Après avoir fait la lumière sur l’organigramme des entreprises du « groupe PSG » — et révélé que Colony Capital ne détient pas 95,8 % du PSG, contrairement à ce qu’annoncent L’Équipe et le Parisien —, nous poursuivons notre enquête sur le PSG en détaillant le montage mis au point par Colony Capital, les modalités de la vente du club par Canal+ en 2006 et enfin nos explications sur nos critiques à l’égard du Parisien.
Erreurs, incompréhensions et autres contre-sens
Si le Parisien est très rapidement mis au courant des informations que certaines personnes ont intérêt à voir circuler, le quotidien de Saint-Ouen souffre d’invraisemblables lacunes dans son analyse des finances du PSG. Illustration avec les articles du 22 février 2010 : le Parisien annonce en une « la vraie situation financière du PSG ». Or dans un encadré titré « un déficit qui se creuse », le journal évoque non pas les déficits de la SASP — qui, au contraire diminuaient depuis deux ans ! —, mais l’évolution de la dette de Colfilm SAS.
Au 30 juin 2009, la dette générée par l’activité du PSG était de 50,4 M€. Dès la première année d’exercice [2006/2007], elle avait atteint les 32 M€ en raison de résultats sportifs en deçà des objectifs, d’une masse salariale importante et d’un déséquilibre dans la balance des transferts.
Ces deux montants (32 M€ en 2007, 50 M€ en 2009) correspondent en réalité au total des emprunts souscrits par Colfilm SAS auprès de ses actionnaires. Or ceux-ci étaient d’abord justifiés par… le remboursement de Canal+ pour le rachat du « groupe PSG » : environ 15 M€ au 30 juin 2007, et près de 25 M€ fin 2009. Cela signifie que la moitié de la dette totale était due au montage mis en place par Colony Capital pour acheter le « groupe PSG », et non pas aux résultats sportifs ou à la masse salariale du club parisien.
Autre exemple, dans un deuxième article publié le même jour :
Aujourd’hui, à la lecture de documents que nous nous sommes procurés sur l’exercice 2008/2009, la dette du PSG s’élève à 50,4 M€ en trois saisons d’activité. Elle découle de l’accumulation des pertes sur cette période, c’est-à-dire le déficit d’exploitation du club (droits TV, billetterie et sponsors moins le coût d’organisation de matches et la masse salariale) et celui de l’activité transferts joueurs.
Entre 2006 et 2009, en cumul, la SASP a perdu 37,8 M€, exploitation et activité transferts comprises : 18,9 M€ en 2006/2007, 13,4 M€ en 2007/2008 et 5,4 M€ en 2008/2009. L’« accumulation des pertes » n’explique donc, très logiquement, qu’une partie de la dette.
En réalité, le Parisien a consulté le bilan consolidé de Colfilm SAS. Or les emprunts souscrits par cette holding ne sont pas utilisés que par « le PSG » — c’est-à-dire la SASP —, mais aussi par la Sese SA. Celle-ci, déficitaire depuis 2006, comptait pas moins de 6,3 M€ de dettes à l’égard de la HSE SA au 30 juin 2010, sans que cela ne présente le moindre rapport avec les droits TV glanés par le PSG ou ses transferts…
Cette dette financière, due à l’actionnaire et aux banques, n’apparaît pas dans les comptes du PSG en raison d’un jeu d’écriture comptable. Une pratique légale. En effet, la majeure partie de cette créance a été basculée sur la holding Holding Sport Evénement (HSE SA) qui détient le club et qui appartient à Colony.
Il ne s’agit pas d’un « jeu d’écriture comptable », mais plus globalement de l’organisation des différentes entreprises. (voir notre synthèse de l’organigramme du « groupe PSG »)
Par ailleurs, la HSE SA n’appartient pas à Colony, mais à Colfilm SAS. En s’abstenant de démêler les fils de l’organigramme du PSG, le Parisien ne risquait pas d’éviter ces écueils.
La gestion d’entreprise pour les nuls
Le Parisien n’y comprend rien, mais vous expliquera tout
Poursuivons ce bêtisier avec un article publié cette semaine : mardi, le Parisien prétendait expliquer à ses lecteurs les modalités d’un éventuel rachat du club par des investisseurs qataris.
Le fonds souverain du Qatar va prendre entre 60 % et 70 % du PSG contre une somme comprise entre 30 M€ et 40 M€. Ce prix pourrait inclure les pertes de cette saison, estimées à 19 M€. Le prix de vente de la SASP PSG serait donc particulièrement bas… Dans la foulée de cet accord, les Qataris procéderont à une augmentation de capital. Cette dernière opération diluera les actions des deux actionnaires actuels : Colony Capital (95,8 %) et Butler Capital Partners (4,2 %). Celui-ci devrait rester actionnaire minoritaire du club parisien après l’arrivée du QIA.
Le quotidien évoque d’abord « le prix de vente de la SASP PSG », par opposition aux autres entreprises du groupe — HSE SA, Colfilm SAS —, pour enchaîner en expliquant que « les Qataris procéderont à une augmentation de capital [qui] diluera les actions des deux actionnaires actuels : Colony Capital (95,8 %) et Butler Capital Partners (4,2 %) ».
Premier problème : la prise de participation des deux fonds d’investissement ne s’est pas faite au niveau de la SASP — qui est détenue à 100 % par la HSE SA —, mais au niveau de Colfilm SAS. Deuxième problème : Colony Capital ne détient plus 95,8 % du capital de Colfilm SAS depuis un an et demi…
Rien dans l’article du Parisien ne permet donc de savoir réellement ce qui pourrait se passer si l’arrivée de QIA se concrétisait. Pour une raison simple : vues les erreurs qu’ils commettent, les journalistes du quotidien n’y comprennent manifestement rien.
La recette du gloubi-boulga, par Arnaud Hermant
Plus généralement, les analyses économiques du Parisien sont difficilement rectifiables tant elles mélangent tout et n’importe quoi, que ce soit au niveau des entités juridiques ou des bases de la gestion d’entreprise. Chaque fin de saison, le quotidien additionne ainsi benoîtement des pertes comptables et des reliquats de transferts, censés déterminer le besoin de trésorerie du club. Cette année ne fait pas exception : mardi, Arnaud Hermant estime que Colony Capital est « étranglé financièrement », ayant « pas moins de 40 M€ à sortir en cette fin de saison : 19 M€ de dettes de cette saison, 7 M€ de traite à Canal+ et 15 M€ de ligne de crédit à rembourser à la banque Natixis ».
Les « 19 M€ de dettes de cette saison » correspondent en réalité à une estimation du déficit comptable de la SASP qui sera constaté à la clôture de l’exercice, ce qui n’implique aucunement un besoin de trésorerie de 19 M€ d’ici au 30 juin. Quant aux « 7 M€ de traite à Canal+ », il s’agit d’une somme que devra verser… Colfilm SAS, la holding de la holding de la SASP ! Enfin la ligne de crédit ouverte à Natixis se situe quant à elle au niveau de la SASP.
Bilan : le Parisien calcule un besoin de trésorerie en additionnant ceux de deux entreprises différentes puis en y rajoutant un déficit comptable, tout en espérant que son mélange de choux et de carottes ressemblera à quelque chose de sérieux. Ce n’est pas le cas.
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