Savoir où et donc comment acheter ses billets, c’est le meilleur moyen d’éviter de passer dans le désordre pour un hooligan, un faux-supporter, un autiste, ou encore un touriste à arnaquer… Cela peut donc s’avérer déterminant pour votre future vie amoureuse, sportive, familiale ou financière. Au moins.
Pour commencer cet indispensable tour des revendeurs de tickets, intéressons-nous au point de vente qui concerne le plus grand nombre de supporters : les grandes surfaces.
Le PSG s’affiche (un peu)
Vous êtes certainement déjà passé des centaines de fois devant ces kiosques qui proposent des places pour les animations les plus improbables. Mais de concerts de stars élues par un panel de téléspectateurs en pièces de théâtre éternellement en prolongations, on en oublie que ce ne sont en fait pas les seuls divertissements disponibles. Évidemment, vu de loin, absorbé par le sac plastique qui bloque la roue avant gauche de votre caddie, et le sans-abri qui essaye de vous refourguer sa feuille de choux, vous ne remarquez que les affiches de la tournée locale de la dernière chanteuse québécoise à la mode.
Mais revenez sans votre chariot, demain. Et approchez-vous du guichet, dominant votre aversion pour la photo grandeur nature de Mylène Farmer scotchée au mur. Vous pourrez sans doute découvrir une liasse de prospectus ventant les bienfaits d’une journée au vivarium du coin, et, juste derrière, une toute petite affichette, format A4.
Ne cherchez pas de couleurs voyantes, la photo sexy de votre joueur préféré, ou une présentation alléchante. Les avis de mise en vente des places du Paris Saint-Germain, puisqu’il s’agit bien de cela, sont d’un discret presque consternant. L’explication vient sans doute du fait que lorsque le club a fait une étude avec une brillante équipe de designers, il s’est trouvé un gars qui a exigé de privilégier le côté pratique…
Conséquence ? Le résultat pétrifierait même un supporter du club au plus petit budget de division d’honneur : si on avait confié le projet à une classe de collégiens munis d’un PC acheté au rabais en Moldavie et d’une vieille imprimante livrée en kit, ils n’auraient pas fait autre chose. Une feuille de papier blanc, le nom du match, la date, les différentes tribunes, leurs prix, et basta. C’est parfaitement lisible, une fois qu’on l’a trouvée. Le seul problème c’est que justement, c’est introuvable, surtout si on ne sait pas que le placard se cache dans le coin. Ceci expliquant peut-être le fait que bien des supporters débutants semblent encore ignorer que Carrefour, la Fnac ou Auchan vendent les précieux sésames…
Si d’ailleurs vous ne trouvez pas ladite affichette lors de votre première incursion dans ce monde étrange qu’est le comptoir de réservation de billets, ça ne veut pas dire qu’elle n’y est pas. Cela signifie seulement que vous ne l’avez pas vue. Nuance ! Il vous suffira donc de vous adresser à la charmante hôtesse afin d’obtenir un renseignement, souvent sous la forme d’un grognement monosyllabique et pas tout à fait articulé. Une longue pratique de ce genre d’endroits enseigne en effet que les employés du service billetterie ne sont pas choisis au hasard. Seuls les salariés qui ont gagné le concours du personnel le plus désagréable le mois précédent peuvent prétendre à ce poste. Peut-être est-ce parce que le guichet est situé à l’entrée, voire un peu en dehors du magasin que les vendeurs ne se sentent pas obligés d’être aussi aimables que leurs collègues des caisses. Ou alors les courants d’air résultants de ce positionnement stratégique les empêchent de formuler toute phrase polie… Dernière explication possible, les cinquante-trois personnes qui vous précédaient dans la file d’attente ont insulté tour à tour la pauvre guichetière. Cette éventualité n’étant pas à exclure, surtout si comme la plupart des supporters du club, vous habitez la région parisienne.
SDF ou Parc des Princes ?
Quoiqu’il en soit, une fois votre tour arrivé, vous annoncez donc fièrement que vous souhaitez acheter des places pour LE match de football. Vous y avez pensé, votre décision a été longuement mûrie et ne doit plus rien au hasard. Depuis que vous avez décidé de franchir le pas, la prochaine rencontre du Paris Saint-Germain est devenue LE match…
Malheureusement ce qui est limpide pour vous ne l’est pas forcément pour les autres. La réaction de votre interlocutrice va d’ailleurs vous le faire comprendre immédiatement, puisque qu’elle vous proposera au choix : un match amical France - Boukhistan au Stade de France, ou une longue liste d’oppositions à but caritatif se déroulant aussi au SDF. À noter que l’on ignore souvent qu’il se déroule autant de matches de bienfaisance dans ce stade avant de découvrir de visu l’interminable liste de catastrophes naturelles entraînant ces rencontres. Ça fait vraiment froid dans le dos [1].
En tout cas voilà des propositions de matches bien proprettes, du vrai sport familial, estampillé de bon goût par le journal de treize heures de Jean-Pierre Pernault. Bref, cela n’a pas grand chose à voir avec ce que vous recherchez, et il vous faudra donc être plus explicite. Pas la peine d’évoquer le Parc des Princes devant la pauvre receleuse, à part si vous souhaitez à tout prix vous voir présenter des billets pour le concert des soixante-quinze ans de Johnny, et le tatouage « tête de loup » gracieusement offert avec. Non, prononcez lentement le trois lettres fatidiques, et demandez-lui les tickets pour le prochain match du P - S - G.
Attention à partir de ce moment-là : l’effet de ces simples paroles sur une vendeuse non préparée psychologiquement peut surprendre. La réaction la plus fréquente chez la distributrice sera de vous dévisager avec une expression surprise teintée d’un léger mépris. Du style « beurk, il me demande des billets pour du foot ! ».
Au secours, un supporter du PSG !
Il faut préciser ici un détail qui a son importance : le billet contre le Boukhistan qu’elle vous proposait il y a quelques secondes ne concernait pas un match de football comme un autre, mais un match de l’Équipe de France. Rien à voir puisque dans l’esprit du commun des mortels, les Bleus sont synonymes de patriotisme, voire de pureté quasi artistique. Quand on connaît la carrière de Domenech, ça fiche un peu les jetons. En revanche le football en général, et la L1 en particulier, représentent pour la caissière et le reste de l’humanité à peu près ce qu’il y a de plus beauf.
Après cette première impression fort négative surgit un deuxième sentiment chez l’amatrice de l’équipe de Thierry Henry. La petite crainte mêlée au dégoût puritain, option « mon Dieu, encore un hooligan — mais c’est pas possible ils sont partout — quand je vais raconter ça ce soir à mon Pierrot ».
Il faut dire que comme les supporters du club de la capitale présentent chez beaucoup l’image de brutes plus ou moins haineuses, vous venez de vous faire cataloguer dans une élite assez restreinte. Inutile de préciser que si vous avez commis la bêtise de venir chercher vos places avec votre grand-mère, dans l’espoir qu’elle vous les offre, votre plan génial vient d’échouer. Quand votre gentille mamie déjà inquiète aura vu le sévère faciès de la vendeuse se décomposer à l’annonce du nom de votre équipe, vous pouvez être certain qu’elle changera d’avis et vous prendra deux billets pour Rikiki et Patapon au pays des Troululus, ou n’importe quoi, pourvu que ce ne soit pas une place chez ces fous-furieux de supporters parisiens.
Votre seule chance, c’est donc que vous assumiez seul le poids financier de votre passion pour le club de la capitale… Ou alors pensez à demander l’argent à l’avance ! Quoi qu’il en soit, c’est les lèvres pincées et avec à peu près la même réticence que si elle vous vendait des places pour le plus cradingue des films de boule que votre vendeuse vous demandera dans quelle tribune vous souhaitez retenir votre place.
Pour l’étape suivante, un conseil d’importance. Surtout, n’oubliez pas la longue enveloppe cartonnée dans laquelle on vous aura donnés vos tickets. Ce magnifique écrin au contact satiné… balancez-le dans la première poubelle venue ! Se trimballer avec ce genre de choses aux abords immédiats du Parc équivaut à arborer un écriteau fluo sur lequel serait inscrit « touriste à pigeonner ». Vous ne perdez pas vos billets de 5 € dans votre portefeuille ? Alors rangez vos tickets à leurs côtés, vous ne les égarerez pas davantage ! Cela vous évitera de passer pour un plouc, ou de servir de cible aux dealers de places, et aux quelques parasites qui gravitent autour du Parc les soirs de match.
Le service billetterie d’un hypermarché quelconque devrait donc remporter votre adhésion si vous êtes un Parisien néophyte. En revanche, n’oubliez pas qu’ils sont utilisés principalement par « monsieur tout-le-monde ». Vous serez parfois en but aux idées reçues les plus stupides concernant les Rouge et Bleu. Alors si vous ne souhaitez pas être pris pour un hooligan dans le centre commercial le plus proche de votre domicile, il faudra alors acheter vos places ailleurs… Et pourquoi pas par téléphone ou sur Internet, comme nous en parlerons dans notre prochain article ?