Ce texte publié par Zone Mixte est un bon exemple de l’image que peut dégager Roche aujourd’hui — même si l’auteur de l’article aurait pu consulter un atlas géographique avant d’écrire son article, ce qui lui aurait évité d’assimiler le Portugais Helder à un recrutement sud-américain, et le Russe Semak à un joueur venant des Balkans. Cette image est-elle méritée ? C’est toujours délicat de répondre. On peut effectivement avancer certains fiascos — principalement Éverton Santos, Souza et Kezman — et dire que Roche n’a jamais su dénicher un joueur inconnu pour en faire une star parisienne. Mais plus que de faire l’inventaire de tout ce qui a été réussi ou non, il faudrait déjà déterminer quel était le périmètre réel de Roche.
Et c’est bien là le problème : sa fonction est particulièrement opaque, et l’on ne sait pas exactement s’il a proposé des joueurs qui ont été refusés par le staff technique, ni sur quels transferts il a agi, ni même sur quelles parties des négociations. Le travail d’un responsable de la cellule recrutement ne consiste pas seulement à coucher des noms inconnus sur un bout de papier, mais aussi à transformer des pistes hypothétiques en transferts concrets. En ce sens, même si d’après les bruits lus par ailleurs, Roche n’aurait pas été l’initiateur de recrues comme Yepes, Hoarau, Makelele, Giuly, Tiéné ou Nene, peut-on dire qu’il n’est absolument pour rien dans la venue effective de ces joueurs ? A-t-il agi pour convaincre les agents, les clubs, pour diminuer les conditions financières [1] ? De la même manière, est-ce que ses fonctions lui permettaient de jouer un rôle dans la renégociation des contrats des joueurs en place ?
Ici, il n’est pas question d’affirmer quoi que ce soit : à toutes ces questions, nous n’avons pas de réponse. Aussi, se contenter de dire qu’Alain Roche est un vrai nul parce qu’Éverton Santos était un joueur mauvais nous paraît un raccourci particulièrement hâtif. En tant que dirigeant, Alain Roche n’était plus un footballeur dont nous pouvions analyser les performances tous les dimanches : il exerçait un métier dont nous savons finalement peu de choses, et il n’y a pas de honte à avouer que déterminer sa compétence est hors de notre portée.
Rappelons d’ailleurs ce que nous disait Alain Cayzac à son sujet :
Alain Roche a été critiqué quand on ne jouait pas bien, maintenant qu’on a des très bons recrutements curieusement personne ne lui dit bravo. Quand c’est Éverton-Souza c’est Roche, mais quand ce sont Nenê et Jallet ce n’est pas lui ? Je pense qu’il y a des jugements très injustes sur Alain Roche. C’est factuel. Nous avons probablement commis ensemble des erreurs, et avec l’entraîneur, mais le recrutement depuis trois ans, ce n’est pas mal. Aujourd’hui il y a huit-neuf joueurs qui étaient là avec moi, et chaque année trois nouveaux joueurs ont renforcé l’effectif — en dehors de Kezman et peut-être Sessegnon aujourd’hui. C’est une stratégie intelligente. Et le responsable du recrutement, c’est Roche. Je ne dis pas qu’il le fait seul, loin de là, mais de même qu’il ne faisait pas seul le recrutement d’Éverton Santos et de Souza.
Mais tout ceci est finalement secondaire. Le vrai problème est qu’Alain Roche a aujourd’hui une mauvaise réputation, et ce ne sont pas les arguments évoqués plus haut qui vont y changer quoi que ce soit. Que ce soit vrai ou non, il est tout de même dommage de constater que cet homme soit désormais plus connu pour son bilan controversé de dirigeant que pour son passé de joueur. Car s’il est moqué aujourd’hui, faut-il rappeler qu’Alain Roche a été dans les années 1990 un des plus grands joueurs du club, gagnant tous les trophées possibles avec le PSG, et l’un des meilleurs défenseurs centraux que le club parisien ait pu compter. Il ne faudrait pas que cette image de recruteur ringard que l’on veut bien lui coller prédomine désormais sur l’image de joueur historique. Roche, ce sont six saisons à Paris, 220 matches, un titre de champion, une coupe d’Europe, trois coupes de France et deux coupes de la Ligue. C’est ce que l’on devrait finalement retenir.
Luis Fernandez, joueur emblématique des années 1980, est devenu pour certains un pitre en revenant entraîner le club dans les années 2000. Paul Le Guen, maillon essentiel de l’équipe des années 1990, a gagné l’image d’un homme au caractère difficile en étant coach du club il y a quelques années. Antoine Kombouaré, héros du plus grand match de l’histoire du club, a été qualifié d’entraîneur limité. Lorsque Pauleta et Raí sont revenus dans un rôle obscur d’« ambassadeur », il a été rapidement dit que ces joueurs occupaient un emploi fictif. Et aujourd’hui, c’est l’image de Roche qui est écornée.
Se pose alors la question de l’intérêt de voir de prestigieux anciens joueurs revenir au club pour une toute autre fonction. L’image d’un dirigeant/entraîneur finit toujours par être dégradée. Tous les courageux qui ont tenté une deuxième aventure à Paris ont vu leur réputation s’affaisser, et au final, l’ancien grand joueur est à chaque fois devenu un décisionnaire controversé. À tel point qu’on en vient désormais à souhaiter que tous ces joueurs importants de l’histoire du club, les Bianchi, Susic, Ginola ou Lama, restent tranquillement chez eux pour que leur aura de gloire passée reste intacte.