaules sont très lourdes, notamment en cas de dérapages. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que les mobilisations doivent rester pacifiques. Ces mouvements de contestation ne doivent pas alimenter le feu de Robin Leproux.
Quel regard portez-vous sur les différentes mobilisations qui naissent actuellement ?
Je pense que le boycott — de la billetterie comme du merchandising — est la meilleure solution pour que la direction change d’avis en ce qui concerne nos abonnements. Toucher au porte-monnaie, cela fait souvent réagir. Tant que les abonnements ne nous seront pas rendus, il est impensable que je me rende au Parc — sauf si des manifestations particulières y sont organisées, comme un stand-up par exemple. Le tournoi de Paris nous fait réfléchir…
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