Approcher le Supportus Navrantus hors de son habitat naturel ne peut se faire qu’avec un maximum de précautions. Non pas que l’espèce rechigne à établir le contact avec un inconnu, bien au contraire : le Navrantus ayant bien peu d’amis, mais des tas de super idées à faire partager, il ne peut longtemps résister à la tentation d’exposer sa science au premier venu. Non, la difficulté réside au contraire dans les mesures de protection qu’il faut réunir avant d’aller affronter le con-de-derrière, ce supporter insupportable qui, placé juste au-dessus de vous en tribune, vous abreuve de son discours inepte durant toute la partie. Inutile de résister, le Supportus Navrantus voit tout, sait tout, et rien ne lui plaît jamais. Tolérer sa présence tout en résistant aux pulsions meurtrières qu’il engendre systématiquement demande une grande concentration. En général, seul un autre insatisfait chronique parvient à supporter le discours du Navrantus. Cette fois-ci, c’est Thomas Goubin qui s’est chargé de l’affaire.
Le Navrantus, une espèce de nos cités
Pas une âme pour animer les tribunes du Parc des Princes. Seule une pluie fine vient fouetter les sièges du stade, portée par le vent d’un début d’été pourri. C’est bien loin des travées de la Porte de Saint-Cloud que Thomas Goubin, du site Internet So Foot, a dû aller chercher son représentant de la caste des cons-de-derrière. Comment le jeune reporter a-t-il réussi à débusquer ce spécimen ? Est-ce le hasard qui l’a mis sur sa trace, ou une sorte de sixième sens qui, renouvelant de génération en génération le merveilleux miracle de la vie, lui a permis dans l’ivresse d’une possible parade reproductrice de renifler les phéromones de celui qu’il recherchait ? Non, en fait notre Navrantus a juste un bouquin à vendre et du coup il faut bien en faire la promo, qu’est-ce que vous croyez.
Mais chut… Découvrons plutôt comment vit notre con-de-derrière une fois quitté son habitat naturel. Dans cet article, le spécimen est présenté par Thomas Goubin comme un « fan viscéral du PSG ». Comme si, dans une sorte d’invitation à poursuivre la métaphore gastrique, nous étions conviés dès le départ à considérer cet article comme à chier… Impression que les propos de Jérôme Reijasse, le supporter frustré, confirmeront d’ailleurs bien vite.
Première surprise, le Supportus Navrantus, bien que journaliste de profession, emploie lorsqu’il évoque la cause de ses désordres intestinaux un langage volontiers ordurier. Sans doute pour rassurer sa cible, car il est on ne peut mieux placé pour savoir que le CDD est en général plutôt bas de plafond. On assiste donc à une tentative de métamorphose en « gars qui est proche du peuple », à coup de vulgarités et autres formules pseudo-argotiques : l’auteur pense que l’ambiance était « dégueulasse », Le Guen est un « mec », le club a « claqué du pognon », Landreau « fout son équipe dans la merde » et il y en a « marre qu’on se prenne des branlées ». D’ailleurs notre véritable Titi ne parle pas de Paris, mais bien de Paname. Respect ! Nous voilà désormais tous convaincus. Reijasse c’est trop un gars de la té-ci, tmtc. Il parle comme toi-z-é moi tac-tac-t’as vu ? Wesh.
Hum… C’est bien là qu’il fallait dire « wesh » ? Pour en être sûr, il faudrait demander au journaliste de So Foot, Thomas Goubin. Car pour compléter le duo comique, « Toto du 9-3 » a cru bon de parsemer l’article de formulations hyper d’jeunes, comme si c’était parlé s’tu veux quoi. Ici, pas de « il y a » — bien trop bourgeois —, mais des « y a qu’en France que », ou encore « quand y’a eu la rumeur sur Heinze ». De la même manière, on remplace un petit « Il faut » par un « Faut imiter Chelsea ».
On remarque par cet émouvant exemple d’émulation dans la bêtise comment le Supportus Navrantus aime à adopter un comportement mimétique. Que le premier joue au vrai rebelle de banlieue et le second se sentira obligé de recourir à la même stratégie de camouflage. Héritée de la nuit des temps, n’a-t-elle pas permis à l’espèce d’échapper jusqu’ici à maintes tentatives de claquage de beignet en tribunes ?
Le Navrantus, insatisfait chronique
Mais passons : mieux vaut s’intéresser au discours du Supportus Navrantus en lui-même. On n’a pas tous les jours la chance de rencontrer un aussi beau spécimen de CDD [1].
La caractéristique principale du con-de-derrière, c’est qu’il ne se contente jamais de ce qui va mal : il lui faut en rajouter un peu. Juste histoire de pouvoir davantage se plaindre, ce qui rappelons-le est tout de même l’objectif n°1 de son inutile existence.
On connaît d’ailleurs la défense de ce type de supporters quand on évoque ce défaut : il rétorquerait ici qu’une victoire face à des Manceaux c’est la moindre des choses, et que faire un nul ou perdre face à Monaco ne changeait rien au final. Sauf que voilà, si on fait un métier où la rigueur intellectuelle a un minimum d’importance, dire que le PSG a perdu tous ses matches, c’est travestir la réalité. Reijasse fait quoi déjà dans la vie ? Ah, oui : journaliste. Alors ça va, qu’il continue à ne raconter que ce qui l’arrange, c’est pas comme si son boulot avait une éthique à respecter…
Le CDD tient aussi à ce que l’on ne se trompe pas à son égard : oui Reijasse est parfaitement inculte, et il s’agit de bien le rappeler :
Lorsqu’il décide, à Valenciennes, le 20 octobre 2007, d’aligner Sankharé, N’Goyi, N’Gog, Arnaud et Sakho, en confiant le capitanat à ce dernier, je suis d’accord avec lui. La défaite contre Rennes m’a tellement écœuré que j’en ai plein le dos.
S’il pose ensuite un bémol sur le match contre Lyon, Cayzac explique bien ce que notre CDD ne parvient pourtant pas à comprendre : il fallait alors secouer le groupe. En ce qui concerne Pauleta, quiconque a déjà écouté autre chose que RMC savait que le Portugais n’avait plus la vitesse de course nécessaire au jeu de contres pratiqué à l’extérieur. Pile là où le PSG a gagné en 2008, alors qu’il ne parvenait jamais à s’imposer à domicile durant six mois… justement avec Pauleta dans l’équipe. Quant à la non-prolongation de son contrat, là encore Cayzac l’écrit noir sur blanc dans son livre : financièrement, se séparer de Mendy, Yepes et Pauleta était indispensable.
Maintenant, pourquoi faire jouer Rothen ? Mais peut-être parce qu’à ce poste, mis à part Makonda — très inexpérimenté — voire Sessegnon — sans doute plus utile ailleurs —, Le Guen ne disposait guère d’autres choix ? Restait Luyindula. Sauf que voilà, pour notre Navrantus, Luyindula…
— Ça m’insupporte. Moi, là-dessus, j’ai le discours de Guy Roux. Y’a qu’en France qu’on voit ça. Et à partir du moment où il a senti que Paris pouvait aller loin, il a mis l’équipe A, et évidemment c’est là que ça a foiré.
Et puis gagner en faisant tourner l’effectif c’est très mal. Mieux vaut aligner l’équipe A cinquante-six fois de suite dans la saison. En effet, dans ce cas, et d’ailleurs le Navrantus s’en doutait bien, là au moins on est sûr que ça va « foirer »… La question c’est « Reijasse livre-t-il un tube d’aspirine avec son livre ? ». Parce qu’en bon expert de la fuite des cerveaux, et surtout du cerveau qui fuit, le con-de-derrière n’est pas toujours facile à suivre dans ses raisonnements.
Pour résumer, en fait il fallait jouer avec l’équipe A quand Paris s’est qualifié avec la B, puis mettre la B quand on a perdu avec la A avec Kežman, et/ou Luyindula. Ou le contraire. Et inversement d’ailleurs. Enfin bref, ça n’allait pas quoi.
Le fameux mercenaire argentin qui s’en fout de Paris et incarne le PSG
Il en réserve des surprises le monde merveilleux des cons-de-derrière. Il faut dire que les choses y sont plus simples qu’ailleurs. On gueule d’abord, en expliquant que l’on sait bien que ça ne peut pas marcher, et après si finalement ça se passe bien, on affirme que c’est exactement ce qu’il fallait faire, et qu’on le savait dès le début.
Un autre exemple de logique à la Reijasse :
Rothen, il était complètement cuit. Mais, lui, je le défends. C’est l’incarnation de Paris. Quand ça devrait bien aller, ça ne va pas. C’est pour ça qu’il faut l’aimer. Comme Mendy.
Heureusement, le con-de-derrière n’étant jamais avare d’un bon conseil, il possède LA solution. Bon alors vu le niveau du sujet étudié, la probabilité de tomber dans le pur cliché n’est pas à écarter, autant prévenir tout de suite…
Tout ça donne bien envie de courir acheter ce que Thomas Goubin qualifie sans ironie de « premier bon bouquin de supporter made in France », sans doute à la suite d’un pari perdu. Non pas que l’on souhaite particulièrement le lire, des fois que ce soit contagieux… Juste que si le ramage vaut le plumage, l’objet peut sans doute servir de vomitif réutilisable, et contribuer ainsi à renflouer efficacement le trou de la sécu dans les hôpitaux. Des tests avaient été menés à petite échelle avec Fiorèse, mais ça ne marchait que sur les coaches bosniens. Là en revanche, on pourrait tenir la bonne formule.