Dès son plus jeune âge, la vie de Michel Moulin fut marquée du sceau de la gagne. Né en 1961 dans le Gard, terre d’élection de fans du PSG s’il en est, les fées se penchèrent sur le berceau de ce touche-à-tout de génie, déjà promis aux plus hautes destinées. Après sa trop courte carrière de joueur professionnel, notre surdoué se lance dans les affaires. Débutant en 1984 comme attaché commercial de la Comareg, il grimpe un à un tous les échelons, et crée en 2000 le journal de petites annonces qui fera sa fortune et sa gloire : ParuVendu. L’histoire était en marche…
Michel Moulin, le monsieur crédibilité du foot français
Partout où il passe, Michel Moulin réussit. Comme au Red Star 93, dont il sera le directeur sportif de 1999 à 2001. Alors qu’il venait de descendre en National, le club de Saint-Ouen retrouve un net regain d’énergie grâce à l’inédite vision du football Michel Moulin. En deux saisons à peine, juste le temps de prendre ses marques, MM donnait la pleine mesure de ses moyens, et contribuait à la relégation du Red Star en CFA ! Ce n’est qu’une fois cet objectif de la descente atteint avec maestria que le Gardois quitte ce club chéri. Conscient qu’il avait rempli sa mission et que le temps était venu pour lui de laisser son enfant voler de ses propres ailes, Moulin lâchait donc le Red Star, à qui il avait apporté tant de bonheur.
C’est donc fort de cette impressionnante expérience de management que Michel Moulin se permettait de donner début novembre quelques conseils éclairés.
Paul Le Guen, qui après tout n’a remporté que trois fois le championnat de L1 en tant qu’entraîneur [1], avait bien besoin des lumières d’un dirigeant aussi avisé que Michel Moulin. S’il n’a pas remercié publiquement celui qui pourrait être son mentor, c’est sans doute parce que sa pudeur et sa retenue bretonnes l’en empêchaient.
Mais l’ascension du Gardois n’allait pas s’arrêter là. Après la fabuleuse aventure de la chute du Red Star, dont les fans se souviennent encore aujourd’hui avec émotion, sa détermination proverbiale allait bientôt amener Michel Moulin à relever un nouveau défi : diriger le FC Istres.
Arrivé en 2004, il prenait donc poste en tant que directeur sportif de ce club qui venait d’accéder à la L1. Et encore une fois, Michel Moulin n’allait pas tarder à apposer sa patte, son style, et sa culture de la gagne. Très vite son travail portait ses fruits, puisqu’en une saison à peine, Istres redescendait en Ligue 2.
Logiquement convaincu par ce remarquable bilan que ses méthodes étaient les bonnes, Michel Moulin poursuivait son œuvre. Un an plus tard, et après un changement d’entraîneur, Micha Bazdarevic cédant sa place à l’ami de Michel Moulin, Xavier Gravelaine, le club istréen terminait sur une place que le site officiel du club juge encore aujourd’hui encourageante : la 20e. Comme quoi on peut habiter Istres et avoir de l’humour. Vingtième, un classement en totale adéquation avec les qualités de son directeur sportif, qui préférait une nouvelle fois quitter le navire la tête haute, laissant ainsi au fin fond de la L2 le groupe dont il avait pris les rênes en L1 à peine deux ans plus tôt.
De telles qualités ne pouvant rester inexploitées, Michel Moulin candidatait dans une interview au Nouvel Observateur pour prendre la tête d’un club professionnel.
Fort d’une crédibilité sans pareille, avec ses 100 % de réussite à l’épreuve de relégation, Michel Moulin pouvait enfin montrer au monde du football, subjugué, la voie à suivre. Depuis, l’histoire a d’ailleurs montré combien Moulin avait su rester dans l’ombre, discret, et loin du domaine sportif. Car sa haute destinée allait se réaliser, le 21 avril 2008. Précédé par son palmarès inégalable, Michel Moulin accédait enfin au poste de conseiller sportif du PSG.
Moulin à Paris, le rêve brisé
Grâce à sa réputation flatteuse et à son réseau, MM était alors accueilli en héros par les anciens du club, pétris d’admiration pour cette figure du football français. Par exemple, Gérard Houllier :
Malheureusement, il était déjà trop tard. L’arrivée de Michel Moulin dans les vestiaires parisiens coïncidait avec un sursaut du groupe, et le gourou gardois n’avait pas le temps d’appliquer ces recettes secrètes, si efficaces au Red Star et à Istres : malgré tous les efforts de son directeur sportif, Paris ne pouvait éviter le maintien, acquis à Sochaux lors de la dernière journée. Sans doute déçu par celui en qui il avait placé tant d’espoirs, Bazin décidait donc de se séparer de Michel Moulin.
Pour la première fois, le self-made man connaissait l’échec. Mais, toujours empli de cet amour inconditionnel du club parisien acquis trois semaines auparavant, il poursuivait ce pourquoi il était fait : aider son prochain. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, Michel Moulin prodigue de précieux conseils, allant même jusqu’à créer un quotidien sportif totalement indépendant, mais dans lequel certains journalistes reprennent avec application ses arguments — souhaitons-lui bonne chance d’ailleurs, puisque les ventes du 10 Sport le jour de son lancement ont été deux fois plus faibles que l’objectif annoncé.
Par exemple, Michel au cœur d’or explique, comme une main tendue vers ce club qui l’a pourtant rejeté, pourquoi le Paris Saint-Germain va si mal.
La logique moulinienne s’impose : bien qu’il soit compétent, super et bien, Le Guen ne peut convenir au PSG. Mais comme nul n’est prophète en son pays, l’impudent journaliste se permet de demander quelques précisions :
Il est responsable de ces deux années catastrophiques. La deuxième, c’est lui qui a choisi les joueurs. Il manque de chaleur, de dynamisme. Il faut être comme un directeur commercial. Il devrait entraîner des clubs un peu plus fermés comme Troyes. En plus, il a un adjoint qui est pire que lui.
Ou encore, lors d’un autre entretien :
Passons sur le fait que le génie du commerce qu’est Moulin ne sache pas compter jusqu’à deux, puisque contrairement à ce qu’il avance, Le Guen n’est à Paris que depuis un peu plus d’an et demi, et pas deux saisons et demie. Nul n’est parfait, et même un grand patron comme MM peut se tromper. Glissons également sur la légère exagération collatérale, qui voit par ricochet le PDG du quotidien Le 10 Sport rendre Le Guen responsable d’une saison « catastrophique » dans laquelle le coach breton n’a fait que redresser une situation bien compromise par Guy Lacombe, son prédécesseur.
Non, ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est la règle d’or de Moulin : Un bon entraîneur, c’est un directeur commercial. Enfin, le secret de la réussite était dévoilé ! Car il sait de quoi il parle, l’ancien Jean-Claude Convenant de la Comareg. D’ailleurs, force est de constater que les championnats européens fourmillent d’exemples : regardez-les, souriants et arborant avec fierté des cravates en pure acrylique, ces Ferguson, Capello et autres Lippi ! Tous de sympathiques directeurs commerciaux dans l’âme, affables et souriants.
L’expérience ? La tactique ? Les entraînements ? Des conneries tout ça : Moulin le sait, il l’a vécu à Istres et Saint-Ouen : l’important, c’est de sourire ! D’ailleurs, il insiste, soucieux de sauver ce PSG qui a tant besoin de ses lumières :
Surprenante tout de même, cette volonté de coller à tout prix à l’entraîneur parisien une année de plus que son réel bilan… Chacun ses lubies. Mais ne jugeons pas : Michel Moulin nous fait part de sa riche expérience de joueur professionnel, et ça, ça n’a pas de prix. Car, et même s’il serait gêné que l’on évoque sa carrière de joueur pro ici, il est peut-être temps de dévoiler ce que la modestie de l’ex-directeur sportif l’empêchait de mettre en avant : Michel Moulin a fait carrière au SSMC Miramas, et à Salon de Provence. Respect. Et dire qu’avec un Le Guen à sa tête, le club de Miramas se serait privé d’un tel joueur ! Quel gâchis cela aurait été pour le football mondial. On en frissonne de terreur rétrospective.
Mieux vaut se remonter le moral, et évoquer ici le souvenir de tous ces joueurs passant leur temps à sauter dans les bras d’Aimé Jacquet en 1998, tous ceux qui auront couru embrasser des Trappatoni et autres Artur Jorge, entraîneurs reconnus comme de gros fêtards, expansifs et délurés. Moulin le dit, alors pourquoi en douter : pas de grands entraîneurs sans ces câlins-câlins, certes virils, mais ô combien attendrissants.
Car Michel Moulin n’est qu’amour. Lui qui, alors qu’il lance aujourd’hui un projet de second club de football à Paris [2] avec l’UJA Alfortville, appelle ses futurs adhérents des rêveurs. Tout un symbole.
Son opération de souscription, totalement inédite et hyper novatrice puisque les dirigeants du Paris Saint-Germain avaient fait la même chose en 1970, il y a 38 ans, rencontre d’ailleurs un succès retentissant. Sur les 20 000 souscripteurs exigés (ou plutôt les 20 000 rêveurs, devrions-nous écrire), 2 067 ont déjà répondu à l’appel ! Allez l’UJA, l’essentiel est fait : plus que 89,67 % et le rêve deviendra réalité. Et puis c’est pas comme si Moulin s’était fixé jusqu’au 1er décembre pour réunir ces 20 000 socios ou qu’il ambitionne d’accéder à la L1 d’ici cinq saisons, alors que le club végète actuellement à la huitième place du groupe D de CFA — l’équipe réserve du PSG est quant à elle troisième du même groupe.
Mais quel est-il au juste, le rêve de ce visionnaire qu’est Michel Moulin ? Laissons l’intéressé répondre lui-même au travers d’une citation, extraite d’une trop rare vidéo trouvée sur le site officiel de l’UJA :
Tout un programme ! Gageons que l’avenir saura élever l’UJA jusqu’à un rang digne du grand dirigeant qu’est Michel Moulin. Bonne continuation à lui !