Interview réalisée jeudi 25 février 2010.
Publication en quatre parties :
Première partie : les coulisses du club et le « peuple du PSG »
Deuxième partie : sa présidence en avril-mai 2008
Troisième partie : la démission de Charles Villeneuve, Colony Capital et les maillots
Quatrième partie : l’association PSG, les jeunes et les féminines
Président du PSG — avril-mai 2008
Le 21 avril 2008, après la nomination de Michel Moulin au poste de conseiller sportif, Alain Cayzac démissionne de sa fonction de président-directeur général du PSG. Il est remplacé par Simon Tahar, jusqu’à la fin de la saison. Charles Villeneuve sera ensuite choisi par Sébastien Bazin pour prendre la relève.
« J’ai dû démissionner du barreau pour devenir président du PSG ! »
Compte tenu des difficultés auxquelles avait été confronté Alain Cayzac, n’avez-vous pas hésité à accepter la présidence du club ?
Je suis assez proche d’Alain Cayzac. Il a été président de l’association avant que je ne le sois [de 2001 à 2006], c’est lui qui a tenu absolument que j’en devienne le président quand il a été nommé président de la société [en 2006]. J’ai donc partagé ses tourments dans toute la période qui a précédé sa démission. Tout d’abord, je crois qu’il n’y avait pas beaucoup de volontaires pour y aller. (sourires) Mais de toute façon je ne me suis absolument pas posé la question. Je n’ai analysé ni les risques pour moi ni les conséquences pour le club, je ne m’en suis réellement rendu compte qu’après coup. C’était simplement mon devoir d’y aller, sans penser à tout ce qui allait se passer après. Et tout ce qui s’est passé après s’est avéré très lourd, y compris professionnellement. Mais je l’ai fait quand même.
Vous suggérez que votre activité professionnelle a pâti de votre passage à la tête du PSG ?
Il a fallu que je suspende mon activité d’avocat. J’ai même dû démissionner du barreau (sourires), parce qu’il y a une incompatibilité entre la fonction de président-directeur général d’une société et la profession d’avocat. Il y a par ailleurs une incompatibilité entre la présidence de l’association et celle de la société, donc j’avais confié l’intérim à Thierry Morin.
« Michel Moulin a essayé de redonner du moral à l’équipe. Et moi je me suis occupé de tout le reste… »
Votre nomination a été précédée de l’arrivée de Michel Moulin, nommé conseiller sportif par Sébastien Bazin. Quelles étaient vos responsabilités respectives ?
Ce qui a été un peu compliqué à mon avis, c’est que l’on s’est adressé à deux personnes sans même que ces deux personnes ne se concertent. Et on a fait venir au club une personne qui pouvait avoir une certaine légitimité et une autre qui n’en avait strictement aucune, avec peut-être des ambitions cachées, pour l’un en tout cas. Effectivement j’ai dû beaucoup user de diplomatie pour pouvoir concilier les choses. L’intérêt du club étant l’intérêt supérieur, il fallait que cela marche. Donc Michel Moulin s’est plus particulièrement occupé de la partie sportive, en essayant de redonner du moral, de l’impulsion, de l’envie à une équipe qui semblait manifestement être déstabilisée. Et moi je me suis occupé de tout le reste…
Aujourd’hui encore, Michel Moulin se présente comme le sauveur du club, et assure avoir occupé la fonction de président, même s’il n’en avait pas le titre. Comment expliquez-vous qu’il s’attribue ces mérites ?
Peut-être parce qu’il s’est attribué aussi le rêve de devenir président du PSG…
De votre côté, souhaitiez-vous continuer à ce poste à l’issue de la saison ?
J’avais pris un engagement avec Sébastien Bazin. L’idée a toujours été, notamment pour les raisons professionnelles que j’ai évoquées, que je devienne président pour apporter ma contribution, en essayant d’éviter le pire. Il était prévu qu’une fois ma mission terminée je redevienne président de l’association. C’était le deal de départ, et je m’y suis tenu. À un moment donné, parce que les choses ont évolué favorablement, beaucoup de gens m’ont effectivement demandé de travailler sur un projet. Mais j’ai pensé que la parole que j’avais donnée à Sébastien Bazin était importante, et je ne m’en suis jamais délié.
L’affaire de la banderole et la justice sportive
Durant sa présidence, Simon Tahar a dû faire face à l’un des plus invraisemblables emballements médiatiques qu’a connu le club ces dernières années : l’affaire de « la banderole anti-Ch’tis ».
« Le PSG désigné comme bouc-émissaire, la LFP juge et partie, les réactions politiciennes et les déclarations de la France bien pensante… Inacceptable ! »
Dans l’affaire de la banderole, les décisions de la LFP puis de la FFF ont été systématiquement infirmées par la justice administrative. Quel est votre regard de juriste sur ce dossier ?
C’est effectivement un des dossiers dont je me suis occupé immédiatement. Une fois que j’avais vu vraiment de quelle manière les choses se sont passées, j’ai considéré que c’était un véritable scandale, à triple titre : le premier, c’est qu’on désignait le PSG comme responsable de cette histoire, sans même vérifier si nous avions vraiment fait le travail au niveau de l’organisation, et Dieu sait si nous l’avions fait. C’était absolument exceptionnel, puisque entre le moment où la banderole est accrochée et le moment où elle est enlevée, il n’y a même pas quatre minutes ! La réaction a été immédiate. Donc premièrement je ne pouvais pas accepter la désignation du PSG comme bouc-émissaire. Deuxièmement, le fait que la Ligue se fasse juge et partie, c’est-à-dire que c’est la LFP qui organise le match — c’est la finale de la coupe de la Ligue, la rencontre se dispute au stade de France, l’organisation est mise en place par la LFP elle-même —, c’est la LFP qui est déficiente, et c’est le club qui devient responsable ! C’est quelque chose d’absolument inacceptable.
Enfin le troisième point, c’est que chaque fois qu’il y a un problème lié aux supporters du PSG, vous avez toute la France bien pensante qui s’élève d’une seule voix, et chacun de faire sa petite déclaration. Le maire de Lens a mis le feu aux poudres alors qu’il n’avait même pas vu ce qui s’était passé, le président du conseil régional du Nord-Pas de Calais était complètement scandalisé… Non seulement ce sont des réactions strictement politiques, mais en plus elles accentuent forcément le problème au lieu de le régler, parce que plutôt que d’essayer de calmer les choses et de prendre le temps de la réflexion, on met de l’huile sur le feu. C’est quelque chose que je n’ai pas accepté, donc j’ai effectivement porté le dossier. Et les juridictions qui se sont penchées sur la question ont bien vu que le club n’était pas responsable.
Vous aviez envisagé de porter plainte contre la LFP pour diffamation, dans la mesure où le procès-verbal de la commission de discipline affirmait qu’il y avait eu « complicité » du PSG. Qu’est-il advenu de cette affaire ?
Je ne sais plus où on en est, mais effectivement à l’époque je m’étais offusqué devant les propos qui avaient été utilisés, parce que la LFP avait en quelque sorte rendu le club responsable des propos tenus. Par ailleurs il faut savoir que, et c’est le moindre des paradoxes, la plainte du RC Lens n’a eu aucune suite, tout simplement parce qu’elle ne reposait sur aucune base légale. Cela prouve bien que le problème n’était pas aussi simple que cela et qu’il y a eu un emballement généralisé, au terme duquel le club s’est retrouvé pénalisé une fois de plus.
« On a organisé le sport entre nous, sans tenir compte de ce que la société ne peut fonctionner qu’autour de règles qui sont communes à tout le monde. »
La saison dernière, suite à une suspension de Zoumana Camara aggravée en appel malgré un vice de procédure, le PSG avait pointé du doigt le fonctionnement autocratique de la FFF. Que pensez-vous du fonctionnement des juridictions au sein du football français ?
La Ligue et la Fédération ont vraiment des conceptions différentes. La Ligue est faite par des gens qui s’occupent du football professionnel…
Il y a pourtant bien des juristes dans ces instances…
Le problème plus général, c’est qu’on a tellement judiciarisé le sport qu’on est confrontés à deux justices : d’une part la justice sportive, qui se donne ses propres règles — qui quelques fois ne sont pas conformes aux règles de droit commun —, et d’autre part la justice de droit commun, qui elle a ses fondamentaux. Ainsi, quand vous n’acceptez pas la justice sportive et que vous allez jusqu’au bout du processus juridique, bien souvent les décisions sont sanctionnées par la justice de droit commun — le Conseil d’État ou les tribunaux administratifs —, et vous retombez ainsi sur le droit commun. La raison tient au fait qu’à l’époque où le sport s’est développé, on a voulu l’organiser entre nous, que cela reste dans une certaine conception, sans tenir compte de ce que la société ne peut fonctionner qu’autour de règles qui sont communes à tout le monde, et pas simplement à ceux qui pratiquent le sport. C’est ce hiatus fondamental qui explique pourquoi, au gré des recours, des décisions se retrouvent complètement à l’opposées de celles qui avaient été prises au départ.
Après la décision du Tribunal administratif de Paris d’annuler la sanction de la LFP, Frédéric Thiriez avait jugé « indispensable la création en France d’un véritable tribunal arbitral du sport qui serait à même de juger les litiges rapidement en tenant compte de la spécificité du sport ». Qu’en pensez-vous ?
Il existe déjà des juridictions sportives, cela peut être une solution. Mais si l’on crée une nouvelle juridiction spéciale, il faut prendre le temps d’y travailler en profondeur, et surtout pas partir en se disant qu’il peut s’agir d’une solution pour se défaire d’un jugement défavorable. Si on le fait sans y apporter la réflexion nécessaire, cela ne fera que déplacer le problème une fois de plus.
Première partie : les coulisses du club et le « peuple du PSG »
Deuxième partie : sa présidence en avril-mai 2008
Troisième partie : la démission de Charles Villeneuve, Colony Capital et les maillots
Quatrième partie : l’association PSG, les jeunes et les féminines