Cette semaine, Robin Leproux affirmait : « Bien sûr, que l’on aura le droit de chanter et de se mettre debout au Parc des Princes. » La conjugaison du verbe avoir au futur simple n’est pas anodine…
Rappel des faits
Samedi, après PSG-Porto, un premier reportage de PSGMAG.NET évoquait « l’ambiance » au Parc des Princes :
À Auteuil rouge, les stadiers ont passé l’après-midi à s’assurer qu’aucun client n’allonge ses jambes sur la rangée de devant (sic). Sans surprise, il était également interdit de se regrouper debout en bas de la tribune.
Le lendemain, lors du match PSG-Roma, les supporters parisiens étaient plus nombreux que la veille. Parmi eux, certains souhaitaient encourager le Paris Saint-Germain en se levant et en chantant. Présents sur place, nous avons constaté que les stewards interdisaient de rester debout en tribune Auteuil rouge. Nous avons publié un deuxième reportage détaillant l’après-midi de dimanche :
[…] De nombreux supporters, isolés, souhaitaient naturellement rester debout. Les stewards s’empressaient alors de venir faire appliquer le règlement, et faire asseoir les impudents — y compris ceux qui ne gênaient personne. Rapidement, plusieurs supporters parisiens se sont regroupés sur la gauche de la tribune Auteuil — « R1 », pour reprendre la même dénomination que côté Boulogne —, près du parcage visiteurs. Les premiers chants — pro-PSG et anti-Colony — lancés ont été repris par une partie de la tribune, mais les stewards ont vite tenté de mettre fin au regroupement. S’en est suivi un jeu du chat et de la souris entre stewards et supporters, sagement assis à leurs places jusqu’à ce qu’ils relancent un nouveau chant…
Après un quart d’heure de jeu apparaît le premier chant à se faire entendre massivement : « Tout le monde debout, tout le monde debout, tout le monde, tout le monde, tout le monde debout ». En quelques secondes, toute la tribune Auteuil rouge se lève ! […] Les spectateurs occasionnels se rassoient rapidement, et ne restent debout que des duos ou trios de supporters dispersés sur toute la tribune. Ceux qui semblent lancer les chants et ainsi mener la contestation se voient expulsés sans ménagement par une armée de stewards, sous les sifflets de la tribune et l’œil des renseignements généraux. Les stewards peuvent alors faire asseoir un à un tous les habitués, expulsant parfois quelques récalcitrants.
[…] Ainsi, de peur de voir les supporters se réapproprier les virages, le PSG interdit même de se tenir debout. Tant que l’affluence sera faible — comme samedi — ou que la coordination en tribunes sera nulle — comme dimanche —, les stewards parviendront, au prix de nombreux efforts, à faire appliquer le dispositif. Mais lorsque les 13 000 anciens abonnés seront plus nombreux à revenir au stade et qu’une grande partie des tribunes refusera de s’asseoir, les hommes en rouge auront bien des difficultés à expulser des centaines de personnes refusant simplement de rester assis en virage.
Ce reportage était illustré de plusieurs photos montrant les stewards en train d’expulser des tribunes un supporter parisien qui refusait de s’asseoir.
Les jours suivants, nous avons recueilli les témoignages des deux personnes impliquées dans ces événements : Laurent, l’un des « leaders » du premier groupe, et Stéphane, le supporter que l’on voit se faire expulser sur nos photos.
Laurent Bylka, père de famille de 30 ans, est le premier à nous répondre :
Nous avons décidé — après que les stewards nous ont demandé de nous asseoir pour la cinquième fois — de nous déplacer, et nous rapprocher des supporters romains. […] Nous avons commencé à lancer quelques chants. […] L’ambiance était toujours bon enfant, même si un steward venait nous demander de nous asseoir toutes les deux minutes. Ensuite les renseignements généraux sont arrivés en haut des escaliers, et les stewards ont commencé à être encore plus pénibles : nous gênions soi-disant des enfants, alors qu’il n’y avait personne derrière nous…
Devant leur insistance, nous avons décidé de nous regrouper avec quelques autres Parisiens motivés et de nous placer à un endroit où nous ne pouvions pas gêner qui que ce soit, puisque derrière nous se trouvait un mur. Nous avons continué à chanter debout. Voyant que les stewards continuaient à faire ch… tous ceux qui se tenaient debout, j’ai lancé le chant « tout le monde debout », qui sera suivi par toute la tribune. Après quelques chants, les choses se sont gâtées : le responsable des stewards m’a fait signe gentiment de le rejoindre. J’y suis allé tranquillement, tout seul, même si je savais très bien le guet-apens qui m’attendait. Et je n’ai pas été déçu : dès que nous avons descendu l’escalier, son sourire de façade a changé. Après m’avoir isolé dans un coin à l’abri des regards en me serrant le bras le plus fort possible, il a commencé à me menacer en criant. On m’a reproché d’engrener toute la tribune dans une rébellion et d’être le meneur ; les stewards n’appréciaient pas du tout les chants contestataires que nous lancions. Les RG ont alors débarqué avec de nouveaux stewards et un autre supporter qui avait le tort de rester debout et de chanter. Il s’est fait malmener devant les yeux de son père, choqué et totalement impuissant. Une minute plus tard, un autre gars puis mon petit frère nous rejoignent… Après des palpations et un contrôle d’identité par les RG, qui ont relevé nos noms, ceux-ci nous ont dit que nous pouvions retourner en tribune.
Mais il restait encore une bonne dizaine de stewards qui nous parlaient mal et voulaient à tout prix nous jeter dehors. Ils nous ont entourés et nous ont dit qu’il était hors de question que nous retournions en tribune, qu’ils allaient nous jeter dehors de force. Au moment où le ton commence à monter entre nous, des stewards sortent un autre gars des tribunes — cela correspond aux deux photos dans votre article. Lui aussi chantait debout…
Le lendemain, nous avons recueilli le témoignage de Stéphane, également père de famille âgé de 30 ans, que l’on aperçoit sur nos photos :
Un petit groupe de Parisiens essaie de lancer des chants en bas à gauche de la tribune, près de la tribune F, mais ils sont vite forcés à monter s’asseoir plus haut en silence [il s’agit du groupe de Laurent]. Ils se mettent alors à chanter « tout le monde debout ». L’attitude des stewards — qui continuent à leur demander de s’asseoir — devient puérile, car ces gens ne gênaient personne. Il n’y avait que le mur derrière eux ! Lorsqu’ils ont essayé de chanter debout, les stewards en ont fait sortir un assez violemment. Si seulement la tribune s’était levée toute entière…
Je suis resté debout ; un steward m’a rapidement fait signe de m’asseoir. Je lui ai fait signe que je n’obtempérerai pas. Il me demande : « T’es sûr ? » Je réponds oui. Je l’entends alors indiquer au talkie-walkie : « Envoyez une équipe, il y a un mec à sortir… » Une dizaine d’entre-eux m’attrapent et me plaquent au sol dans les coursives après m’avoir enfoncé le pouce dans l’œil volontairement — celui qui m’a fait ça m’a enlevé les lunettes juste avant, et a bien insisté dessus. Obligé de me débattre, je finis avec un genou sur la gorge, des griffures, des ongles dans le bras, un cocard… […] On m’explique alors que le préfet de police se prononcera sur une éventuelle interdiction de stade administrative d’une durée de trois à six mois.
- Expulsion d’un supporter qui voulait rester debout
- Photo Mathieu Genet pour www.psgmag.net
Enfin, après avoir reçu de nombreux témoignages corroborant ces deux-là, nous avons choisi d’en publier un troisième, celui de Cédric Grocaut :
Je me place debout contre le muret, tout en bas de la tribune. Je ne gênais personne. Au commencement de Bordeaux–Porto, un steward me demande gentiment de m’asseoir ; je m’exécute. Au passage, il demande également à un couple assis derrière moi de bien vouloir retirer leurs pieds du siège d’en dessous. Nous échangeons quelques mots : ils sont abasourdis. […] Il n’y avait personne devant moi, au premier rang ; je m’avance et me place alors debout le long du siège. Dès que le match commence, un steward me demande de m’asseoir. […] Au premier rang, plusieurs personnes se lèvent pour chanter à la gloire du PSG, en réponse aux encouragements romains. Ils sont suivis par quelques autres au deuxième rang, et trois jeunes derrière nous. Nous chantons tous en cœur. […] Les stewards passent dans les rangs, demandant à tout le monde de s’asseoir. Lorsque les joueurs entrent sur le terrain, tout le monde se relève. Les hommes en rouge reviennent alors en plus grand nombre. Mes compagnons d’infortune faisant de la résistance, un deuxième steward se présente. Il leur reproche de ne pas être à leur place, et leur assure que « c’est fini Auteuil, maintenant c’est une tribune familles ». […] Le ton a légèrement monté, mais tout le monde s’est finalement assis.
Au premier rang, la discussion se poursuit [il s’agit du groupe de Laurent]. Après quelques minutes, un petit groupe rejoint le haut de la tribune afin de ne gêner personne. Plusieurs personnes les suivent. Quelques chants, toujours à la gloire du PSG, fusent. Mais une armée de stewards déboule rapidement pour faire s’asseoir de force tout le monde. C’est à ce moment-là qu’un mouvement de contestation a débuté. Un chant « Tout le monde debout, tout le monde debout… » a été lancé, et repris par les trois quarts d’Auteuil rouge ! Les stewards se sont retrouvés les mains sur les hanches, désemparés.
[…] La personne que l’on aperçoit sur les photos de votre article ne voulait plus se rasseoir [il s’agit de Stéphane]. Un steward insiste ; le supporter lui fait signe de la main qu’il refuse. Ils lui sont alors tombés dessus à plus de cinq ! Il s’est fait maîtriser puis expulser. […] Plus tard, un steward présent à Auteuil depuis une dizaine d’années me dira : « J’ai les boules de voir ça, mais je ne fais qu’exécuter les instructions. »
[…] Il n’y avait rien de violent dans notre attitude, nous voulions seulement chanter à la gloire de nos couleurs, sans haine, sans violence. Pourquoi une telle répression en retour ? Et pour couronner le tout, je lis que Monsieur Leproux se targue d’avoir entendu des débuts de chants ? Je trouve cette réaction vraiment ingrate de sa part, au regard de ce qui s’est réellement passé en tribunes. Je revois les images de ce gars [Stéphane] sorti de force par cinq stewards, juste parce qu’il voulait rester debout, et chanter son amour pour nos couleurs. C’est absolument invraisemblable.
Les ambigüités de Leproux
Mercredi, le site du journal 20 minutes a interrogé Robin Leproux sur le sujet :
Les spectateurs du Parc pourront-ils se mettre debout ?
Oui bien sûr. On est à l’ère de l’Internet, on se raconte des choses. Bien sûr, que l’on aura le droit de chanter et de se mettre debout au Parc des Princes. Je le dis de manière détendue et claire.
De manière très ambigüe — de l’aveu même du journaliste ayant mené l’interview, que nous avons interrogé —, le président du directoire du PSG indique qu’il sera possible de se mettre debout, sans préciser s’il nie réellement les événements du week-end. C’est en tout cas ce que comprend chronofoot.com, qui explique à propos des témoignages que nous avons publiés : « Le président du club de la capitale a nié ces accusations. »
Leproux ajoute à l’ambigüité en insistant sur le caractère évident de sa réponse. « Bien sûr », répète-t-il deux fois, il sera possible de se mettre debout. Puisque cela allait de soi, pourquoi avoir donné l’ordre aux stewards d’empêcher tous les supporters de se lever lors des premiers matches du PSG au Parc des Princes depuis près de trois mois ?
Jeudi soir, lors d’un chat organisé sur le site officiel du club, Robin Leproux a vite évacué le problème. Pour couper court aux discussions, il a choisi de répondre à cette question en ouverture de la discussion :
Plus le droit d’être debout dans les tribunes du Parc des Princes ? Pourquoi ?
Je confirme comme je l’ai dit en interview, qu’on pourra se lever et chanter dans les tribunes du Parc des Princes.
Leproux se réfère ainsi à la seule interview qu’il a accordée sur le sujet, en répétant la même chose : on pourra se lever. À partir de maintenant, ce sera donc possible. Mais hier ? Le PSG a pris soin de ne valider aucune des questions sur l’attitude des stewards lors du tournoi de Paris. Selon les courriers que nous avons reçus, de nombreux supporters ont pourtant posé la question.
À de multiples reprises, la presse avait qualifié le tournoi de Paris de « premier test » — citons par exemple le Parisien des 8 mai, 27 juillet, 1er août, 2 août et 7 août 2010. Rien n’était donc laissé au hasard, surtout pas le comportement des supporters en virages rouges. L’empressement des stewards, tout au long de l’après-midi, à faire asseoir les spectateurs n’avait évidemment rien de spontané.
Bien que tous ceux qui ont assisté au match ce dimanche à Auteuil l’aient vu de leurs yeux, et malgré les témoignages publiés par PSGMAG.NET, qui ont abondamment circulé sur Internet, Robin Leproux a donc choisi de camoufler la réalité. Entre les supporters du PSG et le grand public, l’ancien vice-président du groupe M6 a fait le choix de se moquer ouvertement des premiers pour mieux gagner le combat médiatique auprès des seconds. Et dans cette attitude, Leproux peut compter sur le soutien de certains journalistes.
Qu’en dit la presse ?
Pour L’Équipe, rien à signaler. Damien Degorre se contente simplement de répéter toutes les deux phrases que « ce plan est courageux ». Courageux, certes, mais est-il efficace ? cohérent ? fidèle aux objectifs annoncés ? Ce n’est manifestement pas la question.
Sur le web, l’essentiel des médias ont évoqué très laconiquement les incidents, sans citer de source — puisque les médias traditionnels n’en ont pas parlé —, à l’exception notable de chronofoot.com. Autre exception, dans la presse papier cette fois : Le 10 Sport. Page 28, Pierre-Antoine Chevallier revient sur l’ambiance au Parc des Princes durant le week-end :
Ces animations un brin puériles [le « vous vous z’êtes là », Valérie…] ne peuvent masquer certains agissements dans les tribunes le week-end dernier. Malgré l’enjeu relativement modeste du tournoi de Paris et l’ambiance morne qui régnait au Parc, deux supporters ont été exclus manu militari pendant le match PSG-AS Rome, soulevant au passage quelques interrogations parmi les journalistes présents. Des interrogations bien vite dissipées par leur témoignage édifiant, publié par le site psgmag.net. […] On leur reprocherait de s’être levés à plusieurs reprises et d’avoir tenté de mettre un peu d’ambiance. […] Un climat de paranoïa générale qui ne laisse rien présager de bon à l’approche du match contre Saint-Étienne. Et la présence de Germain, cette fois-ci, n’y changera pas grand-chose…
Ces interrogations, les journalistes du Parisien ont choisi de ne pas les porter à la connaissance de leurs lecteurs. Le quotidien de Saint-Ouen préfère assurer qu’il ne s’est rien passé.
Les 10 000 spectateurs présents au Parc des Princes dimanche dernier auraient-ils donc rêvé ? Pas si sûr. Ce samedi, le même Arnaud Hermant confirme d’une part que les dirigeants du PSG avaient décidé d’obliger tous les spectateurs à rester assis, et d’autre part que cette décision a été jugée difficilement applicable :
La décision des dirigeants de maintenir assis les spectateurs dans les parties basses des virages, devant la difficulté de son application, a été levée. En revanche, les supporters doivent conserver les sièges indiqués sur leurs billets et ne pas se regrouper.
Mais de quelles difficultés — suffisamment importantes pour obliger le club à revenir sur une décision longuement réfléchie — peut-il bien s’agir, puisque tout s’était bien passé le week-end dernier ? Voilà le problème quand on devient militant—porte-parole, et non plus journaliste…
Le PSG a donc été amené à faire machine arrière sur sa décision grotesque d’interdire aux spectateurs de se lever en virages. Quelle que soit la communication — très habile — de son président, cela restera indélébile. Surtout, cela apporte une lumière nouvelle sur le Parc des Princes souhaité et peaufiné par le PSG ces trois derniers mois… et sur la crédibilité des propos de Robin Leproux, coupable de mensonge — un mensonge par omission, mais un mensonge tout de même.
Bilan de cette histoire : soit, contrairement à ce qu’il indique, Robin Leproux n’envisageait pas de voir revenir le moindre ex-abonné en virages ; soit il n’a pas compris que ceux-ci ne restaient pas debout pour mieux manger des enfants, mais pour supporter le Paris SG. Dans tous les cas, il s’agit là d’une confirmation indiscutable que toutes les mesures du plan Leproux ne sont pas nécessaires et justes, quand bien même seraient-elles « courageuses ».