Sébastien Bazin le déclarait lors de la conférence de presse annonçant le départ de Charles Villeneuve : « Président de club, c’est un travail à temps complet ». La mission de celui qui prend les rênes de l’entreprise Paris Saint-Germain touche à des domaines variés. Recrutement, communication, gestion de l’humain, élaboration d’une politique à moyen et long terme, pas question de rester accoudé à la lice en jouant au représentant de commerce comptant sur son seul bagout pour s’en sortir. Dès son arrivée au PSG, Villeneuve a dû faire ses preuves. Voyons, champ d’action par champ d’action quelles furent ses réussites, et ses échecs.
Le recrutement, Charles s’en charge
Contrairement à la saison précédente, le président du PSG a déchargé Paul Le Guen de la responsabilité du recrutement lors du marché des transferts de l’été 2008. Relégué à un rôle plus consultatif que décisionnel, l’entraîneur parisien dégageait un profil-type de joueur à faire signer, laissant à son président et à la cellule de recrutement le choix effectif des futurs Parisiens. Or, parmi les nouveaux joueurs acquis l’été dernier, beaucoup se sont adaptés avec une rapidité à laquelle les supporters du PSG n’étaient pas habitués. L’équipe-type de la première moitié de saison compte d’ailleurs un bon quart de nouveaux venus.
Charles Villeneuve, posé en chef de file de la politique de transferts y a gagné une réputation de dénicheur de talents, notoriété sur laquelle il pensait peut-être compter au moment d’envoyer aux membres du conseil d’administration cette lettre exigeant une lourde enveloppe pour le prochain mercato estival.
Toutefois, la réalité montre un visage peu moins favorable à l’ancien sous-officier de l’armée française. Dresser la liste des recrues parisiennes suffit à semer le trouble. Des plus grandes réussites parisiennes — Hoarau, Sessegnon et Makélélé —, aucune n’est due au travail direct de Charles Villeneuve. Hoarau, meilleur buteur du PSG, et acquis pour un demi-million d’euros à peine, avait déjà paraphé son contrat six mois avant la venue du journaliste de TF1. Sessegnon était un choix de Le Guen, et avait été approché dès le printemps. Quant à Makélélé, dont la destinée a depuis six mois systématiquement été associée à celle de Villeneuve, il a mis à bas cette théorie dans un communiqué de presse lapidaire :
Ma venue au PSG a été initiée par Sébastien Bazin il y a deux ans et c’est avec celui-ci et ses représentants que j’ai discuté, à l’été 2008 du projet qui m’a décidé à rejoindre le club. […] C’est sur ce projet et l’ambition de Sébastien Bazin que je me suis engagé sur plusieurs années. J’ai toujours entretenu les meilleures relations avec le président Charles Villeneuve et j’ai apprécié à sa juste valeur le travail accompli par celui-ci. […] Monsieur Claude Makélélé entend se concentrer, à son poste de capitaine, exclusivement sur la fin de la saison avec le professionnalisme qui l’a toujours caractérisé. […] Il ne s’est jamais exprimé sur ce sujet [ses relations avec Villeneuve], et tout ce qui a été écrit le concernant est sans aucun fondement.
En revanche, il y a d’autres transferts où le président du PSG a pesé avec certitude. Celui de Ludovic Giuly, et celui de Mateja Kezman. L’international français a connu un début de saison délicat, provoqué par une condition physique déficiente, et une blessure, puis a donné son plein rendement à partir de la fin de l’automne. Face à Lyon ou contre Lille par exemple, il a su se montrer déterminant, avant de connaître une nouvelle baisse de régime en janvier. Giuly a même perdu sa place de titulaire dans le onze-type de Le Guen au profit de Peguy Luyindula lors du dernier match de L1.
Kezman vit une saison difficile. Relégué sur le banc, manquant de réussite lors de ses pourtant nombreuses entrées en jeu, le Serbe recruté par Villeneuve déçoit. Pourtant, il faudra que le PSG débourse pas moins de 3 millions d’euros en juin prochain, l’attaquant n’étant que prêté pour cette année, mais avec une clause obligeant Paris à l’acheter à la fin de la saison.
Peut-être le public du Parc attendait-il trop de Kezman, et dans une moindre mesure de Giuly. Quoi qu’il en soit, s’il est loin d’être nul, le bilan des recrues 100 % Villeneuve n’est pas aussi parfait que certains veulent le croire : ni le Serbe ni l’ancien Romain n’ont, pour le moment, bouleversé le jeu du Paris SG. On ne gagne pas à tous les coups.
Autre transfert estampillé Villeneuve, celui de Lilian Thuram. Si personne ne pouvait deviner la tragi-comédie que la visite médicale du défenseur central entraînerait, et si le président Villeneuve ne peut être blâmé d’avoir dirigé un club où l’on se soucie de la santé des joueurs, il faut néanmoins préciser que c’est lui qui voulait recruter le champion du monde… et ce fut malheureusement un échec.
Si le Paris Saint-Germain a au final connu un mercato satisfaisant, qui plus est sur des profils difficiles à pourvoir — comme celui d’attaquant avec Hoarau, ou celui de leader, avec Makélélé —, Charles Villeneuve n’en est pas le seul responsable.
L’essentielle communication
Au Paris Saint-Germain, une bonne communication ne peut pas toujours vous sauver. En revanche, une mauvaise est sûre de vous planter. Il n’est donc pas surprenant que les plus grands présidents parisiens aient montré bien du talent dans ce secteur. Villeneuve, homme de télévision, a-t-il lui aussi su déjouer les écueils médiatiques ?
Pour le nouveau Charles Villeneuve, président de club, tout a commencé sur le plateau d’une émission de télévision de la mi-journée. Interrogé par le présentateur de Canal +, l’ancien du Droit de Savoir prouve qu’à Paris, on n’a pas le droit d’ignorer. Quand on lui demande de nommer différents joueurs du PSG dont on lui propose le prénom, Villeneuve sèche lamentablement. Pire, croyant faire le malin, il essaye de coller à son tour le journaliste, mais se trompe et affuble Zoumana Camara d’un « Souleymane » bien mal venu !
Là où un entraîneur moustachu avait dès la signature de son contrat revêtu une réputation d’indécrottable provincial en même temps qu’un pétrifiant pull jacquard, Villeneuve se collait sur le paletot une belle image de président ignare, renforcée par les déclarations de ses anciens collaborateurs — Thierry Roland en tête — sur sa méconnaissance du football.
Quelques jours plus tard, autre déclaration fracassante, au milieu des promesses d’internationaux français [1], Villeneuve annonce vouloir recruter un « grand gardien » ! Or le Paris Saint-Germain compte dans ses rangs un gardien alors international français depuis sept ans. Le couac entraîne une mise au point de Le Guen, qui précise que pour lui le PSG possède déjà un grand gardien, puis un revirement présidentiel… Plusieurs journalistes reviendront sur cette erreur de communication pour justifier quelques mois plus tard leurs articles annonçant le départ possible de Mickaël Landreau.
Mais tout allait vite changer. Dès la semaine suivant ces deux erreurs, Charles Villeneuve occupait avec brio la scène médiatique. Pour cela il usait d’une méthode assez paradoxale, et surtout caractéristique de sa présidence. Parti en cure à Merano, l’ancien de l’armée française laissera se développer une sorte de mythe autour de ses relations. De déjeuners avec Wenger en entrevues avec Migliaccio, l’agent de joueur des stars, ce ne sont pas les paroles d’un Villeneuve temporairement inaccessible, mais bien ses silences qui redresseront une situation d’emblée compromise.
Charles Villeneuve aura faite sienne une vieille stratégie, déjà utilisée à bon escient par un de ses prédécesseurs : en s’éloignant épisodiquement de Paris pour travailler, on gagne en discrétion, et en efficacité. Michel Denisot négociait ainsi de nombreux contrats durant le festival de Cannes, perdu au milieu du maelström cinématographique, et surtout bien loin de la presse sportive.
La suite montrera toute l’étendue du talent du communicant Charles Villeneuve. Alors qu’une crise avec les supporters pointait le bout de son nez, causée par une trop grande augmentation du prix des abonnements, le président du PSG parviendra à désamorcer la situation en à peine quelques semaines, et sans heurts. Des négociations rondement menées, des promesses qui n’engagent désormais plus que ceux qui les ont reçues, une petite défausse sur le dos de Boindrieux, directeur général et ennemi de Villeneuve montré comme responsable de l’inflation tarifaire, et voilà l’ancien journaliste brillamment tiré d’affaire. Si les groupes Ultra lui en garderont rigueur, en revanche pour tous les anonymes du Parc, Villeneuve a évité une grève des tribunes et promis une baisse tarifaire, et c’est bien tout ce qu’ils retiendront.
Durant son passage à la tête du Paris SG, Charles Villeneuve n’aura jamais été remis en cause par la presse. Si la nette progression des résultats de l’équipe a aidé, le mérite en revient aussi à une remarquable gestion des relations entre médias. Alors que Michel Moulin jouait avec son nouveau quotidien sportif une carte résolument anti-Le Guen, Charles Villeneuve choisissait d’accorder aux concurrents de L’Équipe et du Parisien quelques entretiens exclusifs. Résultat ? Hasard ou coïncidence, le club de la capitale a par la suite bénéficié d’une inhabituelle mansuétude de la part des quotidiens du groupe Amaury… En misant sur la concurrence entre les journaux, le président du PSG avait amené les plus gros médias à adopter une attitude plus favorable à son club que que celle du 10 Sport.
Côté médias, après deux gros couacs qui auraient pu coûter cher, la méthode Villeneuve a mené le président à un quasi sans faute. L’ancien patron des sports de TF1 se permettant même de taxer certains journalistes de « vipères lubriques » sans que cela n’entraîne une levée de boucliers. Sans tomber dans une communication à la lyonnaise, grâce à Charles Villeneuve et Bruno Skropeta, le PSG a su « muscler sa comm’ ».
Pourtant, au final, c’est son atout majeur qui perdra le président du PSG : l’utilisation des médias. Opportunément informés — par un membre du conseil d’administration ? —, les journalistes du Parisien publieront la lettre recommandée adressée aux dirigeants et actionnaires du clubs et ruineront ainsi tout espoir de retour en arrière une fois le processus d’éviction de Villeneuve enclenché.
La politique générale
S’il est toujours difficile d’estimer la part de responsabilités de chacun dans la vie du club, il est quand même un mérite à reconnaître à Charles Villeneuve : celui d’avoir toujours su prendre des décisions mesurées. Ceci peut sembler particulièrement paradoxal au vu de l’erreur qui a précipité la fin de son mandat. Villeneuve se présente lui-même comme quelqu’un qui dit les choses parfois brutalement, mais passés ses propos un peu rudes — par exemple ceux qui ont pu fragiliser Landreau ou Le Guen —, il reste des actes très mesurés et empreints d’une grande sagesse.
Loin des effets d’annonce et craintes qu’a engendrés sa nomination, Villeneuve a pris le temps de bien observer son environnement, de s’adapter, et de respecter ce qui était déjà en place. Contrairement à d’autres présidents qui ont voulu à tout prix marquer leur mandat par des décisions spectaculaires aux conséquences désastreuses pour le club — Biétry et sa volonté de recruter breton, Blayau et l’éviction de Fournier sans raison apparente —, le passage de Villeneuve au Paris Saint-Germain s’est fait dans la continuité de ce qu’avait fait son prédécesseur. Villeneuve n’a pas placé ses amis, il n’y a pas eu de Wenger ni de Grimandi dans l’organigramme du club et les champions du monde 1998 n’ont pas envahi le Camp des Loges. Au contraire, Villeneuve s’est appuyé sur les hommes en place, faisant pleinement confiance à la cellule recrutement, envoyant Alain Roche finaliser les dossiers Giuly et Kezman sur place. Malgré des dissensions supposées avec Le Guen, le président démissionnaire tenait bien compte de son avis : avant de recruter Kezman, Villeneuve avait fait tous les efforts possibles pour recruter la cible prioritaire de l’entraîneur, Jimmy Briand — allant jusqu’à formuler une offre de 8 M€ pour un joueur qui ne les valait pas forcément, juste pour aller dans le sens de son entraîneur.
Il n’a de plus jamais effectué d’ingérence dans le sportif. Quand Laurent Perpère prenait publiquement position pour Ronaldinho face à Luis Fernandez, Villeneuve ne s’est à aucune occasion exprimé pour que Le Guen fasse jouer ses propres recrues, Kezman en tête. De même, lorsque l’entraîneur parisien a été vivement critiqué pour avoir aligné une équipe bis en coupe d’Europe, Villeneuve a considéré qu’il soutenait et comprenait totalement les choix de son homme de terrain. S’il avait à tout prix voulu fragiliser Le Guen et placer son supposé grand ami Deschamps, Villeneuve aurait sûrement agi autrement : l’histoire a montré qu’il n’allait pas dans la dentelle quand il voulait imposer un choix.
Au final, les sept mois de présidence de Charles Villeneuve ne resteront pas forcément comme inoubliables. On ne peut pas attribuer à Villeneuve la réussite sportive de l’équipe parisienne, le recrutement n’est finalement que très peu de son fait, et sa communication, si elle s’est avérée au final plutôt payante, a été parfois très risquée — finalement, on peut se féliciter qu’il ait été la seule victime de ses excès de langage. Il reste que son tempérament et sa capacité d’adaptation, lui qui était un véritable néophyte dans le monde du football, lui ont permis de plutôt bien s’en sortir. Peut-être la preuve que la passion du PSG et l’expérience dans le football ne sont pas forcément des conditions nécessaires pour présider le PSG avec réussite.