L’avant-match avait un je ne sais quoi de détendu samedi dernier. La journée se terminait sur des airs d’été indien, et alors que le soleil léchait doucement les crocs de béton du Parc des Princes, les supporters du PSG gagnaient leurs tribunes. Paris surnageait en première moitié de tableau, les places en Ligue des Champions à portée de main, et il accueillait un promu. Grenoble, bien que classé comme le PSG, ne faisait peur à personne. Tous les ingrédients semblaient réunis pour vivre une belle soirée en tribunes. C’est dans une ambiance bon enfant que le Virage Auteuil se garnissait petit à petit. Sauf qu’il nous manquait l’élément essentiel…
Une entame complètement ratée
Dès le début de la rencontre, les choses se sont mal présentées à Auteuil. Ici, le match ne commence pas au coup de sifflet de l’arbitre, mais avant : dès la rentrée des supporters adverses, il s’agit de mettre la pression, et d’imposer sa force. La sono, les capi, les blocs, l’organisation des groupes Ultras et du reste de la tribune doivent donc se présenter en ordre de marche avant même que ne débute l’échauffement des joueurs.
Là, tout le monde était prêt. Les Grenoblois ont débaroulé les travées tant bien que mal [1] alors que les Parisiens avaient déjà lancé leurs premiers chants, et là… une majorité du Virage s’arrête dans l’instant !
Concert de sifflets, signes plus ou moins complexes mais essentiellement basés sur une utilisation massive du majeur, torrents d’injures promettant aux visiteurs de violentes douleurs anales, bref, du classique. Alors certes, quand on attend un long voyage de retour en car, l’évocation d’un tel supplice rectal a de quoi troubler, mais tout de même : qui peut dire que les Isérois ont été traumatisés par cette mascarade ?
La plupart d’entre eux n’étaient peut-être même jamais venus au Parc. Pourquoi leur avons-nous donné tant d’importance ? Il n’y a aucun contentieux avec les Grenoblois, aucune ardoise à effacer ou affront à laver. Sans vouloir leur manquer de respect, au niveau tribunes, pour moi, ces gars n’avaient jamais rien fait. Sauf que voilà, aujourd’hui ce n’est peut-être plus tout à fait vrai, et c’est bien fait pour nous.
En les insultant, les supporters du Virage Auteuil ont reconnu les visiteurs comme leurs pairs. On les a traités comme on traite tout le monde. Ces gars découvrent la L1 ! N’aurait-il pas été judicieux de les recevoir pour ce qu’ils étaient, c’est-à-dire rien, et les ignorer ? Là, les Ultras de Grenoble étaient ravis, trop contents que le Parc leur donne de l’importance. Alors certes, il y a le folklore Ultra, le poids des traditions, et puis après tout un petit doigt levé a toujours présenté un côté marrant. Mais là, on a manqué une belle occasion de les faire se sentir très cons… Bref.
Et puis surtout, pendant ce temps-là, il y a le capo, qui lui essaye de lancer un chant pour les joueurs du PSG. Parce qu’après tout, il paraît que c’est pour cela que nous sommes venus : pour le PSG. Sauf que voilà, parfois il y a de quoi se poser la question…
Des guerriers un peu trop pacifiques
Le souci, c’est qu’en dehors de ce comportement un peu extrême dans l’inutilité, c’est l’ensemble du Virage qui a été très mauvais samedi. Dès le premier chant, le Guerrier Pacifique, on a senti Auteuil attentiste, mou… pas décidé. Où est passée la ferveur du dernier PSG – Saint-Étienne, en mai dernier ? Alors certes, ce soir-là nous avions le couteau sous la gorge. Certes, les Stéphanois nous mettaient une pression énorme en tribunes. Certes, nous étions tous conscients qu’il en allait de la survie du Paris Saint-Germain. Mais tout de même : samedi, en tribune, on a entendu les Grenoblois pendant quasiment 90 minutes !
Tout le monde était arrivé bien décontracté, soulagé de ne pas revivre l’entame pourrie de la saison dernière, et surtout bien déterminé à en profiter et à passer une bonne soirée, tranquille… Résultat des courses, on s’est tous plantés. On a été mauvais en tribunes, personnellement je n’ai vu personne retirer de plaisir de la prestation du Virage, et au final le Paris Saint-Germain a perdu. La totale.
Nous avons perdu quelque chose en chemin ! Nous avons oublié l’essentiel, cette force qui nous animait la fin de saison dernière. Elle a fuit, et si on ne se mobilise pas, il se peut qu’elle ne revienne pas. Auteuil s’encroûte. Parce que ses membres ont désormais souvent plus près de 35 ans que de 20, les responsabilités, la famille, et le boulot qui vont avec, une flamme nous a quittés. Les paroles de ce chant sur lequel le match a été ouvert, les avons nous oubliées ?
Si vous voulez gagner, Jouez comme des guerriers, Faites-les trembler, Soyez sans pitié !
Ce chant porte bien son nom : le Guerrier Pacifique. Il ne s’agît pas de sombrer dans la violence physique et d’aller agresser ou même insulter qui que ce soit. À quoi bon ? Tous, en déplacement nous avons vu que les insultes adverses ne faisaient que nous motiver. Alors pacifique, oui… mais et les guerriers alors ? Où sont-ils passés samedi ces guerriers qui luttaient pour le Virage Auteuil ? Ceux qui, sur un corner faisaient vibrer l’air des tribunes ? Ceux qui mettaient la pression sur l’arbitre ? Ceux qui réduisaient au silence les visiteurs par la puissance de leurs chants ?
Samedi, l’arbitrage de M. Auriac a été d’une affligeante nullité. Quand lui avons-nous fait sentir qu’ici c’est Paris, et qu’il fallait qu’il mette fin aux fautes grenobloises à 50 mètres ?… Jamais. Quand avons-nous poussé les joueurs de Grenoble à l’erreur en leur faisant peur ? Quand avez-vous senti vos avants-bras se hérisser en fin de match, en se disant que ça allait rentrer, que nos adversaires tremblaient alors que nous aidions nos joueurs à se sentir plus forts ? Jamais ! Jamais nous avons apporté ce suplément d’âme qui renverse un match.
Au printemps dernier, nous étions nombreux à avoir quitté le Parc les oreilles douloureuses tant le volume sonore avait été énorme. Avons-nous tous changé en six mois ?
Et si le PSG n’était qu’un prétexte ?
Certains détails prouvent que le Virage se relâche. Que nous nous reposons sur notre réputation avant de chercher à la mériter, à la renforcer. Un exemple : Auteuil, tribune rouge. Au milieu de la première mi-temps, une bagarre éclate entre deux ou trois supporters. Des stewarts rentrent et séparent manu-militari les quelques gars concernés. Évidemment ça prend du temps, évidemment les mecs y reviennent deux ou trois fois, pour finalement se faire enjoindre par un malabar en blouson rouge d’aller voir ailleurs si (par hasard) le match ne serait pas plus sympa à suivre. Or, quand le malabar à la fraise en question pèse près de 150 kilos et demande gentiment, même dans le feu de la bagarre, le supporter, toujours poli, se sent des envies d’accéder à la requête.
Bref, le truc qui arrive quasiment une fois par match dans tous les stades du monde. Pendant ce temps-là on est à 0-0 sur la pelouse, Paris attaque, Auteuil Bleu envoie ses chants, et en bas… En bas, des mecs qui avaient le fessier vissé sur leur strapontin se sentent soudain des regains de forces musculaires insoupçonnés, et se lèvent pour voir si le stewart va ou ne va pas réussir à séparer les belligérants. Super intéressant non ? Résultat, tout le monde se tait et tord le cou pour essayer de contempler une pauvre rixe entre deux types totalement inconnus. Et évidemment, quasiment plus personne ne chante. Enfin plus personne ne chante dans Auteuil Rouge, parce que les Grenoblois eux, un peu moins étourdis que nous, pendant ce temps-là ils donnaient bien, merci pour eux.
La question quand on évoque les mecs qui préfèrent regarder une rixe plutôt que participer vocalement au match, c’est, mais pourquoi ces gars-là sont-ils venus à Auteuil ? Il y a, dans le virage une étrange catégorie de supporters. Le profil-type, c’est le gars qui, juché sur son strapontin passe son temps tourné vers la tribune F, majeurs levés, attendant vainement qu’un visiteur le remarque et se sente insulté… puis qui, au bout de cinq minutes les bras levés, commence à sentir ses épaules lui faire mal et décide finalement que regarder le match ça peut être une bonne idée. Généralement, ces gars-là éprouvent le besoin de venir à Auteuil avec leurs lunettes de soleil, accessoire indispensable quand le match a lieu à 21 heures, et une écharpe anti-marseillais… face à Grenoble.
À quoi bon s’abonner en Virage si c’est juste pour profiter d’un emplacement que l’on juge privilégié pour insulter les adversaires ? Qui peut croire un instant que cela sert à quoi que ce soit ? Mieux vaudrait peut-être laisser sa place : avec un peu de chance pour le PSG, le nouvel Auteuilliste chanterait de temps à autres. Et le Virage n’y perdrait pas au change.
Auteuil, tribune de supporters
Depuis quelques années, et à de trop rares exceptions près, il se passe des choses très inquiétantes au niveau ambiance à Auteuil. Les capi font leur boulot, les carrés des associations se donnent, les gestuelles y sont constantes, les couleurs du PSG fleurissent dans ces blocs… et dès que l’on passe une barrière, ou une rangée de marches, plus rien. En dehors des associations, ou du bloc animé par quelques courageux en Auteuil Rouge, les chants sont à peine repris. Au bout de trois phrases on abandonne ; espérer faire une grecque tient de l’illusion ; et même les échanges les plus simples (gestuelle niveaux bleu et rouge) sont gâchées.
En face, on a vu les Grenoblois compacts, tous motivés, et quelque part je dirais qu’on a pris une leçon. Parce que l’on invoque le mauvais scénario de la rencontre, le niveau de jeu, la faiblesse de notre attaque pour excuser notre piètre performance… Mais avant tout, il faudrait juste se demander dans quel sens vont les choses. Qui doit impulser l’ambiance ? Si on ne supporte qu’à partir du moment où le PSG mène ou domine, c’est que l’on n’a pas besoin de nous. Autant aller en J, et se goinfrer de petits-fours, on y voit mieux le match. Ou alors aller crever d’ennui à Gerland, en attendant l’ouverture du score sur un coup-franc inventé avant de commencer à chanter, puisque c’est ça le trip.
Non, on ne méritait pas mieux, juste parce qu’on a déboursé 200 € pour s’abonner dans une tribune populaire du seul club de la Capitale. À Auteuil, avant de mériter, il faudrait déjà chanter. Et ça, samedi, on ne l’a pas fait.
Tous les abonnés du Virage ne semblent pas dans le besoin. Beaucoup pourraient s’abonner en latérales. Pourquoi restent-ils là s’ils ne commencent à chanter qu’une fois que la victoire tend ses bras ? À quoi bon ? Si c’est juste pour profiter égoïstement de l’ambiance, ou de la réputation du Virage, parce que ça fait bien, mais sans jamais participer en retour, ou bien quand Paris domine déjà, alors c’est qu’il y a quelque chose de pourri dans ce virage.
Un capo l’a fait remarquer en lançant avec une bonne dose d’ironie et de second degré peu après l’heure de jeu : « Si vous ne chantez que lorsque que le PSG mène, alors on va faire comme si Paris venait de marquer, on va vous proposer les chants pour fêter un but, et peut-être que comme ça après vous vous y mettrez enfin ! » Évidemment, rien n’y a fait, mais certains Auteuillistes devraient quand même se poser des questions.
Qu’est-ce qu’un supporter qui ne chante pas parce que son équipe ne mène pas ? Qu’est-ce qu’un supporter qui se tait parce que le PSG ne joue pas assez bien ? Qu’est-ce qu’un supporter qui attend du beau jeu, des buts et un spectacle avant de donner à son club ? Il y a un nom pour ceux-là. Un nom qui fâche. C’est un spectateur. Et si Auteuil est en train de devenir une tribune de spectateurs, alors c’est tout le Parc qui ne tournera plus rond. Paris a besoin de ses deux virages.
On se plaint, on geint sur le prix des billets et sur ces dirigeants qui veulent mettre fin à une certaine idée de l’animation des tribunes. La vérité, c’est que les travers du football business, si on continue à se comporter comme des spectateurs, on va les amener nous-même dans notre tribune, comme des grands. Alors, il sera trop tard…
Jeudi, Paris retrouve l’Europe. Nous savons tous ce qu’il nous reste à faire.
