Interview réalisée jeudi 25 février 2010.
Publication en quatre parties :
Première partie : les coulisses du club et le « peuple du PSG »
Deuxième partie : sa présidence en avril-mai 2008
Troisième partie : la démission de Charles Villeneuve, Colony Capital et les maillots
Quatrième partie : l’association PSG, les jeunes et les féminines
La démission forcée de Charles Villeneuve
En janvier 2009, après quelque huis mois à la tête du PSG, Charles Villeneuve provoquait une nouvelle crise de gouvernance en exigeant d’obtenir les pleins pouvoirs dans un courrier adressé aux administrateurs qui s’est immédiatement retrouvé dans la presse. Après sa démission forcée, l’ancien présentateur du Droit de savoir s’était est pris violemment à Alain Cayzac et Simon Tahar dans la presse.
« Charles Villeneuve n’était pas l’homme de la situation. Ce qui l’intéressait le plus, c’était l’aspect un peu paillettes avec les joueurs qu’on considère comme des stars. »
Tous les observateurs ont été surpris de l’arrivée de Charles Villeneuve en mai 2008. Qu’en avez-vous pensé à l’époque ?
C’est vrai que son arrivée a surpris, oui. (sourires) Personnellement je n’ai pas très bien compris, parce qu’il n’avait aucune histoire avec le club, il semblait manifestement ne pas très bien connaître l’équipe, et sans doute n’était-il pas préparé à assumer des responsabilités aussi importantes — surtout après deux années extraordinairement difficiles, car cela faisait deux saisons que le club évitait de justesse la relégation. Mais nous sommes dans une société commerciale, à capitaux, donc c’est forcément l’actionnaire qui est maître du jeu, maître de ses choix ou responsable de ses mauvais choix. C’est vrai que j’ai été surpris, car je pensais qu’il fallait aller vers quelqu’un qui avait une véritable expérience du football, de vraies idées sur le football et un lien quelconque fort avec le club. Cela me paraissait absolument indispensable pour pouvoir donner une impulsion, et une impulsion forte, de manière à réduire ce handicap que nous avions à la sortie de deux mauvaises saisons.
Après sa démission forcée, Charles Villeneuve a employé des mots très durs envers vous, même s’il ne vous citait pas nommément [1]. Comment expliquez-vous sa virulence à votre égard ?
J’ai très vite compris que, quels que soient les efforts qu’il a faits, Charles Villeneuve n’était pas l’homme de la situation. En tout cas il n’avait strictement rien compris à l’histoire du Paris Saint-Germain, au fait que le club reposait sur deux structures, deux piliers — un président de la société et un président de l’association —, et qu’il fallait travailler en harmonie pour faire que l’une et l’autre avancent dans l’intérêt du club.
Je crois que ce qui l’intéressait le plus, c’était davantage l’aspect un peu paillettes avec les joueurs qu’on considère comme des stars. C’était beaucoup plus agréable de travailler la relation avec les joueurs — chose qu’il maîtrise sans doute le mieux —, mais le club ce n’est pas seulement cela. Le club, c’est une énorme aventure. Pas seulement une entreprise, mais une aventure ! Et il faut bien comprendre qu’on ne peut pas diriger le PSG sans tenir compte de l’ensemble, c’est-à-dire de l’histoire du club, l’association, les 35 équipes qu’elle dirige, la section féminines, la Fondation, l’école de football, le centre de formation… C’est tout cela le club. Si on ne le comprend pas, et si on ne comprend pas qu’on n’existe qu’à travers une histoire qui s’est développée au fil du temps — avec des moments forts et des moments de doute, des moments d’espérance et des moments d’illusion —, alors on vient comme le ferait un mercenaire, pour mener un travail sans tenir compte de l’ensemble des choses. C’est ce qui m’a fait comprendre qu’il n’était pas l’homme de la situation. Et quand il a compris que j’avais cette mesure, il n’y a pas eu vraiment beaucoup de sympathie d’un côté comme de l’autre.
La lettre que Charles Villeneuve a envoyée était catastrophique sur la forme, mais le fond appelait des réponses. Pourtant, rien de cela n’a été évoqué, le scandale ayant tout emporté. Les questions posées ne méritaient-elles pas des précisions ?
Au niveau de la société, il y a évidemment des résultats à analyser, des décisions à prendre sur les investissements… Mais tout cela relève de la société et du président. Habituellement ces questions se règlent dans le cadre d’échanges entre les actionnaires, le président et les administrateurs. C’est l’ordre normal des choses. Quand on a rendu public cette lettre, avant même que certains n’en aient reçu une copie, on a choisi délibérément de faire un coup, de provoquer une situation. Et mon jugement est que cela pouvait réellement mettre gravement en péril le club. Je me répète, cela faisait six mois à peine que le club sortait déjà d’un traumatisme ! C’était une sorte d’implosion qui pouvait vraiment rendre impossible une gestion normale entre actionnaires, administrateurs et président, et surtout mettre en péril l’ensemble du club. Cela a été mon opinion. Je ne suis pas actionnaire à titre individuel — je le suis en tant que représentant de l’association — et je ne suis pas administrateur, mais en tant que président de l’association j’ai des responsabilités et j’ai un rôle, donc j’ai considéré qu’il était important d’éclairer Sébastien Bazin et les administrateurs sur le fait qu’à mes yeux ces événements étaient d’une gravité extrême. Cette approche a été partagée, et les décisions ont été prises par les administrateurs. Il était très important de réagir, et de réagir vite.
Colony Capital, la rénovation du Parc et les maillots
Nous avons interrogé Simon Tahar sur les sujets qui ont fait l’actualité cette saison : l’investissement de Colony Capital au PSG et leurs projets pour la rénovation du Parc des Princes, le respect de l’identité du club au travers des maillots « domicile ».
« Qu’est-ce que cela veut dire le PSG pour Colony Capital quand on se fait insulter, quand on perd de l’argent ? »
L’un des sujets qui cristallisent le mécontentement du public concerne la rénovation du Parc des Princes et le projet de naming, notamment parce qu’aucune information sur la nature des travaux n’a été communiquée. Pouvez-vous nous en dire plus sur les intentions de Colony Capital ?
Je n’ai pas d’information non plus sur ce sujet. La seule chose, c’est qu’il est clair que le Parc des Princes a besoin d’être rénové. C’est un stade qui date de bientôt quarante ans. À l’époque de sa construction, en 1972, il était absolument révolutionnaire et il a servi de modèle à un nombre incalculable de stades. C’est un stade exceptionnel, tous les footballeurs qui viennent disent que c’est un stade magique, sinon le plus beau. Il faut garder toutes ces vertus. Mais quand vous vous baladez en Europe, vous voyez que les nouveaux stades n’ont plus rien à voir. Il faut trouver un compromis entre d’une part cette signature Parc des Princes, qu’il faut conserver, et d’autre part la modernité, le confort donné à ceux qui viennent au stade, la sécurité qu’il faut leur apporter. Je crois que la volonté de Colony Capital, dans le cadre de l’appel d’offres lancé par la mairie de Paris, est justement de créer un stade qui réponde à tous ces objectifs.
Les projets de rénovation n’ont donc pas été portés à la connaissance du conseil d’administration du club ?
Non, nous savons qu’il y a un dossier qui se prépare, nous savons que Colony Capital est en train de monter un tour de table avec des gens importants au niveau de la construction et de la rénovation de stades, mais nous n’avons pas encore été informés.
En début de saison, Sébastien Bazin avait rappelé la nécessité d’une qualification régulière en Ligue des Champions. Les contre-performances actuelles pourraient-elles remettre en cause de l’investissement de Colony Capital au PSG ?
Je ne peux pas me mettre à la place de Colony Capital. Cela fait maintenant quatre ans qu’ils sont présents au club : en dehors de l’année dernière, où les trois-quarts de la saison étaient bons — sur le plan sportif — et le dernier cataclysmique, ils n’ont connu que des saisons difficiles. Et qu’est-ce que cela veut dire le PSG pour Colony Capital quand on se fait injurier, insulter, quand on a des mauvais résultats, quand on perd de l’argent ? Je ne sais pas, déjà à ce niveau-là il y a quelque chose qui interpelle… (sourires) Mais je ne peux pas me poser la question à leur place, et je pense qu’ils doivent se la poser aussi. Ce qui m’intéresse moi, c’est de donner tout ce que je peux pour inciter les gens à faire l’effort nécessaire pour que le club aille de l’avant, et pour l’instant effectivement on a un vrai problème de performances.
« Je suis très attaché au maillot historique, mais il faut être indulgent. Il reviendra toujours… »
Vous évoquiez l’importance pour les dirigeants de la société commerciale de prendre en compte l’histoire du PSG. Parmi les rares symboles permettant de perpétuer le passé d’un club, le maillot est l’un des plus importants à nos yeux. En tant que dirigeant historique, quel regard portez-vous sur la tunique de cette saison ?
Je suis très attaché aux couleurs du Paris Saint-Germain et au maillot historique dessiné par Daniel Hechter en 1973. Évidemment il y a des contraintes commerciales, on ne peut pas nier cette réalité. Mais, même si on comprend le souci des commerciaux ou du marketing de pouvoir favoriser des sources de revenus à travers la vente de maillots, il faut s’efforcer de toujours préserver le lien, l’idée commune qui fait que quoi qu’il arrive on va toujours, en regardant un maillot, penser au PSG. Je crois qu’il ne faut jamais s’éloigner de cela. C’est vrai qu’il y a eu des couleurs chocolat, des couleurs grises…
Mais il s’agissait de deuxième ou de troisième maillot. C’était moins significatif, donc moins important.
Je pense tout de même que le maillot actuel rappelle le PSG. Au début, quand on le voit pour la première fois, c’est vrai qu’on est un petit peu choqués, mais on s’y habitue.
[Mélange de rires et de moues dubitatives]
(rires) Un petit peu, on n’est pas totalement éloignés. Mais c’est vrai que c’est compliqué. Il faut reconnaître que les sources de revenus ne sont pas incommensurables, le contrat avec Nike est un contrat important, et si Nike ne peut pas vendre de maillots, c’est sûr que c’est un problème. Mais tout cela se règle au fil du temps. On reviendra au maillot historique, on reviendra même au petit col blanc vous verrez… (sourires) Le maillot reprend toujours plus ou moins les couleurs historiques. Il y a des périodes où c’est plutôt moins que plus, quelques fois c’est l’inverse, mais je pense qu’il faut être indulgent, parce que le maillot historique revient toujours, et qu’il reste quoi qu’il arrive ancré dans la mémoire collective.
Les grands clubs européens ne modifient quasiment jamais leur maillot domicile. N’est-ce pas un coup dur, en terme d’image, porté au PSG ?
Je ne suis pas un spécialiste du merchandising, mais il me semble que très peu d’équipes dans le monde peuvent se targuer d’avoir un maillot qui ne bouge pas. Il faut expliquer ces choses aux supporters, il faut dialoguer, il ne faut pas leur imposer des choses.
Première partie : les coulisses du club et le « peuple du PSG »
Deuxième partie : sa présidence en avril-mai 2008
Troisième partie : la démission de Charles Villeneuve, Colony Capital et les maillots
Quatrième partie : l’association PSG, les jeunes et les féminines