« Colony Capital a déjà injecté dans le club environ 100 M€ », affirmait le Parisien le 12 avril dernier. La probable future vente du PSG — seul un protocole d’accord a été signé pour le moment — étant estimée à 40 M€, le quotidien régional considérait le même jour que « Colony Capital, qui a déjà investi 100 M€ environ dans le PSG, n’aurait donc aucun retour sur investissement ». Même son de cloche à L’Équipe, où Jérôme Touboul assurait en mars dernier que Sébastien Bazin « a mis plus de 100 M€ dans le club depuis cinq ans ». Les choses sont-elles aussi simples ?
Combien Colony Capital a-t-il investi depuis son arrivée à la tête du « groupe PSG » en 2006 ? Dans quelles structures ? Quand ? À quoi cet argent a-t-il servi ? Enquête.
Quels types d’investissements ?
Deux types d’investissements sont à distinguer :
la participation en capital : il s’agit des montants déboursés pour acquérir les actions de Colfilm SAS, c’est-à-dire des titres de propriétés de l’entreprise qui elle-même détient la SASP Paris Saint-Germain Football et la Sese SA ;
les prêts accordés à Colfilm SAS : le rachat du « groupe PSG » puis son financement ont été assurés par des emprunts souscrits auprès de Colony Capital par Colfilm SAS, qui se charge d’une part de rembourser Canal+ et d’autre part d’alimenter à son tour la trésorerie de la SASP et de la Sese SA via des avances en compte courant.
La participation au capital de Colfilm SAS
Par l’intermédiaire de ses sociétés luxembourgeoises Colyzeo s.à.r.l. et C7 Princes (Lux) s.à.r.l., le groupe Colony Capital a successivement porté sa participation dans le capital de Colfilm SAS de 3 M€ en juin 2006 à 8 M€ en septembre 2007 lors d’une augmentation de capital, 15 M€ en avril 2008 lors du rachat de l’essentiel des parts de Butler, 23 M€ en juin 2009 lors du rachat de l’intégralité des parts de Morgan Stanley et enfin 62 M€ en décembre 2009 lors d’une deuxième augmentation de capital.
À ce jour, Colony Capital a donc investi 62 M€ en titres de participation, dont la valeur nominale n’a pas changé depuis 2006 : chacune des 12,63 millions d’actions formant le capital social de Colfilm SAS vaut toujours 5 €.
À noter que l’essentiel de ces 62 M€ provient de l’augmentation de capital de 39 M€ souscrite en décembre 2009 — dont n’a pas eu connaissance la presse spécialisée —, qui a été financée par compensation d’une partie de la dette détenue par Colony Capital : au lieu de procéder à un versement de 39 M€, le fonds d’investissement américain a diminué le montant de la dette qui lui était due au titre des avances en compte courant (voir ci-dessous) en échange de l’acquisition des nouvelles actions de Colfilm SAS. Le même mécanisme avait été utilisé en 2007/2008 à concurrence de 6 M€.
Pour schématiser, avec cette augmentation de capital de 39 M€, il n’a donc pas été question d’injecter de l’argent frais, que le PSG aurait pu dépenser sur le marché des transferts. Il faut davantage y voir un échange : 39 M€ de dette contre 39 M€ d’actions créées pour l’occasion. Actions que Colony Capital peut aujourd’hui espérer revendre au même prix… mais sans avoir eu à débourser un centime pour en faire l’acquisition.
Les prêts accordés à Colfilm SAS
Colfilm SAS n’étant qu’une coquille vide, ne générant aucun chiffre d’affaires, elle a dû emprunter de l’argent afin d’une part de financer ses filiales, et d’autre part de régler Canal+ pour l’acquisition du PSG. Ces emprunts n’ont pas été contractés à l’égard d’établissements bancaires, mais à l’égard de ses propres actionnaires : les groupes Colony Capital, Butler et Morgan Stanley.
Au 30 juin 2007, au terme de sa première année d’existence en tant que holding du « groupe PSG », Colfilm SAS avait ainsi contracté une dette de 20,4 M€, répartie à parts égales entre ses trois actionnaires : 4,5 M€ envers Colyzeo Finance s.à.r.l. et 2,3 M€ envers C7 Princes (Lux) s.à.r.l. ; 6,4 M€ auprès de FPE III et 0,4 M€ envers Butler Capital Partners SA ; 6,8 M€ envers Morgan Stanley & co International. Ces emprunts, souscrits en novembre 2006 puis en juin 2007 et dont la rémunération est fixée au taux Euribor 12 mois (4,03 % au 2 janvier 2007) majoré de 0,50 %, ont notamment permis de régler les deux premières échéances à Canal+ pour près de 15 M€. Dès le départ, au travers d’intérêts sur un emprunt qu’ils avaient accordé à Colfilm SAS, le « groupe PSG » a donc rapporté de l’argent à ses actionnaires.
En 2007/2008, la dette a augmenté de près de 4 M€, la hausse de 10,0 M€ relative aux avances versées durant la saison — en décembre 2007 puis en avril et en juin 2008 — étant compensée par une baisse de 6,3 M€ par incorporation au capital. Au 30 juin 2008, Colfilm SAS avait donc une dette de 24,3 M€ à l’égard de ses actionnaires.
Durant la saison 2008/2009, le montant brut de la dette a encore augmenté de 14,5 M€ — en juin 2009 — , afin de financer d’une part le payement de la troisième échéance au groupe Canal+ pour l’achat du PSG (8,9 M€ avec les intérêts) et d’autre part l’augmentation de capital de la SASP souscrite par la HSE SA (6,2 M€). Cette hausse a porté la dette à 40,1 M€ au 30 juin 2009. Le groupe Colony Capital étant devenu actionnaire majoritaire avec 95,8 % des parts, il a également racheté les créances auparavant détenues par Butler et Morgan Stanley. La dette de Colfilm SAS était ainsi répartie exclusivement entre Colyzeo Finance s.à.r.l. (26,4 M€) et C7 Princes (Lux) s.à.r.l. (13,7 M€). La holding du « groupe PSG » a supporté 1,3 M€ de charges d’intérêts en 2008/2009 au titre de cette dette — somme reversée non pas à une banque extérieure, mais toujours à ses actionnaires.
Au 30 juin 2010, la dette de Colfilm SAS — à rembourser d’ici juin 2014 — n’était plus que de 24,2 M€ : une augmentation de capital de Colfilm SAS d’un montant de 39 M€ a d’abord éteint la quasi-totalité de la dette — par compensation —, avant que de nouveaux emprunts en décembre 2009 puis en juin 2010 ne viennent l’alourdir à nouveau : 15,9 M€ à l’égard de Colyzeo Finance s.à.r.l. et 8,2 M€ à l’égard de C7 Princes (Lux) s.à.r.l.. En 2009/2010, les intérêts de la dette de Colfilm SAS à l’égard de ses actionnaires ont représenté une charge de 0,6 M€ — contre 1,2 M€ de produits financiers dus aux créances détenues sur ses filiales.
Entre juin 2006 et juin 2010, Colony Capital a ainsi prêté à Colfilm SAS un montant cumulé de 68 M€, dont environ 25 M€ ont servi à rembourser Canal+. Si elle avait directement versé cette somme à la chaîne cryptée, la société américaine n’aurait alors pas touché les intérêts créés par l’endettement de sa propre filiale.
L’essentiel de cette dette — 45 M€, soit près de 80 % — ayant été annulé par le fonds d’investissement en contrepartie d’une augmentation de sa participation au capital de Colfilm SAS, Colony Capital n’était plus détenteur en fin d’année dernière que d’une créance de 24 M€, incluant les intérêts capitalisés depuis cinq ans.
Synthèse des investissements de Colony Capital au PSG
Au 31 décembre 2010, Colony Capital avait donc investi 85 M€ au total : 62 M€ en capital, 23 M€ en avances de trésorerie. Des sommes sur lesquels il a gagné des intérêts, et qu’il est toujours susceptible de récupérer intégralement ! Il lui suffit pour cela de revendre ses parts dans Colfilm SAS et de demander le remboursement des prêts qu’il a accordés, aucune créance n’ayant été abandonnée par le fonds d’investissement américain jusqu’à présent.
Rappelons par ailleurs que le rachat du « groupe PSG » auprès de Canal+ pour plus de 30 M€ [1] a été supporté par Colfilm SAS, et non par Colony Capital directement.
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